Ancien champion du monde espoir, vainqueur du Tour de l’Avenir, Romain Sicard est devenu un coureur discret mais travailleur et passionné. Personnage singulier du peloton, le Basque français passé par Euskatel-Euskadi évolue depuis quelques années chez les Vendéens de Direct Energie. La voix brisée par un rhume, il a néanmoins pris le temps de répondre hier soir à la Chronique du Vélo . L’élégant grimpeur se livre sur ses années en orange, sa transition difficile vers le monde professionnel et son amour du vélo.

Qu’est-ce qui vous a amené au vélo quand vous étiez jeune ?

Le Tour de France. J’ai vite eu la passion du Tour. Mon père qui était cyclotouriste, et mon oncle, qui était triathlète, me l’ont vite transmise. Ils m’ont amené sur le Tour petit, ils m’ont attiré vers le vélo. A l’époque, j’admirais pas mal Miguel Indurain, après il y a eu Richard Virenque bien sûr. Ce sont les coureurs qui sortaient du lot quand j’étais petit.

Vous avez commencé chez Euskatel-Euskadi. Pourquoi ce choix ?

J’ai été repéré par l’équipe filiale, Orbea, qui était en quelque sorte une équipe Continental, axée sur les jeunes et très formatrice. Ils m’ont repéré et sollicité quand j’étais amateur. C’est la première équipe qui m’a proposé quelque chose. Je suis un basque français et c’est ce qu’ils recherchaient à l’époque. C’était un projet qui m’intéressait parce que je suis très attaché à ma culture basque. Pour moi, avoir une porte vers l’équipe basque du peloton, Euskatel-Euskadi, ça représentait quelque chose de très grand. 

Et ces maillots oranges, vous les admiriez ?

Bien sûr, je suis très attaché à cette culture-là. En plus de ça, il y a une grosse ferveur au Pays-Basque, une grande passion pour le vélo. J’admirais leurs coureurs et leur tempérament offensif. C’est un peu une équipe qui, par sa manière de courir, me représente, une équipe qui attaque. 

Vous ressentiez cette ferveur en passant dans les Pyrénées, avec le maillot orange ?

Oui, j’ai eu l’occasion de faire un Tour avec Euskatel. C’était quelque chose d’énorme. Ils ont une ferveur, une passion et une culture du vélo qui est exceptionnelle. Ils connaissaient tous les coureurs de l’équipe, un par un, c’est quelque chose de vraiment particulier. 

Il y a un coureur qui vous a tout particulièrement marqué là-bas, qui vous a pris sous son aile ?

Personne ne m’a concrètement pris sous son aile mais je me suis lié d’amitié avec pas mal de coureurs parce que ce sont des hommes humbles, assez simples. J’ai apprécié tout le monde, mais plus particulièrement Igor Anton et Mikel Nieve, avec qui j’avais de vrais affinités. Je m’entendais bien aussi avec les plus jeunes. Et puis il y a un coureur dont on a tous pu s’inspirer, c’est évidemment Samuel Sanchez, parce que niveau professionnalisme, science de la course et sérieux, c’est quelqu’un d’assez remarquable. 

Vous avez changé d’équipe à cause de l’arrêt du sponsor Euskatel. Si l’aventure avait continué, vous seriez resté ?

J’étais encore sous contrat, donc en l’occurence, je serais resté au moins une année de plus. Je ne me posais pas la question d’un départ.

Vous avez vu des différences en arrivant dans l’équipe de Jean-René Bernaudeau ?

Il y a toujours des différences. Mais j’ai vu surtout vu beaucoup de similitudes. Dans la façon de courir, dans la philosophie, dans le côté familial de l’équipe, c’est très semblable.

Vous avez été champion du monde espoir et vous avez gagné le Tour de l’Avenir en 2009. Est-ce que ça ne vous a pas mis trop la pression ?

Pas du tout. J’ai pris énormément de recul là dessus. Je savais que ce que je venais de réaliser, c’était à l’échelon espoir. Je me suis un peu mis dans une carapace car je savais quelle était la réalité.

« Le vélo a évolué ces dernières années et les professionnels, c’était deux marches au dessus. Et elles étaient énorme. J’avais beaucoup de respect pour le monde professionnel. »

Romain Sicard

Bernard Hinault vous avait alors annoncé comme le futur champion français…

J’étais flatté qu’un tel coureur dise ça de moi mais je savais que ça ne correspondait pas vraiment à la réalité. Le vélo a évolué ces dernières années et les professionnels, c’était deux marches au-dessus. Et elles étaient énorme. J’avais beaucoup de respect pour le monde professionnel.

En même temps vous aviez réussi un doublé exceptionnel non ?

