Cette année, beaucoup de spécialistes du contre-la-montre se sont illustrés, et ce à leur manière sur les différentes épreuves du calendrier. D’où, il faut l’avouer, une équation un petit peu difficile pour désigner le meilleur rouleur de 2015. Entre Vasil Kiryienka, arc-en-ciel inattendu, et Tony Martin qui a souvent failli dans son domaine, la palme revient finalement à Rohan Dennis, auteur de plusieurs coups de maîtres.

Un record de l’heure ainsi que le maillot jaune

Au cours d’une année marquée par la domination parfois outrageuse des coureurs polyvalents sur les purs spécialistes, et ce aussi bien sur les classiques qu’en montagne et dans le contre-la-montre, Rohan Dennis a sans doute remporté ce qu’il y avait de plus beau à la clé. Impressionnant durant le début de saison, l’Australien est très rapidement allé chercher le record de l’heure sur la piste suisse de Granges le 8 février dernier. Une marque de 52,491 kilomètres, qui a effacé les précédentes signées Jens Voigt et Matthias Brändle, et qui durera pendant un tout petit peu moins de quatre mois, jusqu’à ce qu’Alex Dowsett s’en empare, en attendant la venue du maestro Bradley Wiggins. Même si, depuis l’ère Boardman, beaucoup de choses ont sensiblement changé, détenir cet honneur n’est jamais anodin, et fera toujours la fierté de quiconque bien des années après une retraite sportive. Dans le cas du coureur de BMC, ce fut d’autant plus remarquable que cette performance s’inscrivit dans une fin d’hiver prolifique. Victorieux dans un autre registre au Tour Down Under, Dennis semble avoir trouvé la bonne formule pour allier pluridisciplinarité et leadership. À 25 ans, celui qui était discret chez Garmin depuis une huitième place au Dauphiné semble être entré dans la dimension supérieure, celle des cadors.

À l’aise comme un poisson dans l’eau depuis son arrivée chez BMC, Rohan Dennis a montré à tous qu’il était bien un moteur de l’équipe américaine, en particulier sur les contre-la-montre par équipes. Bénéficiant d’atouts dus à son terrain d’entraînement en Océanie, Dennis a tout misé sur les fortes chaleurs de l’été européen, et gagné son pari. « En comptant que les températures pourraient être élevées, nous avons décidé avec mon coach après le Dauphiné de programmer mes entrainement entre 14h et 17h, lorsqu’il fait 35 à 40 degrés, pour m’habituer à ces conditions. » , déclarait t-il en juillet. En plus d’avoir mené à la victoire sa formation sur les trois chronos par équipes les plus cruciaux de la saison – respectivement ceux du Dauphiné, du Tour de France et des championnats du Monde – , le Kangourou s’est distingué en solo, terrassant tous ses concurrents dans les rues d’Utrecht pour le prologue de la Grande Boucle. Parti assez rapidement sous les températures écrasantes, Dennis était touché par la grâce, signant une moyenne ahurissante de 55,446 km/h en 1456. Tony Martin, Fabian Cancellara mais encore Tom Dumoulin ont systématiquement buté sur lui, en dépit de chronos très solides, témoignant du fait que la barre fut placée très haut ce jour là. Une incroyable sensation qu’il n’arrivait pas à décrire au moment d’endosser le premier maillot jaune de l’édition 2015, lors de la conférence de presse. « J’ai fait un test avant la course, et je pensais autour de 16 minutes, mais à la fin il y en a une de moins. Ça a été un choc. »

Des objectifs ambitieux à court et long terme

Terminant l’année par un sacre sur le Tour du Colorado et un deuxième titre de champion du monde du contre-la-montre par équipes, Rohan Dennis est tout simplement devenu incontournable dans la hiérarchie des grosses cuisses du peloton. Auteur des meilleurs résultats de sa jeune carrière, il fut logiquement récompensé, et reçut l’ “Oppy Award” du meilleur cycliste australien. Une distinction longtemps chasse gardée de Cadel Evans, revenue l’an passé à Simon Gerrans, et convoitée par Richie Porte, Michael Matthews et Adam Hansen. Le signe qu’au sein d’un des pays de la piste, Rohan Dennis s’est forgé une réelle notoriété, dans un style très différent de ses compatriotes. Certes, il lui manque une médaille dans l’épreuve individuelle du contre-la-montre à Richmond, mais la déconfiture des favoris attendus l’excuse en grande partie. Très probablement émoussé après des premiers mois canon, Dennis n’avait plus assez de carburant pour rivaliser avec des hommes frais comme Kiryienka, Malori et Coppel. On signalera également que sa sixième place s’est construite aux dépens de…Tony Martin, décevant septième.

De quoi donner à l’ancien poursuiteur de grandes sources d’inspiration pour la suite des événements. Capable de se payer le scalp de ses pairs dans les rendez-vous primordiaux, il n’a pas mis de côté ses aptitudes dès que la route s’élève, et il sera intéressant d’observer comment cela pourra perdurer. Lors de la même conférence de presse au Pays-Bas, Dennis affirmait qu’ « avoir le Maillot Jaune après cette première étape, c’est une première façon de vivre l’expérience de la pression, des médias, et de tout ce qui est plus gros sur le Tour qu’ailleurs. C’est aussi une étape vers mes objectifs à long terme, à savoir gagner un grand tour… mais j’en suis encore loin. » Ce ne serait donc pas une nouveauté de voir un rouleur se lancer à la conquête de nouveaux horizons, fort d’une suprématie construite au fil du temps sur l’exercice solitaire. Wiggins était arrivé à ses fins, tandis que Dumoulin semble montrer la voie après ses performances exceptionnelles lors du dernier Tour d’Espagne. Après avoir subtilisé à Tony Martin le titre de rouleur de l’année, Rohan Dennis n’a peut-être pas fini de nous surprendre positivement.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.