Le duo espagnol Rodriguez-Moreno a connu ses heures de gloire et connu de formidables aventures sous le maillot de la Katusha. Mais l’image du duo décrochant tout le monde de leurs roues dans les gros pourcentages de fin d’étape paraît bien loin. Cet hiver, leurs chemins se sont séparé et 2016 pourrait bien signifier la fin d’un cycle, que l’on n’a jamais vraiment voulu voir venir.

Des gabarits en retrait

Double vainqueur du Tour de Lombardie, déjà sacré sur la Flèche Wallonne et illustre spécialiste des démarrages brutaux dans les derniers mètres, le Catalan Rodriguez est en perte de vitesse depuis début 2014. Effacé par la renaissance de son compatriote Valverde, qui l’a dépossédé de sa suprématie sur les terrains vallonnés, l’ancien vassal de la Caisse d’Epargne a petit à petit déchanté. Amoindri par des chutes à répétition sur les classiques ardennaises et sur le Giro, il est passé totalement à travers du Tour de France, où il prévoyait de se rattraper, mis en confiance par une troisième place finale en 2013. Aussi loin de la tête du général que de la pole position pour remporter le maillot à pois, « Purito » n’a jamais eu les moyens d’inquiéter les meilleurs, redescendant symboliquement dans la hiérarchie et redécouvrant les joies des échappées. Une tendance qui s’est confirmée sur la Vuelta, où il s’est tout bonnement laissé dominer par Contador et Froome, imbattables, et Valverde, son éternel rival.

De moins en moins en situation de créer franchement une différence, Rodriguez n’a pas non plus été épaulé au mieux. Entouré d’une garde ibérique vieillissante, incarnée par des vieux briscards comme Losada et Vicioso, le coureur âgé désormais de 37 ans ne peut plus compter sur un Daniel Moreno en état de grâce. Celui qui est passé par Omega Pharma – Lotto a en effet marqué le pas sur les classiques d’avril, et terminé hors du top 10 sur son grand Tour national, une première depuis 2011. Alors qu’à eux deux, ils étaient capables de mettre tout le monde d’accord, leur complémentarité s’est envolée, laissant l’usure générale prendre le dessus. Au fond, est-ce surprenant ? Après cinq saisons au très haut niveau, enchaînées à une moyenne de 75 à 80 jours de course, le corps montre forcément ses limites. Si les programmes de la Sky sont souvent critiqués, en raison du rythme extrême qu’ils infligent à leurs protégés, les agendas de Rodriguez et Moreno sont loin d’être les plus souples. Doubler Giro ou Tour de France avec la Vuelta, en passant par les Monuments et les championnats du Monde, avec une telle constance, est rarissime.

Y a t-il eu gâchis ?

Alors, à regarder la trajectoire de Rodriguez, son palmarès, à l’heure actuelle, ne reflète pas l’immense talent qui est le sien. Idem, à un degré moindre, pour Dani Moreno. Tout le contraire, par exemple, d’un Alexander Kristoff qu’ils ont – ou ont eu – comme coéquipier, et qui lui sonne comme un modèle d’efficacité. Monté sur le podium de chaque grand tour, Rodriguez a connu la malchance, les chutes, la défaite, et tout autre retournement de situation. Mais aussi assumé la satisfaction de terminer deuxième, troisième ou quatrième, quitte à paraître plus heureux de la défaite que de la gagne. Dani Moreno, lui, n’a que trop rarement eu sa chance en tant que leader absolu, profitant des malheurs du Barcelonais pour jouer sa carte personnelle. Mais de fait, son palmarès apparaît plus “optimal”. Le comble. Les espoirs déçus, eux, se sont quelque peu éternisés, et en ce début de Dauphiné, rien ne semble annoncer une nouvelle résurrection.

Vainqueur du Tour du Pays Basque et improbable maillot rouge en troisième semaine de Vuelta, Rodriguez s’était surpassé l’an dernier, dominant Quintana et Valverde alors qu’on le prédisait cuit, mais avait fini par mourir sur Aru et Majka. Certains observateurs pensaient que la victoire d’Hesjedal à Milan en 2012 avait scellé sa carrière, celle d’un perdant. Les mauvaises langues ne guettaient que son déclin. Ses supporters, eux, mettaient en avant son côté éternel. Et à chaque déception, remettaient aux mois prochains le retour du champion. Cette fois, il semble bel et bien hasardeux d’attendre grand-chose de Rodriguez sur la deuxième partie de saison, quand Moreno, lui, s’est rangé dans la peau de l’équipier de Valverde et Quintana. Leader sur ce Dauphiné, c’est peut-être bien sa seule chance annuelle de briller en solo. Vainqueur d’étape à Saint-Félicien en 2012, troisième en 2013, l’absence de chrono plat lui convient. Mais, sur un prologue très sec, il ne s’est absolument pas mis en valeur. Le duo espagnol a beaucoup donné, et désormais baisse pavillon. C’est finalement logique. Reste qu’ils auraient pu s’arrêter l’hiver dernier. Pour terminer ensemble, et presque au sommet.

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