L’adage qui veut que l’histoire ne se répète jamais est né bien avant le Tour de France. Il est vrai qu’elle ne se rejoue jamais avec exactitude, mais sur la Grande Boucle, l’histoire bégaie parfois. Le chiffre 7 est ainsi le bègue du cyclisme. Depuis la création du Tour de France en 1903, le vainqueur lors de la septième année de chaque décennie a remporté son premier Tour de France. L’édition 1977 conclue par la seconde victoire de Bernard Thévenet fait ainsi figure d’unique exception. En attendant de découvrir si l’édition 2017 pourrait, à nouveau, faire bégayer l’histoire du Tour, la Chronique du Vélo revient sur ces années 7, faîtes de début de règnes, d’apogées et d’exploits inattendus.

1907 : Lucien Petit-Breton, acte I

La moustache parfaitement soignée, Lucien Petit-Breton remporte en 1907 le premier de ses deux Tours de France. La Grande Boucle fait alors vraiment le tour de la France et se joue aux points, non au temps. Lucien Petit-Breton, recordman de l’heure en 1906 et déjà auteur de deux top 5 sur la grande boucle, n’était pas un inconnu au départ de cette cinquième édition du Tour, mais le statut de favori revenait à Émile Georget, un autre Français. C’est d’ailleurs ce redoutable pistard qui domine le début de la course, remportant cinq des neufs premières étapes. Mais au soir de la neuvième étape, les commissaires de course le sanctionnent de 44 points pour un changement de vélo en cours d’étape. L’assistance au coureur en course est alors interdite et c’est donc Lucien Petit-Breton qui en profite, prenant un siège de leader qu’il ne cédera plus. L’année suivante, en 1908, il réédite son exploit et remporte un second Tour de France. Mort pour la France en 1917, Lucien Petit-Breton restera comme le premier coureur à avoir réalisé le doublé.

1927 : Nicolas Frantz, enfin !

Deuxième en 1924, quatrième en 1925, puis à nouveau deuxième en 1926, le Luxembourgeois a longtemps tourné autour du maillot jaune. En 1927, enfin, ce travailleur acharné l’emporte, après une démonstration vers Luchon au terme de 326 kilomètres d’effort. À Paris, deux semaines plus tard, il compte près de deux heures d’avance sur son dauphin Maurice Dewaele. En 1928 le résident du Grand Duché fait encore plus fort en conservant le maillot jaune de la première à la dernière étape. À 28 ans, Frantz est à son acmé.

1937 : Roger Lapébie, surprise sans lendemain

Le Tour 1937, le premier couru avec dérailleur, offre un scénario dingue. Les deux immenses favoris, le prodige Gino Bartali et le tenant du titre, Sylvère Maes quittent la course chacun à leur tour. D’abord, l’Italien, maillot jaune sur le dos, est contraint à l’abandon dans les Alpes. Ensuite, le Belge est sanctionné d’une pénalité pour faute à la sortie des Pyrénées. Sanction qui provoque le départ de son équipe nationale du Tour en signe de protestation. Roger Lapébie, alors deuxième du général, voit échoir sur ses épaules un maillot jaune totalement inespéré, à 20 ans. L’équipe de France renoue avec la victoire sur le Tour mais Lapébie n’y reviendra jamais, privé du reste de sa carrière par une grave chute dans Bordeaux-Paris 1939.

1947 : L’unique Jean Robic

Jean Robic, c’est ce coureur atypique, si petit (1,61m) mais si cabochard. Le Tour 1947, le premier après la seconde Guerre Mondiale, est à son image et sa victoire fait son portrait. Alors que l’Italien Pierre Brambilla est en jaune au départ de la dernière étape vers le Parc des Princes, Robic, 26 ans, fait un coup de force mémorable. À la sortie de Rouen, en début d’étape,il profite de la côte de Bon-Secours pour sortir du peloton. Brambilla est en difficulté et les écarts grandissent jusqu’à ce que la chasse derrière le français ne s’arrête. Le peloton a abdiqué, Robic termine avec treize minutes d’avance sur ses rivaux et remporte son seul Tour de France. Avant le départ, il avait promis à sa femme : « Je n’ai pas de dot, mais je t’offrirai le Tour. » Toute la France aurait voulu l’épouser. Robic portera le maillot jaune une seule autre fois, en 1953, mais jamais plus il ne s’approchera du sacre.

1957 : La première de Maître Jacques

Premier Tour de France, et premier succès pour Jacques Anquetil. Si sa victoire sur Paris-Nice au printemps plaçait déjà le personnage, le jeune coureur de l’Équipe de France n’a que 23 ans et il n’est logiquement pas le favori au départ de cette quarante-quatrième édition. Pourtant, le grand Jacques profite parfaitement de la non participation de Louison Bobet puis des abandons des épouvantails Bahamontes et Charly Gaul pour remporter ce Tour 1957 avec une avance confortable. Sa victoire éclatante en appellera d’autres, qui mettront du temps à venir. À partir de 1961, après quelques saisons décevantes, il s’impose comme le meilleur coureur du monde et prend le record du nombre de victoires finales sur le Tour.

