De retour sur les terres de son éclosion ce week-end, Jasper Stuyven n’a pas flanché. Deuxième de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, un an après y avoir décroché sa première grande victoire, le Flamand assume déjà son nouveau rôle. S’il n’est pas le successeur de Fabian Cancellara, chez Trek, il est le nouveau leader. Et c’est déjà beaucoup.

Un week-end et des certitudes

Il y a une semaine, pour le quotidien Het Nieuwsblad, Stuyven ne faisait pas dans la langue de bois. A la question de savoir s’il était temps que Fabian Cancellara prenne sa retraite, il a répondu un très ferme « Oui ». Avant de préciser sa pensée devant l’incrédulité du journaliste : « Il y a assez d’hypocrisie en course, on ne doit pas cacher les choses… Lorsque Fabian était là, je n’étais qu’un lieutenant dans les grandes classiques. » Alors Trek avait prévu le coup. Depuis quelques saisons déjà, Jasper Stuyven, grand espoir et spécialiste des pavés, apprenait auprès du Suisse, triple vainqueur du Tour des Flandres et de Paris-Roubaix. « Si je ne devais retenir qu’une chose de ce que j’ai appris grâce à lui, c’est qu’il faut rester calme tout en étant parfois audacieux », confiait le Belge à Sporza cet hiver.

Il a d’ailleurs parfaitement suivi ce précepte, ce dimanche, vers Kuurne. A 25 kilomètres de l’arrivée, c’est lui qui a attaqué pour lancer l’offensive qui ira au bout. Finalement battu par Sagan au sprint, il y avait chez lui une part de déception. Mais il savait aussi retenir le positif de ce résultat : « J’aurais voulu gagner mais je ne peux pas être déçu de cette deuxième place. Ce n’est pas une honte d’être battu par Sagan, mais je continue de croire que je pourrai le battre à l’avenir », relevait-il. Sur ce coup-là, le Slovaque semblait de toute façon trop au dessus du lot. Pour Stuyven, il n’y a donc pas eu doublé. Mais le week-end a été riche en enseignements. Déjà solide sur l’Omloop Het Nieuwsblad, qu’il a terminé huitième après avoir placé une banderille dans le Taaienberg, l’enfant de Louvain a parfaitement lancé sa campagne de classiques. Il se juge plus en forme que l’an dernier à pareille époque, et lorgne désormais sur les monuments pavés. Une évolution logique à 24 ans et maintenant qu’il est débarrassé du précieux mais encombrant Cancellara.

La prophétie du patron

Pourtant, chez Trek, Stuyven n’est pas tout seul. Alors qu’il espérait récupérer un rôle de leader unique cette saison, il a vu débarquer John Degenkolb, vainqueur de Paris-Roubaix en 2015. « Au début quand je l’ai appris, j’étais déçu, c’est vrai, a-t-il reconnu pour le Het Nieuwsblad. Mais la déception a rapidement disparu et j’ai pris conscience qu’il était peut-être trop tôt pour que je sois l’unique leader de l’équipe. Surtout qu’après l’ère Cancellara, les attentes seront élevées. » Le discours se veut emprunt de modestie, et difficile de le croire totalement sincère tant Stuyven paraît ambitieux et capable d’assumer la pression. Mais qu’importe, le Belge est de toute façon contraint de cohabiter avec l’Allemand. Sauf que cette fois, il a pu imposer certaines conditions. Après avoir été le patron sur le week-end d’ouverture, la casquette de leader va être partagée. « John sera le n°1 sur Milan-Sanremo. Mais ensuite, du GP E3 à Paris-Roubaix, nous serons au même niveau », assure-t-il.

Dans son discours de jeune pousse raisonnable, désireuse de ne pas se brûler les ailes, le garçon prend même en exemple Sep Vanmarcke, très tôt mis sur le devant de la scène. « Il a remporté le Het Nieuwsblad à 23 ans (comme Stuyven quand il a remporté Kuurne-Bruxelles-Kuurne, ndlr) et il est rapidement devenu le leader de son équipe, a-t-il détaillé pour le Het Nieuwsblad. Depuis, il a décroché des places d’honneur mais n’a pas gagné. Peut-être qu’il était trop jeune pour franchir cette étape. » Jasper Stuyven la joue donc tête basse. Pour lui, partager la pression avec Degenkolb serait finalement une bonne chose. Mais ses objectifs, à savoir terminer dans le top 10 de toutes les classiques flandriennes – « et peut-être dans le top 5 », osait-il récemment –, sont bien ceux d’un grand leader. Rien de plus logique le concernant. Lorsqu’il avait levé les bras sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne, Fabian Cancellara avait eu une phrase en guise de prophétie sur Twitter : « Le futur est à toi… » On est y, et Stuyven ne compte pas perdre de temps.

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