Oui, Contador a limité la casse vers Sestriere, et sauvé son maillot rose. Mais il n’empêche qu’il a eu chaud, et qu’au sommet du Finestre, avant dernier col de la journée, il paraissait clairement en danger. La faute, en partie, à une équipe Tinkoff qui durant trois semaines, a été incapable d’accompagner son leader en haute montagne…

Astana contre Contador

Depuis deux ans, Oleg Tinkov a mis la main au porte-monnaie pour offrir à Alberto Contador une garde rapprochée digne de ce nom en montagne. Roman Kreuziger, Michael Rogers et Ivan Basso sont des coureurs confirmés, que l’on sait capables de tenir longtemps en montagne. Et ils étaient tous les trois sur ce Giro pour accompagner le Pistolero. Sauf qu’on n’a semblé les voir qu’en première semaine, quand la montagne était encore loin. Dans les finals d’étapes, ils roulaient à bloc pour replacer l’Espagnol dans les premières places du peloton. Ca n’a pas apporté grand chose : au contraire, c’est parce que le leader de l’équipe Tinkoff était trop à l’avant qu’il a chuté et s’est blessé à l’épaule lors de la sixième étape. Une situation paradoxale qui montre bien les erreurs commises par l’équipe russe. Surtout que depuis, la montagne a pointé le bout de son nez et on n’a plus vu les hommes en jaune à l’avant de la course.

L’équipe Astana, de son côté, était surreprésentée, avec des coureurs comme Landa, Cataldo et Kangert pour accompagner Fabio Aru. Des hommes à la feuille de route bien moins importante que les équipiers supposés d’Alberto Contador, mais diablement plus utiles. Si le leader de la course rose n’a pas semblé véritablement en danger jusqu’à cette dernière étape de haute montagne, il n’empêche qu’il a toujours été esseulé. Face à la supériorité numérique de l’équipe kazakhe, il était donc presque couru d’avance qu’il serait à un moment dans une mauvaise posture. C’est arrivé dans le Mortirolo, où le Madrilène a dû réaliser un véritable contre-la-montre pour recoller à un peloton mené par des Astana désireux de faire l’écart. Il avait alors profité de sa domination pour impressionner, mais avait incontestablement lâché beaucoup d’énergie. Il l’a peut-être payé vers Sestriere, où la nouvelle absence de ses lieutenants aurait pu lui être fatale. Seul dès le Finestre, il a fait la fin d’ascension et la descente sans personne à ses côtés, avant de rallier l’arrivée avec le seul Kangert pour le regarder galérer.

Erreurs de casting ?

Rogers, 35 ans, n’a rien démontré cette année, et ne semble plus être d’une véritable aide pour Contador. Basso, 36 ans et arrivé cette année seulement après quelques saisons très compliquées, est dans le même cas. Pour Kreuziger, c’est un peu plus surprenant, mais il nous a habitué depuis son début de carrière à être d’une inconstance aussi frustrante qu’inexplicable. Sur ce Giro, accompagné de trois larrons finalement d’aucune aide, le Pistolero a donc dû se débrouiller seul, aussi bien lorsqu’il avait les jambes que lorsqu’il était en difficulté. En prenant le maillot rose au bout de quelques jours seulement, il savait qu’il mettait son équipe dans une situation légèrement inconfortable, mais c’est lui qui a semblé porter seul le poids de la course. Il faut dire que l’équipe Astana, avec une tactique douteuse qui a duré jusque dans la montée de Sestriere, a parfois aidé le Madrilène.

Ce dimanche à Milan, lorsqu’il montera sur la première marche du podium pour la troisième fois, Alberto Contador pourra se dire sans prétention aucune qu’il a remporté ce Giro tout seul. Et malgré ce manque d’appui de la part de ses coéquipiers, il a conservé une sorte d’invincibilité : à chaque fois qu’il a porté le maillot de leader sur un grand tour, il l’a ensuite emporté. Toutefois, comme le signe que ce Giro 2015 a été un grand tour pas comme les autres, Contador a lâché le maillot rose une journée à Fabio Aru, et c’était une première. D’habitude, lorsqu’il est en tête du général, il est impossible de l’en déloger. Mais qu’importe les statistiques, on ne retiendra de toute façon que la victoire, et cette défaillance que le Pistolero a su gérer lors de l’ultime grand rendez-vous de ces trois semaines. La preuve que même sans être correctement entouré, les grands champions s’en sortent.

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