Depuis sa création en 2010, la Sky n’a cessé de se forger un effectif chaque saison plus impressionnant. Domination sur trois semaines, faculté à transformer un quidam en champion d’exception, salaires attirants : voici la recette miracle qui a fait de l’équipe britannique la destination rêvée pour de nombreux coureurs du peloton. Avec un système bien défini, autour d’une seule course et d’un seul homme : le Tour de France et Chris Froome. Derrière le leader, un harem de coureurs d’exception sont cantonnés à un rôle de gregario. Un fonctionnement qui a ses limites.

L’argent ne fait pas le bonheur

On le sait, l’équipe Sky, par le biais de son manager général, gère sa com’ avec une minutie rarement vue dans le peloton professionnel. Chaque sortie médiatique est calculée, maîtrisée, et derrière l’image d’ouverture et les sourires de façade lorsque l’audience est forte, il est en réalité compliqué d’accéder aux coulisses de la Sky. Il en est longtemps ressorti des entretiens assez lisses, où l’on fait comme si on en disait beaucoup pour un résultat souvent banal. L’art de la communication, finalement. Mais la donne semble avoir changé depuis la fin de saison 2016. Si le clash n’est pas de rigueur, on décèle entre les lignes une forme d’impatience chez certains coureurs, en quête de responsabilités.

La force de la bande à Dave Brailsford pourrait ainsi devenir une faiblesse. S’attacher les services des meilleurs coureurs du peloton pour en faire des domestiques de Chris Froome a été une formule payante. Le cyclisme est devenu plus que jamais un sport collectif, surtout avec la Sky. Problème, ils ne sont pas neuf à gagner le Tour de France comme ils sont onze à gagner la Ligue des Champions. C’est là toute la limite du fonctionnement. Leopold König a quitté la maison à l’automne pour jouer sa propre carte. Nicolas Roche également : « J’ai toujours des ambitions personnelles et la manière de courir de BMC me permettra d’avoir ma chance », indiquait récemment le coureur Irlandais au Grand Plateau.

D’autres sont restés mais ont également fait part d’une forme de lassitude à jouer les équipiers. C’est le cas de Wout Poels, qui avait indiqué, en septembre, nourrir des ambitions en vue du Giro ou de la Vuelta. Des velléités recalées par la Sky, au grand dam du Néerlandais. « Malheureusement, ce ne sera pas possible, avait-il confié à Nos.nl. C’est le seul inconvénient qu’il y a à courir pour une grande équipe comme Sky. » Cet écueil, ils sont nombreux à l’avoir vécu avant de partir sous d’autres cieux. Alors tous ceux qui ont aspiré à la lumière des projecteurs ne sont pas parvenus à remporter, par la suite, un grand tour ou une grande classique. Mais quelques uns, comme Richie Porte, Rigoberto Uran ou Edvald Boasson Hagen ont au moins le plaisir d’avoir un rôle digne de leur talent.

Tout pour Froome et le Tour de France

Quand les autres costauds de la Sky ont la chance de ne pas courir sur la même épreuve que Froomey, ils se trouvent confrontés à un autre problème : le partage du leadership. Statut parfait pour finir deuxième et troisième d’une course, mais pas pour en sortir vainqueur – demandez à Porte et Henao sur le Tour du Pays-Basque 2013. Sauf que que la richesse d’effectif de la formation britannique ne laisse pas d’autres choix à Brailsford. Au départ d’une épreuve World Tour, que ce soit Paris-Nice ou un Tour des Flandres, il y aura forcément deux coureurs, si ce n’est plus, en mesure de briller. Dernier exemple en date, le Tour Down Under qui s’est élancé la nuit dernière, avec la présence de Sergio Henao et de Geraint Thomas. Le verdict de ce fonctionnement ? Peu de victoires sur les classiques ou les courses d’une semaine en dehors de Chris Froome – où Bradley Wiggins avant lui.

La raison est simple, Brailsford mise tout sur le Tour de France, l’épreuve la plus rentable en terme de retombées économiques et médiatiques. Il en ressort une impression « tous les jetons dans le même panier », mais aussi d’une scission de l’équipe. Il y a celle qui rafle quasiment tout autour de Froome et l’autre, qui obtient de beaux accessits et réussit quelques coups d’éclat à l’instar de Poels sur Liège-Bastogne-Liège l’an passé, mais qui ne domine pas outrageusement. Le Giro est un bon exemple de ce relatif « je m’en foutisme » puisqu’il n’y aura pas de leader unique en 2017. Landa et Thomas devront cohabiter. Un choix que l’on peut lire comme un manque de confiance envers les deux hommes, d’autant que Sky possède la preuve depuis Wiggins qu’inscrire une équipe forte derrière un seul leader est gage de réussite. Qu’importe que le leader soit intrinsèquement le meilleur coureur ou non.

On connaît le souci du détail chez Sky, aussi appelé gains marginaux. Il est omniprésent lors du Tour de France, mais on en vient donc à se demander si les mêmes moyens sont mis en œuvre concernant la préparation, la reconnaissance et le travail collectif en vue d’une autre épreuve. Une chose est sûre, en terme de « neuf de départ », c’est incomparable. On comprend donc Thomas quand il fait état de ses ambitions. « J’aimerais, un jour, prendre le départ du Tour en temps que leader et voir de quoi je suis capable. Mais je n’ai pas envie d’aller dans une équipe qui ne m’offre pas les meilleures dispositions pour un grand tour. » Autrement dit, une équipe incapable de lui offrir une armada comme la Sky. Où la moitié des équipiers ont déjà fait un top 10 sur trois semaines.

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