1967 : Roger Pingeon s’envole

La victoire sur le Tour 1957 de Roger Pingeon est l’illustration de son talent et de son panache. Le Français de 26 ans prend le jaune au bout de la cinquième étape après une cavalcade folle entre Roubaix et Jambes. Pour lui, pas besoin d’attendre les Alpes. Bien aidé par un Poulidor qui accepte de se mettre à son service, Pingeon ramène le maillot à Paris. Vainqueur du Tour d’Espagne en 1969, le filiforme coureur français n’a finalement pas eu un palmarès aussi garni qu’il aurait pu l’espérer. La faute, notamment, à un cannibale nommé Merckx, dont il prendra la place de dauphin sur le Tour 1969.

1987 : Stephen Roche, année héroïque

Vainqueur du Giro deux mois plus tôt, Stephen Roche, jusque là plus à l’aise sur une semaine que sur trois, crée la surprise sur la Grande Boucle en s’offrant le doublé Giro-Tour avant d’y ajouter un championnat du monde et de réaliser la seconde et dernière triple couronne de l’histoire. L’Irlandais n’était pourtant pas forcément le plus attendu de ce Tour 1987. Mais l’absence de Greg LeMond après son accident de chasse, la retraite de Bernard Hinaut et la mauvaise forme de Laurent Fignon offre une édition pleine de suspens. Au bout, c’est donc Stephen Roche qui l’emporte, précédant de quarante petites secondes Pedro Delgado. À 27 ans, Roche est à l’apogée de son immense carrière, il ne s’approchera plus jamais d’une nouvelle victoire.

1997 : Prodigieux Jan Ulrich

Le visage poupon de Jan Ulrich, la foule avait pris l’habitude de le voir dès 1996, quand vêtu du maillot blanc, il avait épaulé Bjarne Riïs jusqu’à la victoire sur le Tour. Tout le monde avait alors entrevu le talent du garçon. En 1997, il va complètement en éclabousser le peloton. Fidèle à Bjarne Riïs sur le début de course, le gamin d’ex-RDA ne supporte plus de voir son leader à la traîne face aux attaques conjuguées de Pantani et Virenque dans la première étape pyrénéenne. Le lendemain, sur la montée d’Andorre Arcalis, il lâche les chevaux à 10 kilomètres du sommet. Mains en bas du guidon, cul vissé sur la selle, Jan Ulrich fait exploser tout le monde. En haut, Pantani et Virenque sont à plus d’une minute, Bjarne Riïs à près de trois minutes trente. Un champion est né et tout le monde pense alors que l’Allemand détruira le record partagé d’Anquetil, Indurain, Hinault et Mercks, celui des cinq Tours victorieux. Finalement, ce premier sera aussi son dernier.

2007 : Alberto Contador, naissance d’un Pistolero

Comme Anquetil, Contador a commencé son règne une année en 7 et comme le grand Jacques, l’Espagnol n’était pas favori au départ malgré le gain de Paris-Nice. Un an auparavant, l’affaire Puerto avait mis fin à toute une génération de potentiels vainqueurs (Basso, Ulrich, Mancebo…) puis le vainqueur du Tour 2006, Floyd Landis avait été déclassé pour dopage. Enfin, pendant la course, Michael Rasmussen, alors maillot jaune et Alexandre Vinkourov furent contrôlés positifs. La tourmente du dopage laissa dès lors une place pour des surprises. Mais, si la concurrence est plus clairsemée, le prodige de 24 ans réalise un exploit en enlevant l’un des Tours de France les plus serrés de l’histoire, au nez et à la barbe de Cadel Evans et de Levi Leipheimer. Ce Tour, comme celui de 1957 pour Jacques Anquetil, était annonciateur d’une immense carrière. Alberto Contador, partage désormais avec Bernard Hinaut l’exploit d’avoir remporté plusieurs fois les trois grands tours. Avez-vous dit immense?

2017 : Qui pour perpétuer la tradition ?

Seuls deux vainqueurs du Tour seront présents en juillet. Alberto Contador et Christopher Froome. Le triple vainqueur Britannique semble moins à l’aise que ces dernières années et l’Espagnol n’est plus à son prime. Alors, il y a la place pour que le chiffre 7 reste symbole de nouveauté sur le Tour. À son apogée, Richie Porte a le profil idoine pour faire bégayer l’histoire en remportant un premier Tour de France. Avec l’Australien, les jeunes aux dents longues sont nombreux à vouloir commencer un nouveau règne sur les routes de l’Hexagone, avec en figure de proue, la génération 90 de Nairo Quintana, Romain Bardet et Fabio Aru. À moins que la magie du Tour nous offre un visage beaucoup moins familier. C’est arrivé tant de fois…

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