L’Eneco Tour 2015 s’est achevé ce dimanche au sommet du Mur de Grammont par la victoire d’étape de l’habituel lieutenant Manuel Quinziato, et le deuxième sacre d’un grand par le talent, Tim Wellens. Le puncheur de la Lotto-Soudal a répété son schéma victorieux de 2014 dans l’étape la plus difficile de la semaine, celles des côtes ardennaises, entre Heerlen et Houffalize. Une démonstration de force, et aussi de sens tactique, là ou ses adversaires ont parfois eu tout faux, comme noyés dans le déluge belge.

Un ménage rendu possible par les conditions météorologiques

Si l’ancien Tour du Bénélux se déroule encore cette année au mois d’août – il sera déplacé en septembre l’an prochain pour cause de Jeux Olympiques ndlr – , la météo des dernières étapes nous aura sérieusement fait replonger dans la nostalgie des classiques printanières. Non seulement le tracé s’y prêtait avec enthousiasme, il aura fallu que les conditions de course s’en mêlent pour offrir au public un spectacle digne de celui des classiques, un format tant recherché par les organisateurs de l’épreuve, ayant opéré un lifting sur ce point depuis l’édition 2012, mettant un terme à une course à l’intêret mesuré, se décidant sur un prologue et un contre-la-montre final. Si les coureurs n’ont pas eu droit au vent lors des premières étapes de plaine aux Pays-Bas, la pluie a fait son apparition pour la première journée corsée, amenant le peloton dans la ville de Sittard, lieu de passage habituel de l’Amstel Gold Race. 28 côtes à parcourir, une pluie battante, une échappée de flahutes avec un Johan Le Bon victorieux, et derrière, des équipes décidées à décanter le tout en vissant sans attendre la flamme rouge. Un cocktail détonnant qui aura débouché sur une course de mouvements agréable à suivre, dans laquelle Tim Wellens s’est retrouvé comme un poisson dans l’eau, ce fut le cas de le dire.

On savait le natif de Saint-Trond particulièrement combatif, et coutumier du choix de l’offensive, même lorsque celui-ci paraît vain. Wellens avait tenté un improbable numéro au sommet de la côte de Cherave avant d’entamer le Mur de Huy en avril dernier, tiré son épingle du jeu dans le toboggan niçois en mars, réalisé un Giro soutenu l’an passé, et surtout pris le pouvoir au sommet de la Redoute l’année passée. Auteur d’un vrai raid solitaire, il avait repris pas moins de cinquante secondes sur Lars Boom et Tom Dumoulin en plaçant une attaque tranchante dans l’avant-dernière difficulté. Des qualités d’anticipation et de réalisme évidemment remarquables dans un cyclisme ou les courses ont parfois tendance à se perdre par un attentisme latent. D’ailleurs, si l’on excepte sa quatrième place au Tour de Lombardie, Wellens n’a jamais autant brillé sur la ligne d’arrivée que lorsqu’il prend les choses en main auparavant, et ce d’initiative personnelle ou collective. Après avoir joué la carte André Greipel sur la première partie d’épreuve, la bande d’Herman Frison s’est totalement dévouée pour son jeune leader, parfaitement entouré par d’autres pépites en devenir, telles Benoot ou Debusschere. Mais ce qui y a de plus fort dans la victoire finale du Flamand, c’est qu’il se soit mis sans broncher à la planche pour replacer le “Gorille de Rostock” dans les derniers kilomètres des étapes initiales, et que l’Allemand lui rende la pareille de façon inouïe après le court chrono d’Hoogerheide.

BMC et Astana auront déçues

Sous les trombes d’eau qui se sont abattues sur le Limbourg Néerlandais, quelle fut la surprise des commentateurs, des internautes et des participants eux même, dans le feu de l’action, de voir André Greipel se lever de sa selle et porter une attaque dans le Windraak, ce chemin de campagne pentu à l’étroitesse prononcée. Prouvant encore une fois son altruisme, le quadruple vainqueur d’étapes sur la dernière Grande Boucle a emmené dans son porte-bagages Tim Wellens, et fait sauter le leader d’alors, Jos van Emden, ainsi que divers prétendants au général final, dont le fameux duo de la BMC Gilbert – van Avermaet ainsi que Lars Boom. Se positionnant ainsi comme le mieux placé des favoris derrière la paire de la voisine Lotto – Jumbo, Wellens n’avait plus qu’à faire craquer le valeureux Wilco Kelderman le lendemain dans une étape empruntant certaines montées de Liège-Bastogne-Liège, à l’image du terrible Mur de Saint-Roch, franchi à trois reprises. On attendait en guise de réaction un coup tactique des équipes possédant plusieurs cartes à jouer, pouvant éventuellement faire parler leur surnombre, et au lieu de tout ça, Lotto-Soudal a imprimé un rythme élevé dès les premières ascensions pour réaliser un écrémage par l’arrière, éliminant les équipiers des autres prétendants.

Face à ses responsabilités, Wellens a attaqué dans les passages les plus impressionnants du Mur, écoeurant un Greg van Avermaet sorti à contre-temps, puni par son compatriote pour sa fébrilité à entreprendre aux côtés de Philippe Gilbert, pourtant tout aussi en forme que lui. L’équipe Astana, elle, a également sombré, et c’est encore une fois dans l’ombre et sans grande prétention affichée au préalable qu’Andriy Grivko se classe dans le top 10 de cette épreuve, sauvant la contre-performance de Boom, invisible après un bon Tour du Danemark. Sur une épreuve qui revisite les courses d’un jour, Wellens y a rassemblé les qualités requises pour tirer son épingle du jeu. Sûr de lui, son numéro d’aisance sous une météo chaotique témoigne de son abnégation à aller chercher des résultats gratifiés par la manière dont ils sont obtenus. Nullement inquiété sur les pavés du Mur de Grammont et des “bergs” aux alentours, Wellens était tranquille tout au long de la semaine, et n’a jamais semblé à la peine tout au long des sept étapes de l’Eneco Tour. En remportant pour la deuxième fois d’affilée cette course World Tour, il se signale encore un peu plus au premier plan des potentiels vainqueurs de demain sur les Monuments d’avril. Une excellente nouvelle également pour l’équipe de Belgique, qui, en vue des Mondiaux, sait qu’elle pourra compter sur un homme fort supplémentaire à Richmond. Avec Gilbert, van Avermaet, Boonen et Leukemans, il faudra bien s’entendre, pour une sélection qui fait déjà office de favorite pour la gagne aux Etats-Unis. À Wellens d’y faire son trou.

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