Entre Fausto Coppi et le Tour de Lombardie, c’est une grande histoire d’amour. Mais en 1956, à 37 ans, le Campionissimo a du mal. Notamment à cause de son amante, il perd au terme d’un sprint fou contre André Darrigade. En pleurs dans la zone d’arrivée, Coppi ne reviendra plus sur l’épreuve lombarde. Triste fin.

La « Dame blanche » change la donne

La classique des feuilles mortes rimait et rime encore avec Fausto Coppi. Quintuple vainqueur de l’épreuve, dont quatre fois en solitaire de 1946 à 1949, le Piémontais a marqué de son empreinte celle que les Italiens appellent « la piu bella (la plus belle) ». Mais la 50e édition, en 1956, avait une saveur particulière. Coppi le savait sans doute à l’époque, il venait pour la dernière fois sur « sa » course, au terme d’une saison très compliquée durant laquelle il n’avait décroché qu’un seul succès. Mais malgré l’âge et les critiques qui s’abattaient sur lui, il comptait bien prouver qu’il n’était pas mort. Alors pour le plus grand bonheur du public, il a attaqué dans la Madonna del Ghisallo, là-même où il faisait la différence dans ses plus belles années. Revenant sur les échappés et leur permettant ensuite de creuser l’écart sur le peloton, il semblait capable d’aller chercher ce sixième succès qui l’aurait fait entrer encore un peu plus dans l’histoire de l’épreuve.

Mais c’est un évènement inattendu qui va changer le déroulement de la course : l’intervention de la « Dame blanche ». Giulia Ochinni, surnommée ainsi par toute l’Italie, est l’amante de Fausto Coppi depuis trois ans, et elle suit ce Tour de Lombardie depuis la voiture de l’équipe de son compagnon. En le voyant faire la différence, elle en profite alors pour s’adresser à Fiorenzo Magni, rival de son homme et présent au sein du peloton : « Fausto Coppi é il più grande (Fausto est le plus grand) », lâche-t-elle avec une insulte en prime. Il n’en fallait pas plus pour faire réagir le Toscan, qui pris immédiatement en main la poursuite. La victoire ne lui importait plus, il voulait simplement faire perdre Coppi. S’il ramenait les sprinteurs avant l’arrivée dans le vélodrome de Vigorelli, il savait que les cartes seraient rebattues. Une aubaine pour André Darrigade, qui s’accrochait malgré les cols, et qui voyait Magni boucher presque seul la minute d’écart avec les fuyards.

Le Campionissimo en pleurs

A 12 kilomètres de l’arrivée, les efforts de Coppi pour rester en tête sont ainsi réduits à néant : les cadors se regroupent, et forment un mini peloton de 18 coureurs. L’entrée sur le Vigorelli de Milan s’annonce tendue. Bien placé, Coppi est le premier à lancer son sprint, à 200 mètres de la ligne. Il connaît cette arrivée par cœur, mais au sprint, il n’y a gagné qu’une fois : c’était en 1954, et il était arrivé en compagnie du seul Fiorenzo Magni. Mais cette fois, il doit faire face à André Darrigade, un des plus grands spécialistes de son époque. Le Français, même mal placé dans le dernier virage, revient sur un énorme braquet de 50 x 14, et coiffe le héros local d’un boyau sur la ligne. Même après avoir mis en place tout ce qu’il pouvait, Coppi doit s’incliner.

Darrigade savoure alors un des plus grands succès de sa carrière, mais avoue malgré tout être « peiné » de battre l’Italien chez lui. Coppi, de son côté, ne peut retenir ses larmes une fois la ligne franchie, à l’image d’un enfant passé à côté de son rêve. Dans l’ère d’arrivée, son compatriote Magni est au contraire aussi heureux que s’il avait gagné, fier d’avoir montré à tous la force de caractère dont il était capable. Et même s’il concèdera quelques années plus tard regretter sa réaction suite à la provocation de Giulia Ochinni, le mal est fait. Le plus grand champion du cyclisme transalpin, le dernier que l’on aura osé surnommer le Campionissimo, n’aura pas eu droit à des adieux dignes de ce nom. Parce que les histoires d’amour ne se terminent jamais bien, et qu’en Italie plus qu’ailleurs, le dramatique occupe une place particulière.

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