Chaque année, on se demande si ce sera la bonne pour Joaquim Rodriguez. Habitué des podiums sur chacun des trois grands tours, il court toujours, à 35 ans, après un premier succès sur trois semaines. Cette Vuelta 2014 est donc une nouvelle occasion d’atteindre le graal, et peut-être l’une des dernières.

Pourquoi il gagnera la Vuelta

C’est un grand tour taillé pour lui. Plus que le Tour et ses habituels chronos, et plus que le Giro et ses enchaînements d’interminables ascensions, la Vuelta semble correspondre à merveille aux qualités de celui que tout le monde appelle désormais Purito. Puncheur hors pair, son gabarit lui permet aussi de grimper mieux que beaucoup de monde. De ce fait, les nombreuses arrivées au sommet, souvent de courtes montées, sont parfaites pour le Catalan et son fameux « coup du kilomètre » pour aller chercher quelques précieuses secondes de bonifications, et un peu plus si possible. Toutefois, cela n’empêche pas Rodriguez de briller sur des ascensions comme le Bola del Mundo (il y lâche Contador et Valverde en 2012) ou les Lagos de Covadonga (il termine dans la roue de Nibali en 2010). Face à un Froome moins bon puncheur et à un Valverde moins bon grimpeur, cela peut faire une sacrée différence.

L’expérience parle pour lui. A 35 ans, Purito a l’inconvénient de l’âge, mais peut aussi compter sur une grande connaissance de son corps, et de l’épreuve. Là où cette Vuelta va se jouer, sur les Lagos de Covadonga ou de Somiedo, à Puerto de Ancares ou à Valdenilares, Rodriguez ne sera pas en terrain inconnu puisqu’il y est déjà passé, souvent plusieurs fois, et parfois même en vainqueur. Alors forcément, quand Quintana ou Froome découvriront de nombreuses ascensions pour la première fois, le Barcelonais saura mieux que les autres où attaquer, où se préserver, et comment s’y prendre pour faire le plus mal possible à ses adversaires. Car passer en course sur des routes vaudra toujours plus que de multiples reconnaissances, dont les conditions sont bien trop éloignées de celles que connaissent réellement les coureurs côte à côte, à écouter la respiration des autres en même temps qu’ils appuient sur les pédales pour avaler les kilomètres.

Il sera relativement frais. En mai dernier, sur le Tour d’Italie déjà, il visait la victoire, avant de connaître la désillusion. Pris dans une chute massive après une semaine de course, il devait abandonner, sans avoir pu commencer la bataille avec Nairo Quintana. Le temps de modifier son programme et de tout axer sur la Vuelta, il s’est pointé sur le Tour de France sans jouer le général, histoire de ne pas bouffer trop d’énergie – même si l’an dernier, il était magnifiquement parvenu à enchaîner Tour (3e) et Vuelta (4e). Depuis, il s’est surtout reposé, et n’a couru qu’une fois, sur la Clasica San Sebastian, en allant décrocher un podium très rassurant. A n’en pas douter, cette – relative – fraîcheur sera incontestablement un sacré avantage pour le Catalan, qui avait eu quelques jours sans à la fin de l’été dernier, lâchant le podium à Valverde.

Pourquoi il ne gagnera pas la Vuelta

Il est logiquement sur le déclin. Son podium acquis sur la Grande Boucle il y a un peu plus d’un an, il était allé le chercher au courage dans les dernières étapes de montagne, au nez et à la barbe d’un Contador qui n’en voulait pas plus que ça après avoir échoué dans sa quête de victoire finale. Mais en réalité, il nous avait un peu surpris. Parce que depuis la Vuelta 2012, Joaquim Rodriguez paraît chaque fois un peu moins costaud, moins régulier. Evidemment, rien de flagrant qui puisse l’écarter de la course à la victoire avant même le départ. Mais c’est un constat qui fait sens : sur ses quatre derniers grands tours, Purito n’a décroché qu’un seul podium. Ne cherchons donc pas inlassablement des explications plus farfelues les unes que les autres ; à 35 ans, le physique commence simplement – et fort logiquement – à baisser pavillon, et Rodriguez ne peut rien y faire.

Il a laissé passer sa chance. Neuf fois dans le top dix d’un grand tour en six ans, Joaquim Rodriguez a connu les places d’honneur, et sans doute laissé passé sa chance de victoire. Il y a eu le Giro 2012 et sa bataille avec l’inattendu Ryder Hesjedal. Raté, il lâcha le maillot rose le dernier jour. Quelques mois plus tard, c’était cette fois contre ses compatriotes Contador et Valverde qu’il se battait, et plutôt bien. Leader pendant treize jours d’une Vuelta dont le parcours lui correspondait plus que jamais, il fut pourtant renversé par Contador dans la dernière semaine. A n’en pas douter, 2012 devait être son année, et pourtant aucun succès sur trois semaines ne fut à mettre à son actif. Puncheur reconverti en protagoniste important sur les grands tours, Rodriguez n’aura jamais atteint le sommet, ce après quoi il a couru si longtemps…

Il n’a pas rassuré en 2014. Certes, il y a ce podium à San Sebastien, qui nous montre que Purito n’a pas fait une croix sur une belle fin d’été. Mais qu’en est-il du reste ? L’Espagnol s’est raté sur le Tour, battu par Majka dans sa quête de maillot à pois. Il est aussi passé à côté de sa campagne ardennaise, en partie malchanceux, mais pas que, ce serait trop facile… La seule victoire de Rodriguez cette année remonte donc au début du printemps, sur le Tour de Catalogne. Une épreuve qui le tient particulièrement à cœur, et qu’il disputait dans une bonne forme en préparation des classiques printanières quand ses adversaires (Contador, Quintana, Froome) étaient bien plus éloignés de leurs objectifs respectifs. Les questions fusent donc légitimement au sujet d’un Joaquim Rodriguez peut-être pas aussi fort qu’on pourrait le croire. Et ce n’est pas avec son statut et le respect que lui voue l’ensemble du peloton qu’il ira chercher la victoire qu’il espère. Il faudra battre du très beau monde, et il n’en semble pas vraiment capable…

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