Mesdames, Messieurs, ressortez les pop-corn, la nouvelle saison du feuilleton Tinkov versus Riis a commencé lundi. En effet, le patron russe Oleg Tinkov a passé la vitesse supérieure en décidant de mettre à pied – provisoirement pour le moment – Bjarne Riis, l’emblématique manager de l’équipe Tinkoff-Saxo. Explications.

Des relations compliquées depuis le début

“Il est simplement trop orgueilleux, et il a un gros égo.” C’est ainsi, sur Twitter, qu’Oleg Tinkov a conclu les négociations pour le rachat de l’équipe Saxo Bank en octobre 2013. Et vous ne vous y trompez pas, c’est bien là de Bjarne Riis qu’il parle. Pourtant, la transaction tant attendue fue officialisé à peine deux mois plus tard, comme si de rien n’était. Le problème pour le milliardaire russe réside dans le fait que Riis bénéficie d’une aura incroyable, et sur le soutient de son équipe, particulièrement d’Alberto Contador. Or Tinkov a racheté l’équipe pour l’Espagnol, désireux de construire quelque chose de grand avec lui. D’où la nécessité de garder tout ce beau monde de son côté. Pourtant, les quinze premiers mois sous la houlette du Russe ressemblent à un fleuve d’élucubrations et de provocations, en off ou sur Twitter. Cependant, la collaboration est également marquée par une brève histoire d’amour entre Tinkov et Riis puisqu’à plusieurs reprises, le patron russe lança des fleurs à son manager sportif : “Bravo à Bjarne Riis, c’est le meilleur manager du monde”, ou encore “Ce n’est pas de Capello qu’avait besoin la Russie pour la Coupe du Monde, mais de Bjarne Riis.” Définitivement, il est difficile de comprendre la personnalité volatile de l’oligarque.

Les raisons de la colère

Mais récemment, le torchon a de nouveau brûlé entre les deux hommes, Oleg Tinkov reprochant à son manager d’être trop paternaliste et pas assez meneur d’homme. Une hypothèse que ne vient pas infirmer le communiqué publié par l’équipe Tinkoff ce mardi, qui précise que si Riis a été mis à pied, ce n’est “ni à cause d’un manque de résultats, ni à cause de problèmes financiers.” On veut bien le croire pour la question financière, et même pour les résultats, parce que Tinkoff a beaucoup gagné en 2014, et que la chute de Contador sur le Tour n’est qu’un malheureux hasard. Sans en dire plus, le communiqué explique qu’aucune décision définitive n’a été prise pour le moment. Pourtant, il serait bien que ce soit le cas rapidement, pour l’équilibre de l’équipe déjà, et parce que la saison bat son plein, avec l’arrivée des classiques flandriennes. Ce n’est pas le moment d’évoluer sans un manager sportif. Et comme si cela ne suffisait pas, les tensions sont également fortes entre le sponsor russe Tinkoff et le sponsor danois Saxo Bank. Ce dernier vole au secours de Bjarne Riis depuis l’annonce de son éviction, chose que le propriétaire de l’équipe n’a bien sûr pas du tout apprécié. Une nouvelle fois, Oleg Tinkov en a donc profité pour poster sur Twitter un message plein de provication : “Tinkoff-Saxo n’est  pas l’équipe nationale danoise, vous n’avez pas d’argent pour vous payer une équipe World Tour.” Voilà encore de quoi jeter de l’huile sur le feu, et surtout permettre au conflit de dépasser le cadre interne.

D’éventuelles explications

Si Tinkov n’avance l’argument financier qu’en sa faveur, on peut le lui retourner et lui reprocher d’aligner les chèques sans vraiment comprendre le cyclisme. Exemple, il proposait l’hiver dernier un million d’euros pour que Nibali, Froome, Quintana et Contador disputent les trois grands tours en 2015. Alléchant d’accord, mais le cyclisme professionnel n’est pas un jeu vidéo. Idem concernant Peter Sagan. Tinkov se déclarait ravi de son recrutement, et pensait pouvoir compter sur un homme prolifique. Sauf que le Slovaque, depuis deux ans, échoue régulièrement dans sa quête aux grandes victoires, et ce malgré une équipe dévouée à son service. Le projet Tinkoff, bâti uniquement autour de Contador, a donc fait le choix de recruter un jeune coureur en mal de victoires sans personne pour l’entourer. Que de contradictions. Ou alors le recrutement de Sagan n’était qu’un coup marketing, qui revient malgré tout à 4,5 millions d’euros annuels… C’est tous ces écarts qui ont sans doute énervé le manager danois et envenimé la situation. Pourtant, il y a une double dépendance qui rend assez inimaginable une réelle séparation. Bjarne Riis a besoin du capital économique d’Oleg Tinkov, et le Russe a besoin du capital symbolique du Danois…

Nicolas Berriegts

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