Le 20 août dernier, Rein Taaramäe avait décidé de quitter l’équipe Cofidis après huit saisons de bons et loyaux services pour les Nordistes. Direction le World Tour, et une équipe Astana qui en jette avec la présence d’étoiles des Grands Tours, soutenues par une armada montagneuse. L’objectif était bel et bien de relancer une carrière interrompue par une mononucléose, diverses blessures, mais aussi un manque de résultats inquiétant. Huit mois plus tard, force est de constater que l’Estonien a réussi son année charnière, qui lui permet d’obtenir un bon de sortie pour l’équipe Katusha.

Un contrat qui sonnait comme quitte ou double

Dans le cyclisme professionnel, la donne est généralement de signer des contrats de deux ans, afin de laisser au coureur la possibilité d’exprimer son talent sur une fenêtre large, acceptant une quelconque mésaventure en route. Taaramäe n’était pourtant pas un capitaine de route à l’expérience longue comme le bras, qui s’apprêtait à raccrocher, et aux premiers abords, son contrat d’un an paraissait assez étonnant, pour quelqu’un en panne de certitudes. Mais c’est en réalité mal connaître les exigences d’Alexandre Vinokourov et de tout le staff de la formation Astana, qui embauchait alors un élément supplémentaire dans le registres des courses par étapes. L’ancien vainqueur d’étape au sommet de la Farrapona sur la Vuelta devait convaincre immédiatement, afin de se voir attribuer des libertés sur les courses de son choix. Sinon, le rôle d’équipier lui aurait collé à la peau pour de bon. Le message n’a pas mis trop de temps à se faire comprendre, et dès le mois de février, c’est un Rein Taaramäe retrouvé qui s’illustrait pour sa course de reprise, en remportant en solitaire le Tour de Murcie. Excellent par la suite en Algarve, Taaramäe est ensuite rentré dans une phase de lieutenant modèle pour les Italiens Aru et Nibali, sur Paris-Nice, les classiques ardennaises et le Tour de France.

Une vraie réminiscence, puisqu’au micro de Be Celt, il se disait « comme au début de sa carrière » en devant faire ses preuves dans une nouvelle équipe. Plus que l’apparente décontraction qui l’accompagne en 2015, on a redécouvert en lui un caractère offensif, et un coup de pédale beaucoup plus fluide, parfois aérien dans les montées. Un nouveau départ à 28 ans, et une intégration plus facile que prévu au sein d’un collectif pléthorique en individualités. La preuve, sur son dernier Tour de Burgos. Forte d’un quatuor imbattable sur le papier, Astana prenait le départ avec Landa, deuxième du Giro, Scarponi, Miguel Angel Lopez, et Taaramäe. Tombé sur le contre-la-montre par équipes, Landa a alors abandonné toute ambition personnelle, tandis que dans la montée reine des Lagunas de Neila, Lopez et Scarponi se sont mis à la planche pour le Balte, tout heureux de remporter sa première course par étapes depuis le Tour de l’Ain. Et cela remonte déjà à 2009. De plus, le natif de Tartu n’a pas caché son enthousiasme à l’idée de découvrir de nouvelles épreuves, dans des contrées plus éloignées, quelque chose qui lui était purement impossible chez Cofidis en raison du statut continental pro et des obligations sponsoriales bien définies. Aux micros de Pez Cycling News, il mettait ainsi en avant son excitation quant à ses participations futures aux courses italiennes, américaines. De quoi le voir rudement affûté sur l’Artic Race of Norway, où sa fougue a fait la différence sur la dernière étape. Bilan à la fin août : Trois victoires, et une confiance revenue au top.

Adieu le Kazakhstan, bienvenue en Russie

En ayant rempli son contrat dans tous les sens du terme, Taaramäe s’attendait peut-être à prolonger le bail qui le liait avec l’équipe au maillot bleu ciel. S’y sentant à l’aise, et pas avare d’efforts sous sa tunique 2015, le quatrième du Paris-Nice 2011 rentrait à priori parfaitement dans leurs plans. Mais le suspens a pris court, puisqu’au début de l’été, l’ancien champion d’Estonie annonçait qu’il dévoilera prochainement son nouveau refuge. Et ce sera Katusha. La voisine russe domine le World Tour cette année, avec Alexander Kristoff sur les classiques, et des talents reconnus sur les courses d’une semaine, avec les Espagnols Rodriguez et Moreno, le Slovène Spilak, ainsi que la révélation Zakarin, vainqueur du Tour de Romandie. Une venue qui ravit le manager général Viacheslav Ekimov : « C’est le type de coureur que nous recherchons. […] Ses résultats, sa puissance et son endurance, mais aussi son caractère correspondent parfaitement à notre groupe. Je pense que nous n’avons pas encore vu tout son potentiel. » déclare t-il en se frottant les mains.

L’intéressé lui, ne boude pas non plus son plaisir, en mettant en avant le fait de rejoindre « une équipe qui croit en lui, et qu’il ne décevra pas. » Mais derrière ce transfert, Taaramäe place en première ligne ses intérêts personnels, et son envie de disputer pour la première fois de sa carrière le Giro, ainsi que des courses transalpines comme Tirreno-Adriatico. Par cette arrivée, Katusha enregistre aussi un renfort intéressant pour les Grands Tours, considérant l’inévitable déclin de Joaquim Rodriguez, et le départ probable de Daniel Moreno. Bien que les courses de trois semaines semblent être oubliées dans l’esprit de l’ancien protégé d’Eric Boyer, elles pourraient revenir d’actualités, bien qu’à court terme, il s’agira d’aider Rodriguez dans ses objectifs de 2016. « Mon but est de travailler pour des gars comme Joaquim Rodriguez, et aussi longtemps que l’équipe gagnera, peu importe que ce soit quelqu’un d’autre ou moi qui l’emporte. » En tout cas, l’Estonien peut déjà se féliciter d’être revenu à son meilleur niveau, au moment même ou ses meilleures années approchent. Quelque chose qui était loin d’être gagné l’hiver dernier.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.