Vouloir marquer l’histoire, c’est, forcément, s’exposer à l’échec. Mais Chris Froome a décidé de prendre le risque, en s’alignant sur le prochain Giro. C’est le sens de l’histoire. Surtout sur une épreuve qui, même sans lui, sera historique de par son départ d’Israël.

Sur les pas d’Hinault…

Les arguments qui font dire que c’était l’année ou jamais existent. Oui, il y aura une semaine de récupération supplémentaire entre le Giro et le Tour, en 2018, et c’est une chance pour Chris Froome, qui rêve de doublé. Mais être à Jérusalem, c’est quand même hypothéquer sérieusement une cinquième victoire à Paris, quelques semaines plus tard. Et en début de semaine encore, lorsqu’on parlait du Britannique sur la course rose, pour beaucoup, il ne s’agissait que d’un vain débat tant il était assuré que le garçon ferait l’impasse. Mais « Froomey » a voulu prendre le pari. Risquer de ne jamais faire partie du « Club des 5 » sur la Grande Boucle pour avoir une opportunité d’accrocher le dernier grand tour qu’il lui manque. Et en réalité, il a fait le choix qui peut le faire encore davantage entrer dans l’histoire.

Parce que, bien sûr, chez les observateurs non-avertis, être le recordman de victoires sur le Tour est plus important que tout. Mais parmi les champions, au milieu des Merckx, Hinault et quelques autres, puisque c’est là qu’il ambitionne de se positionner, même si courir plusieurs décennies plus tard l’empêchera toujours d’avoir un palmarès similaire, il sera davantage considéré en étant aller se risquer sur les routes italiennes. Compter dans sa vitrine les trois grands tours est un exploit plus retentissant encore, parce qu’il témoigne d’une capacité à briller sur des terrains variés. C’est pour ça, en partie, que Lance Armstrong n’a jamais fait partie des plus grands, et ce même avant que sa supercherie ne soit révélée. Chris Froome, lui, a prouvé qu’il pouvait s’écarter du Tour en septembre dernier, lorsqu’il s’est adjugé la Vuelta et un doublé déjà historique. Le triplé, même s’il serait à cheval sur deux années, le serait encore davantage. Personne ne l’a réalisé depuis Bernard Hinault en 1983-83. Quant à l’enchaînement Giro-Tour dont rêve le Britannique, on n’ose à peine y penser.

…et de Pantani

Depuis Marco Pantani en 1998, beaucoup s’y sont essayés, tous ont échoué. Y compris Alberto Contador et Nairo Quintana, qu’on a souvent présenté comme capables d’y parvenir. Mais ils n’avaient ni l’expérience ni la domination de Froome. Du moins pas au même moment. Alors la figure emblématique de la Sky, elle aussi, échouera peut-être. Ça ne serait pas la première fois que l’Italie lui fait un sale coup. En 2010, pour sa deuxième participation au Giro, il avait été exclu pour s’être accroché à la voiture de son directeur sportif dans le Mortirolo. Il avait fait son mea culpa et n’a plus remis les pieds sur la course rose depuis. Sur les pentes de l’Etna, du Zoncolan ou à Cervinia, le Britannique voudra donc effacer ce souvenir. Alors on regrettera forcément l’absence de Tom Dumoulin si elle se confirme parce qu’on rêvait d’un duel entre les deux hommes. Pour l’instant, le Néerlandais joue au bluff et laisse planer le doute quant à son programme de l’an prochain. Mais ça, Chris Froome n’y peut rien. Lui, en tout cas, est prêt à faire sa part du travail pour marquer l’histoire.

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