Loin des projecteurs braqués sur son frère, Dayer Quintana réalise une première saison chez les pros très satisfaisante. A tout juste 22 ans, il est dans les temps de passage de Nairo, avec qui il aurait dû courir le Tour de Burgos dès ce mercredi, avant finalement de se rétracter et d’opter pour l’Eneco Tour. Parce que le cadet de la fratrie explore tous les terrains, comme pour emmagasiner de l’expérience et surtout montrer qu’il n’est pas que « frère de ». Avec succès.

Entre police, classiques et courses par étapes

Annoncé comme un grimpeur, colombien oblige, Dayer Quintana ne souhaite pourtant pas s’enfermer dans un rôle. Passé professionnel directement en World Tour, il en profite jusqu’à maintenant pour découvrir les grandes épreuves du calendrier, peu importe le terrain. En effet, si le Challenge de Majorque, le Tour du Haut-Var ou celui du Trentin semblaient correspondre à ses qualités, le natif de Boyaca n’a pas hésité à prendre le départ de Milan-Sanremo, du Tour des Flandres et même de Paris-Roubaix. Les résultats ont été mitigés, Quintana ne terminant pas les deux monuments flandriens. Malgré tout, cela témoigne forcément d’une soif d’apprendre, et une fois son pic de forme arrivée, en juillet, il a pu exprimer tout son talent. Une véritable découverte pour celui que l’on avait du mal à cerner jusqu’alors. Pourtant, les obstacles à la progression du cadet de la famille furent nombreux, et la carrière de Dayer aurait peut-être pu décoller un peu plus tôt si un évènement en particulier n’avait pas retardé son évolution : son engagement forcé dans la police colombienne, qui l’éloigna du cyclisme de nombreux mois.

Professionnel depuis quelques années déjà, Nairo Quintana souhaitait alors aider les jeunes colombiens à courir et pourquoi pas à franchir le pas du professionnalisme. Pour cela, il créa une équipe dans son département, en partenariat avec la police locale pour assurer aux coureurs amateurs un salaire décent pour vivre et leur permettre de s’adonner réellement au cyclisme. Mais rien ne se passa comme prévu, et les membres du club, dont faisait partie Dayer, furent en réalité forcés – par des contrats arrangés dès le départ – de travailler pour la police colombienne, et ainsi de faire une croix sur leur sport. Ainsi, pendant près d’un an et demi, le jeune Dayer Quintana ne toucha pas un vélo, et ce sont les relations haut placées de son frère Nairo qui lui permirent de sortir de cette situation, alors que certains de ses camarades y sont restés bien plus longtemps. Une chance qui finalement, lui laissa le temps de reprendre le vélo, qu’il pratique comme son frère depuis tout petit, par nécessité plus que par plaisir au départ. Désormais, le voici donc professionnel. Et en quelques mois, celui qui était plus décrit comme « le frère de Nairo » que comme Dayer Quintana à part entière est parvenu à se faire un prénom auprès des observateurs. Et rien que ça, compte tenu des performances de son aîné depuis un peu plus d’un an, mérite d’être particulièrement souligné.

Cela débuta sur le Tour d’Autriche, quand le monde du vélo était obnubilé par la Grande Boucle. Au terme d’une échappée au long cours, Dayer a été le seul à résister au retour des leaders dans la terrible ascension du Kitzbüheler, maintenant Caruso et Kennaugh à près d’une minute. Une sacrée performance qui se confirma quelques jours plus tard, vers Villach-Dobratsch, l’autre étape reine. Battu par le seul Evgeni Petrov, il lâcha même Kennaugh et les autres dans les derniers mètres, preuve que la montagne est bien le terrain de prédilection du gamin qui vient de fêter ses 22 ans. Problème, dès le lendemain, le Colombien a beaucoup perdu sur les 24 kilomètres du contre-la-montre, reculant de la sixième à la neuvième place. On ne peut pas tout avoir, surtout avec aussi peu d’expérience. Mais cela n’empêche que Dayer Quintana a prouvé a lui-même et aux autres qu’il était un coureur différent de son frère, capable de briller de son côté, sans être associé en permanence à un Nairo involontairement envahissant. « Cette victoire me convainc que je ne suis pas seulement le frère de Nairo », avouait-il. Le premier pas d’une émancipation nécessaire et qui pourrait s’avérer très fructueuse.

Déjà un vrai professionnel

La différence entre son début de saison discret et son éclosion estivale ? Deux mois passés chez lui, en Colombie, à prendre de la masse musculaire tout en perdant le peu de graisse qu’il pouvait avoir. Des longues séances qui ont construit le succès autrichien de Quintana, le premier de sa jeune carrière. Mais seulement le début d’une bonne période, poursuivie sur la Clasica Oridizia. Sur un parcours très difficile, avec un enchaînement de montées abruptes, le Colombien a terminé cinquième, à une poignée de secondes d’un quatuor très confirmé composé d’Izagirre, Sanchez, Herrada et Anton. Pas un exploit, mais une nouvelle performance qui prouve que Dayer apprend vite et bien. « Les efforts sont récompensés », confiait en effet le principal intéressé après l’épreuve autrichienne. De quoi lui donner le goût de l’entraînement qui peut manquer à certains coureurs venus d’Amérique du Sud, persuadés que leur seul talent suffira à faire d’eux des acteurs prépondérants des grandes courses européennes. Mais Dayer, grâce à Nairo, a l’avantage de connaître le chemin à suivre, tout du moins dans l’approche des courses et de l’entraînement. Ne reste alors plus qu’à suivre les mêmes étapes.

Dans cette démarche, il est particulièrement aidé par Eusebio Unzué, manager général de l’équipe Movistar et qui ne cherche pas à faire de Dayer un Nairo bis. Le jeune grimpeur aurait d’ailleurs dû reprendre sur la Route du Sud, un peu plus tôt dans l’été. Mais le manager espagnol a décidé de laisser un peu plus de temps à sa pépite pour s’entraîner en Colombie. Et force est de constater que le résultat a été au rendez-vous. D’autant que gagner est très nouveau pour Quintana, lui qui même chez les amateurs ne levait pas les bras. « Cela montre que je progresse rapidement », confesse-t-il.  Alors même si tout n’est pas facile pour ce néo-pro quoi qu’on en dise plus surveillé que les autres, il semble découvrir le monde pro avec beaucoup de maturité. « Au début, on souffre beaucoup, mais le cyclisme professionnel vous fait grandir très vite et vous affrontez chaque course avec un peu plus d’expérience, en sachant quand vous devez vous économiser, comment vous placer, etc… J’apprends beaucoup chaque jour. » Mais finalement, ce qui promet le plus pour l’avenir du jeune Dayer, ce sont peut-être les mots de son grand frère. « Il est plus fort que moi », avançait en effet Nairo l’été dernier. Alors franchement, on a hâte de voir la suite !

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