Le pari des organisateurs s’est révélé payant. En plaçant une étape de montagne dès le troisième jour, on pouvait craindre que les reliefs andorrans accouchent d’une souris. C’est finalement tout le contraire : il n’y a eu aucun round d’observation entre favoris. À fond la caisse, l’équipe Sky n’a pas tardé à lancer les grandes manœuvres, et voilà déjà Christopher Froome fort du maillot rouge de leader.

La condition du Tour, avantage initial

Par rapport à leurs petits camarades venus du Giro, les coureurs du dernier Tour de France bénéficient d’un état de forme plus avancé. Pas besoin d’attendre la fin de la première voire de la deuxième semaine pour être bien en jambes et dévoiler ses cartes. Ainsi, quand Christopher Froome est passé à l’attaque dans l’Alto de la Comella, on a bien cru voir le tueur de la Pierre Saint-Martin ou du Mont Ventoux se remettre en marche, un mois après avoir serré les dents sur le Tour. Mais si le démarrage fut brutal, la réponse de ses concurrents fut à la hauteur. Et en première ligne, on retrouve les favoris du mois de juillet : Romain Bardet, Fabio Aru, et surtout Esteban Chaves, affecté par le décès de sa physiothérapeute il y a quelques semaines, l’ont suivi. Le Colombien, facile dans la roue du Britannique, a marqué de gros points et a presque enfilé le costume de rival numéro un. Simplement, la descente technique de la fin d’étape a rassemblé tout le monde et empêché les écarts. Ce n’est que partie remise.

Vincenzo Nibali, à la peine dans la dernière ascension, l’a même emporté à l’arrivée. Mais sa victoire d’étape, en finisseur, masque en partie l’absence de répondant de la part des coureurs ayant opté pour le Giro. Ainsi, deux plans de course différent s’opposent quant à la suite des événements. Obnubilée par chaque détail depuis le chrono de Nîmes, la Sky cherche à exploiter chaque opportunité pour faire des différences sur ses concurrents directs. Vers Gruissan, hier, on l’a vu tenter de produire quelques bordures, sans succès. La suite du menu, ces prochains jours, semble toutefois bien moins favorable à Froome, moins en vue sur les murs pentus. Double vainqueur d’étape en 2015, Esteban Chaves doit se souvenir que c’est sur ce type d’étape qu’il avait pris les commandes de l’épreuve. Une indication avant la première arrivée au sommet recensée, mercredi à Alcossebre, et le final classique à Xorret de Cati.

Peut-il tenir sur le même rythme jusqu’à Madrid ?

Le décor étant planté, Chris Froome, reconnu comme un grand perfectionniste, peut sûrement se mordre les doigts de ne pas avoir creusé des écarts un peu plus conséquents. L’arrivée groupée de neuf coureurs à Andorre ferait presque oublier qu’ils étaient complètement éparpillés six kilomètres auparavant. Au général, Froome ne dispose donc que de deux secondes d’avance sur De La Cruz, Roche et Van Garderen. Son expérience espagnole lui dira que la Vuelta est un grand tour où les bonifications dictent souvent les changements de leadership. Et à ce jeu là, la course défensive menée par Nibali pourrait lui poser problème passé le cap de la mi-course. Quand on voit l’écart réalisé au sommet de l’Alto de Comella, on peut légitimement penser que le Britannique s’attendait à reprendre une quinzaine de secondes au Requin de Messine, qui devrait monter en régime d’ici la Sierra Nevada.

S’il est conscient de pouvoir planter deux minutes à chacun de ses rivaux sur les 37 kilomètres de contre-la-montre en début de troisième semaine, Froome aura-t-il les mêmes réserves qu’en début de Vuelta pour grimper l’Angliru ? Pour contrer cette perspective, il répète toutefois à l’envie qu’il est venu moins fort en première moitié de Tour de France pour maximiser ses chances sur le Tour d’Espagne. La quête du troisième doublé Tour-Vuelta de l’histoire le fascine, et il faut bien le dire, jamais on n’avait observé « Froomey » aussi tranchant fin août. C’est même seulement la deuxième fois, en cinq participations, qu’il se pare de rouge. Alors bien sûr, il ne faut pas s’enflammer. Mais cette formule introductive piquante nous a emballé.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.