Sept maillots jaunes différents en huit jours, et des conditions météorologiques extrêmes pour le mois de juin qui chamboulent le parcours de la dernière étape, le scénario du 80ème Tour de Suisse sur le papier paraît extrêmement alléchant. Qui plus est, vu de France, lorsque les jeunes coureurs de l’Hexagone brillent successivement. Mais, peut-on pour autant être satisfait de cet empilement montagneux, et des nombreux bémols en coulisses qui ternissent l’image de la société organisatrice ?

Trop de répétitions

Après un prologue plutôt classique à Baar, les coureurs ont enchaîné trois étapes, certes vallonnées, mais insuffisamment corsées pour empêcher une arrivée au sprint. Et ensuite ? Les cinq étapes restantes, sont toutes montagneuses, avec notamment trois arrivées au sommet consécutives, sur des cols pentus. Une accumulation de cols à plus de 2000 mètres d’altitude, que l’on peut juger excessive. Loin de penser que l’une des trois étapes de haute montagne proposées n’avait pas sa place de façon catégorique, une autre répartition dans le calendrier aurait été préférable. Le mercredi, avant d’emprunter la route de Cari, surnommée l’Alpe d’Huez du Tessin en raison de ses 22 lacets à 8,2 % de moyenne, il y avait deux sommets mythiques du territoire helvète à franchir. Le col de la Furka, et du Saint-Gothard. Mais, les 40 kilomètres de vallée nécessaires pour rejoindre le pied de la montée finale, avaient décidé avant le départ que tout se jouera dans les dix derniers kilomètres. Et plus exactement dans les derniers mètres, puisque les favoris ne se sont livrés qu’à une partie d’écrémage par l’arrière, avant de s’attaquer sous la flamme rouge, laissant le champ libre à Darwin Atapuma.

Bis repetita le lendemain, où le Klausenpass, col de 25 kilomètres théâtre d’un contre-la-montre en côte remporté par Roman Kreuziger en 2008, fut escamoté, servant les desseins de la seule échappée, se jouant la victoire sur les pentes d’Amden, une ascension présentant des pourcentages réguliers à 10 % sur huit kilomètres. Une deuxième course de côte en deux jours, quand on sait que le profil de l’étape du vendredi, lui, ne pouvait déboucher sur aucune autre issue. Car quand on propose aux coureurs l’escapade autrichienne vers Sölden et son glacier, le kilomètrage est toujours très long. La route du Rettenbachferner, reconnue pour sa brutalité extrême à près de 3000 mètres d’altitude, est en réalité beaucoup plus proche de la frontière italienne que de la douane suisse. 23 kilomètres la séparent du col du Rombo, alors que pour rejoindre Lustenau, dans la vallée du Rhin, il faut se farcir 180 bornes. Le tout, pour un sixième passage dans le Tyrol en onze éditions. On peut alors légitimement se demander si tout cela était vraiment utile à la bonne tenue du Tour de Suisse, épreuve qui se dispute dans un pays où la montagne est forcément reine. Car, qui plus est, les accidents de dernière minute se sont multipliés, face caméra, où hors retransmission.

De la dangerosité caricaturale

Quatrième étape, troisième si l’on excepte le prologue, entre Rheinfelden et Champagne. L’occasion de faire une incursion en région romande, et la dernière possibilité pour les sprinteurs de lever les bras avant la montagne, et le Tour de France. Le peloton est groupé à l’approche du dernier kilomètre, l’équipe Etixx-Quick Step emmène le sprint aux 500 mètres. Les spectateurs devant leur poste de télévision, qui n’auront pas reconnu le final sur leur ordinateur, s’attendent à un récital de vélocité. Que nenni ! Des coups de frein soudains, liés à un virage à angle droit positionné à seulement 150 mètres de la ligne d’arrivée ! Un circuit final extrêmement risqué, quand on sait que les coureurs étaient lancés à plus de 70 kmh. Danny van Poppel, a du réaliser une acrobatie impressionnante pour rester sur son vélo et éviter la chute, qui aurait touché presque automatiquement le reste du peloton. Logiquement, les critiques allaient bon train dans la zone mixte, dans un contexte où les chutes sont de plus en plus spectaculaires et fréquentes dans les traversées urbaines. L’organisation, Infront & Ringier Sports, n’a pas retenu la leçon de l’effroyable chute de 2010, ni les protestations du peloton après deux virages similaires à Büren et Bienne ces deux dernières années.

Mais la controverse s’est exportée ailleurs. Après les finals d’étapes à Cari et Amden, de nombreux directeurs sportifs se sont plaint de l’étroitesse des parkings prévus pour les bus d’équipes et les voitures, pointant par la même occasion un phénomène n’ayant rien de nouveau. Des détails non excusables au niveau World Tour. Quant au chrono du samedi, il présentait deux courtes ascensions. La descente de la première, a étonné les téléspectateurs pour son caractère très technique, vis-à-vis des coureurs équipés avec un matériel de contre-la-montre. Tejay Van Garderen est ainsi passé à deux doigts de la chute, et nombreux furent-ils à effleurer le terrain de pâturage longeant ce chemin de montagne, presque insensé à la vue de l’allure de la moto suivant le leader Ion Izagirre, flashée à 110 à l’heure ! L’annulation de la première moitié de la dernière étape, illustre donc les complications multiples accompagnant ce Tour de Suisse 2016, qui a tout de même accouché d’une semaine plaisante malgré les travers dus à son élaboration. Véritable contre-modèle logistique, avec de très longs transferts, le découpage des étapes aura respecté un schéma tellement binaire qu’il aurait pu offrir le plus mauvais Tour de Suisse depuis 2012. Le plateau de départ, de qualité moyenne, s’est toutefois sublimé pour reléguer ces excentricités au second rang. Mais comment aurait-on pu garder plus longtemps le silence ?

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