En 2014, Nairo Quintana avait axé sa saison autour d’un doublé Giro-Vuelta. Le pari était alors tout proche de fonctionner. Supérieur à ses adversaires dans les montagnes italiennes, il semblait monter en puissance sur les routes espagnoles, prenant même le maillot rouge à la veille du contre-la-montre. Et puis patatras, deux chutes en deux jours, dont la deuxième qui fut fatale. Deuxième du dernier Tour de France en ayant pu se mesurer à Chris Froome dans les Alpes, Quintana compte bien rester sur sa lancée pour remporter le deuxième Grand Tour de sa carrière.

Pourquoi on peut y croire

Intrinsèquement, c’est sans doute le meilleur grimpeur. Le plateau du 70ème Tour d’Espagne est richissime en grimpeurs, et Nairo Quintana est probablement le meilleur d’entre eux. Le Colombien possède de réelles facultés physiques dès que la route s’élève, et semble irrésistible dès qu’il arrive à porter un démarrage. Son style aérien a de quoi ravir les nombreux afficionados, et avait posé pas mal de problèmes à un Chris Froome moins sûr de lui en troisième semaine du Tour. Alors sur une Vuelta qui comportera neuf arrivées au sommet, Quintana arrivera forcément à s’exprimer de manière continue, et sera très attendu dans l’étape andorrane, comportant six cols en 138 kilomètres. Ses adversaires auront du mal à le lâcher.

Un épouvantail qui inspire la crainte. Si Quintana n’a pas disputé la moindre course depuis le Tour de France, il faut tout de même signaler que sa condition de fin de Tour a laissé bouche bée certains de ses adversaires. Dans la montée de l’Alpe d’Huez, il a décidé par exemple d’attaquer à mi-pente, presque en patron d’une course dans laquelle il ne portait que le maillot blanc. En reprenant 1 minute et 20 secondes à un coureur comme Froome qui avait pourtant mis fin au suspens à la Pierre Saint-Martin, Quintana a prouvé qu’il était capable de se sublimer dans les moments décisifs, et a déjà battu tout le monde a la pédale. Ainsi, Rodriguez, son coéquipier Valverde, Nibali, et Van Garderen, n’ont jamais pu accrocher sa roue dès lors que le natif de Tunja produisait son effort dans la dernière ascension du parcours. Un avantage psychologique qui ne sera pas négligeable au moment d’entamer les premières difficultés.

Il n’a pas l’habitude de traîner en route. Auteur d’une progression rapide pour son jeune âge, le coureur de l’équipe Movistar n’a jamais vraiment déçu jusqu’à présent. Deuxième de son premier Tour de France à 23 ans, puis vainqueur du Tour d’Italie pour sa première participation, Quintana enchaîne les références, et a manqué de peu un doublé en 2014 plus jamais réalisé depuis 2008 et la performance d’Alberto Contador. Déterminé, le Sud-Américain aura à cœur de réparer, entre guillemets, cette désillusion du dernier mois de septembre, et de remporter enfin une Vuelta adaptée à ses caractéristiques. L’heure des podiums a cessé, Quintana veut vaincre, et n’a pas hésité à revenir sur une épreuve qui lui avait porté la poisse il y a un an. Ainsi, à l’arrivée, tout autre résultat que la victoire sera forcément perçu comme une déception.

Pourquoi on ne peut pas y croire

Encore et toujours Alejandro Valverde à ses côtés. À chaque fois que Quintana prit le départ de la Vuelta, «El Imbatido» fut systématiquement aligné à ses côtés. D’abord en tant que leader en 2012, puis dans un rôle un peu plus flou lors des deux derniers Tour d’Espagne. Quintana avait beau être conforté dans les déclarations comme le leader de la troupe espagnole en montagne, Valverde, lui, produisait un double jeu entre victoires d’étapes à son compte, et attaques en montagne afin de décanter la situation. Un coureur expérimenté très précieux à ses côtés, mais ne serait-ce pas à la longue un poids pour l’ “escarabajo” ? Sur le Tour, Valverde s’était cramponné jusqu’au bout à son rêve de podium, et Quintana avait même semblé quelque peu bridé sur le plan tactique, hésitant parfois à hausser le rythme. Si le Murcian se retrouve en rouge en première semaine grâce aux arrivées pour puncheurs, il faudra composer avec, c’est une certitude.

L’écueil du contre-la-montre. C’est dans l’exercice solitaire que Nairo Quintana peut perdre gros. En 2014, vêtu du rouge, il était parti à la faute dans une descente technique, laissant par la suite plusieurs minutes sur ses concurrents avant son abandon du lendemain. Mais il ne s’agit pas de sa seule mésaventure dans l’épreuve chronométrée. Au Giro, il avait cédé le leadership de la course à son compatriote Uran, et avait du s’employer dans l’étape reine pour aller récupérer le rose, tandis que sur le dernier Tour de France, le débours accumulé à Utrecht s’est avéré rédhibitoire au moment de faire les calculs à Paris. Alors, sur les 37 kilomètres de la dix-septième étape, Quintana devra être dans un grand jour pour perdre le moins de temps possible sur les excellents rouleurs comme Froome et Van Garderen. Aucune arrivée au sommet ne sera proposée par la suite jusqu’à Madrid, ce qui laisse penser que la différence devra être effectuée plus tôt.

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