On savait Oleg Tinkov ambitieux et sur la piste du coureur slovaque. Mais lorsqu’il y a quelques jours, sur Twitter, il s’emballait dans un « 1000 retweets et je signe Sagan », le magnat russe recevait une réponse cinglante du dernier maillot vert du Tour : « ce ne sera pas si simple. » Finalement un gros coup de bluff du Slovaque, dont l’arrivée au sein de l’équipe Tinkoff été officialisée ce vendredi.

Le transfert de l’année ?

Avec l’annonce de l’arrêt de l’équipe Cannondale (qui va fusionner avec Garmin et n’emmener que quelques jeunes coureurs), Peter Sagan se retrouvait sur le marché. Triple maillot vert de la Grande Boucle, il n’est pas dans sa meilleure saison, ce qui ne l’empêchait pas de demander un salaire conséquent. Si aucune information n’a pour l’instant filtré, on parle de quatre millions annuels, ce qui a mis hors course certaines équipes enclines à l’accueillir. En effet, il fut question d’Astana, de BMC et même de la formation – toujours en construction – de Fernando Alonso. Mais depuis quelques semaines, la piste la plus chaude était celle qui s’est finalement concrétisée : celle de Tinkoff-Saxo, dont le propriétaire n’aura aucun souci à satisfaire les émoluments de l’un des coureurs les plus courtisés du peloton. Car avec Sagan, c’est un énorme coup que vient de réaliser Oleg Tinov, pas seulement en terme purement sportif.

En effet, Peter Sagan, c’est un coureur populaire, apprécié du public, et qui saura mettre en avant l’image Tinkoff-Saxo. C’est aussi un jeune coureur – 24 ans seulement ! – qui pourrait passer longtemps au sein de la structure russe, même s’il n’a pour le moment signé que trois ans. En annonçant également rapidement ce transfert – moins de dix jours après l’ouverture officielle du mercato -, l’équipe et le coureur montrent que les négociations ont été plutôt aisées, même si en réalité elles durent depuis des mois. Et surtout, les deux parties prouvent que ce transfert s’est fait presque naturellement : Sagan n’est pas le choix par défaut d’un Tinkov qui voulait frapper fort sur le marché des transferts puisqu’il a été sa première grosse cible, et la formation russe n’est pas non plus une destination au rabais pour le Slovaque, sans quoi il aurait attendu plus longtemps pour étudier d’autres offres.

Moins de pression, plus de résultats ?

En signant chez Tinkoff, Peter Sagan va surtout découvrir une équipe au service d’un autre homme : Alberto Contador. Car depuis son éclosion – disons 2012 -, le Slovaque avait pu compter sur une formation Cannondale construite autour de lui suite au départ de Vincenzo Nibali et au déclin d’Ivan Basso. Sur le dernier Tour de France, celui qui a décroché un nouveau maillot vert mais aucune victoire d’étape pouvait donc compter sur sept coureurs pour l’entourer, voire huit quand Alessandro De Marchi n’était pas à l’avant de la course pour jouer sa carte. Résultat, toute la pression était sur lui : Cannondale ne pouvait presque pas gagner grâce à un autre coureur que Sagan, qui a finalement échoué dans sa quête de bouquet. Avec ce transfert, il n’aura plus autant de monde autour de lui, mais il aura aussi beaucoup moins de pression, puisqu’elle sera répartie entre les deux leaders de l’équipe.

Tinkov espère que cela permettra à son nouveau poulain de franchir un cap au niveau des résultats. Car pour certains, c’est le déclin qui guette Sagan après une éclosion très précoce : malgré son potentiel, le natif de Zilina gagne moins, et demeure bredouille sur les grandes épreuves. Car les monuments, Rambo semble physiquement conditionné pour. Pourtant, la victoire le fuit. Pour Bjarne Riis, « il a encore beaucoup à apprendre sur les aspects tactiques. » Avec ce transfert, c’est donc l’occasion, aussi, de se remettre en question pour le principal intéressé. Tinkov est un compétiteur, et avec Sagan, il espère gagner davantage, sur Milan-Sanremo, sur le Tour des Flandres, sur Paris-Roubaix, sur le Tour ou sur les Mondiaux ; bref, partout où ça compte, partout où l’on s’en souvient. Le Slovaque n’aura pas vraiment droit à l’erreur, d’autant que chez les Russes, on fait tout pour le mettre dans de bonnes conditions, à l’image de la récente prolongation de Matti Breschel, futur lieutenant de Sagan sur les sprints ou les flandriennes. Ce transfert, c’est donc un peu plus que ceux auxquels on est habitué. Peut-être parce que Sagan est dans le coup…

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