Sur le site internet du Tour du Qatar, le compte à rebours avant le départ était encore visible la semaine dernière. L’épreuve devait débuter ce lundi et tout semble avoir été laissé en plan. L’anniversaire des quinze ans n’aura pas eu lieu, la faute à « des difficultés rencontrées par les organisateurs dans la recherche de sponsors. » Une annonce et une justification surprenantes, surtout pour une course qui devait intégrer le World Tour.

Une préparation privilégiée

Quand l’épreuve a été créée en 2002 pour promouvoir le Qatar et la mondialisation, l’intérêt sportif ne sautait pas aux yeux. Plus attirées par les dollars offerts aux participants que par la gloire de la victoire, de nombreuses équipes sont malgré tout devenues des fidèles de l’épreuve. Avant de trouver dans cette préparation exotique quelques avantages. Une épreuve de cinq jours en février, courue sous la chaleur, s’annonce plus efficace qu’une petite semaine en France, où il faut avant tout se battre contre le froid et la pluie. Puis le vent très présent au Moyen-Orient, à l’origine de bordures et de beaux scénarios, est aussi devenu un argument. Les chasseurs de classiques sont toujours à la recherche de telles conditions pour se tester, surtout à un mois et demi des premières échéances. D’où l’expatriation, à la fin d’hiver, d’une partie du peloton.

Les sprinteurs sont alors les plus nombreux à faire le déplacement, voyant là quatre ou cinq occasions de s’affronter. Le plateau des as de la dernière ligne droite n’avait même rien à envier à certains grands tours. Le palmarès parle de lui-même : les trois coureurs les plus prolifiques sur l’épreuve sont Boonen, Cavendish et Kristoff. Le voyage au Qatar n’avait donc rien de vacances au soleil, il s’agissait bien d’un test intéressant peu après la reprise et en vue du printemps. Alors oui, à ceux-là, le Tour du Qatar doit manquer. En atteste ce tweet de Niki Terpstra, double vainqueur, une photo de bordures dans le désert à l’appui. « Cela va me manquer. Triste d’entendre que le Tour du Qatar 2017 est annulé. » Mais le Néerlandais n’est pas resté à la maison pour autant, et a fait les beaux jours du Tour de Valence la semaine dernière. Alexander Kristoff, lui, s’est aligné sur l’Etoile de Bessèges. Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Vieux Continent vs pétrodollars

Sans le Qatar, il a fallu trouver des solutions de repli. Les épreuves européennes en ont profité. Trois équipes de premier plan se sont alignées au dernier moment dans le sud de la France : une chance à une époque où beaucoup de courses peinent à s’organiser financièrement. Mais toutes les épreuves du Vieux Continent n’ont pas eu ce plaisir. La Méditerrannéene, annulée, n’a pas bénéficié de l’épisode qatari. Et à des milliers de kilomètres de là, le Tour d’Abu Dhabi avancé à fin février se propose comme solution de remplacement, même si elle arrive un peu tard.

Se pose alors la question la mondialisation dans le cyclisme actuel. Faut-il s’expatrier aux quatre coins du monde, dans des contrées à qui l’on offre le label World Tour alors qu’elles n’attirent pas les spectateurs, quand l’historique Paris-Tours n’y a plus droit ? Le Qatar a connu son apothéose cycliste avec l’organisation des derniers Championnats du monde à Doha. Mais il n’était pas prévu que ce Graal marque aussi son crépuscule. Le manque de sponsors avancé peut alors paraître surprenant compte tenu de la puissance financière de l’émirat. « Il y a des entreprises partout dans le monde qui sont intéressés par le cyclisme », disait en plus Bryan Cookson fin décembre au Figaro. Pourtant, cette semaine, il n’est pas question de bataille des sprinteurs au milieu du désert…

Tout organiser à coup de gros sous, pour attirer le regard du monde vers leur richissime état. Voilà la stratégie des pays du Moyen-Orient, le Qatar en précurseur. C’est aussi grâce à l’épreuve gérée par ASO que des courses se déroulent à Oman, Abu Dhabi ou Dubaï. A première vue, la recette paraît simple. Aligner les billets pour permettre à de grands noms de se déplacer et proposer à Eddy Merckx d’être parrain a forcément donné une belle image de ce bout de désert. Mais terminer une étape entre deux bouts de sable, sans un seul spectateur, et monter sur un podium que personne ne regarde, est-ce vraiment ça le cyclisme ? Si les sponsors ne sont réellement plus attirés par le projet qatari, c’est presque une bonne nouvelle. Une preuve que les gros chèques n’ont pas tous les pouvoirs dans le vélo. Reste que les courses européennes doivent passer à la vitesse supérieure. Pour montrer que le Tour du Qatar n’est pas indispensable.

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