Bien sûr que c’est exceptionnel mais c’est à l’échelon espoir. Les épreuves ne sont pas les mêmes.

Donc ça reste de bons moments ?

Ça reste de super souvenirs, ce sont des moments inoubliables qu’on ne m’enlèvera pas. Mais dans le sport de haut niveau il faut vivre au présent. Ni dans le passé, ni dans le futur.

Vous avez eu des problèmes de santé en 2011, est-ce que ça a affecté votre carrière ?

Physiquement oui, ça m’a freiné. J’étais dans un bon élan. Mais à côté de ça, mentalement, ça m’a permis de beaucoup mûrir, de m’endurcir car ce sont les moments difficiles qui sont les plus enrichissants. J’ai su relativiser suite à ça.

« Je n’ai pas de regrets dans la mesure où j’ai toujours eu et que j’ai encore à l’esprit cette notion de plaisir. Elle est malheureusement trop souvent oubliée dans le milieu du vélo professionnel. »

Romain Sicard

Est-ce que vous avez des regrets?

Pas forcément car je me suis toujours investi à 100 %, j’ai toujours fait mon maximum et je pense le faire encore aujourd’hui. C’est l’essentiel. Les seuls regrets que je pourrais avoir avoir c’est de m’être mis un peu trop de pression à un moment donné, d’avoir été trop exigeant avec moi-même et du coup d’avoir douté, d’avoir perdu la confiance. Mais je peux dire que je n’ai pas de regrets dans la mesure où j’ai toujours eu et que j’ai encore à l’esprit cette notion de plaisir. Elle est malheureusement trop souvent oubliée dans le milieu du vélo professionnel.

Est-ce que les nouveaux outils comme les watts vous font perdre ce plaisir, vous l’amoureux du vélo ?

Les watts, je m’en sers comme beaucoup de coureurs. Mais pour moi, c’est d’avantage un outil à l’entraînement, je ne me focalise pas là dessus. À un moment donné, il faut aussi écouter son corps, ses sensations. Quand on est en course, les watts je les regarde très peu. L’instinct, c’est l’âme du vélo, il ne faut pas oublier ça. Quand il faut flairer le bon coup, la bonne échappée, les watts, ça ne sert plus à grand chose.

Surtout quand on a un esprit offensif qu’il ne faut pas brider…

Oui, chez Direct Energie, c’est la marque de fabrique de l’équipe. L’instinct, courir avec du cœur, en étant généreux. C’est ce qui a fait et ce qui fait encore les succès de l’équipe. La victoire de Lilian (Calmejane), ce ne sont pas les watts qui l’ont généré. C’est l’envie de courir, un collectif soudé et la gnaque. C’est ce qu’a véhiculé Thomas (Voeckler) pendant des années et qu’il continue de véhiculer. L’énergie de l’équipe vient de là.

Vous avez terminé deux fois dans les quinze premiers sur la Vuelta, pourquoi vous n’avez jamais approché un tel résultat sur le Tour ?

Ces top 15, c’est parce que j’ai eu une approche différente de la course. Je me suis davantage focalisé sur le général. Mais voilà, la marche vers le top 10 est encore plus haute. Et le Tour c’est une autre dimension de toute façon.

« Aujourd’hui, jouer pour un top 10, ça n’appartient qu’à une poignée de coureurs. Le cyclisme est un peu plus stéréotypé. »

Romain Sicard

Ça vous plaît de jouer le général ?

Pour que ça soit représentatif, il faut au moins entrer dans le top 10. De toute façon, jouer le général ne convient pas forcément à mon tempérament offensif. Aujourd’hui, jouer pour un top 10, ça n’appartient qu’à une poignée de coureurs. Le cyclisme est un peu plus stéréotypé. Moi, je ne pense pas être capable de rentrer dans les dix à la pédale donc je préfère me focaliser sur les étapes, m’échapper, faire le vélo que j’aime.

Espérez-vous un jour remporter une étape du Tour ?

Gagner sur le Tour, c’est vraiment réservé à une élite. On le voit encore hier c’est Bauke Mollema qui gagne, un grand champion.

Quels sont vos objectifs pour le futur ?

Ce qui me convient le mieux, ce sont les courses par étapes. Mais je n’ai pas assez prouvé pour ça, c’est trop compliqué de me fixer des objectifs comme ça. Moi, je veux me faire plaisir et mon objectif est plutôt d’aider des jeunes coureurs talentueux comme Lilian (Calmejane), partager mon expérience. Je veux faire de très bonnes courses collectivement. Dans le vélo, il faut vivre dans le présent et se faire plaisir, c’est l’essentiel.

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