Le scandale avait éclaté au grand jour juste avant le Tour de France 2006. En mettant à la porte des grands noms tels que Jan Ullrich, Alexander Vinokourov, Ivan Basso et Alejandro Valverde, la veille du grand départ de Strasbourg, il était juste de penser à l’époque que cette vague d’exclusions allait faire du bien au cyclisme, et que le renouveau était enfin arrivé. Mais cette affaire dure depuis dix ans et pas sûr qu’elle ait eu l’impact espéré.

Déjà dix ans

On peut dire que depuis une décennie le dossier avance tout doucement. Tout avait pourtant semblé clair dès le début : des grands noms de coureurs dévoilés, une méthode novatrice – bien qu’utilisée de main de maître par un certain Lance – et un médecin « cerveau » pour gérer tout ça. La saisie par la justice espagnole des preuves chez le docteur Fuentes semblait mener tout droit vers un procès efficace où des têtes allaient enfin tomber. Mais à croire que ceux qui détruisent le cyclisme peuvent avoir les mains libres, il a fallu attendre le 30 avril 2013 pour que ce gynécologue de formation soit condamné à un an de prison et quatre ans d’interdiction d’exercer. Et au final, on n’en sait guère plus qu’à l’été 2006.

La justice espagnole n’a fait que trois mois d’auditions avant la réouverture de l’affaire en janvier 2013. Assez pour juger qu’au niveau de la santé publique, aucun risque n’a été encouru par les sportifs. Mais tricher pour gagner, ça non la justice ne s’en préoccupe pas. Ce sont les différentes autorités antidopage et instances internationales qui se sont chargées des suspensions de Basso et Valverde, à chaque fois de deux ans, avant qu’ils ne reviennent au même niveau qu’avant et gagnent de grandes courses. Ullrich a de son côté été suspendu deux ans rétroactivement et a vu annulé tous ses résultats à partir de mai 2005. Suspensions efficaces ? Pas si sûr…

Fuentes acquitté, le sang conservé

En cette mi-juin deux décisions importantes sont à nouveau prises. La première acquitte Eufemiano Fuentes. La justice espagnole a en effet annulé sa précédente condamnation et jugé que les auto-transfusions sanguines ne représentaient pas un danger pour la santé. Parlez-en à Riccardo Ricco, hospitalisé dans un état grave un jour de 2011 suite à cette pratique. Il ne semble donc pas problématique, pour la justice ibérique, qu’un médecin use de ses compétences pour organiser un système de dopage auprès des plus grands sportifs – des tennismen et footballeurs sont également soupçonnés – et trompe à ce point là le monde du sport. Il était certes poursuivi pour « délit de santé publique » mais les juges ont estimés qu’il n’y avait pas d’administration de produits dopants. Il est vrai que la transfusion sanguine ne dope pas le moins du monde. Armstrong ne faisait que manger des pâtes et boire du sirop à l’eau dans les années 2000.

La bonne nouvelle, applaudie par l’Agence Mondiale Antidopage, réside dans la restitution des 211 poches de sang saisies chez Fuentes. Car il avait été décidé au préalable de purement et simplement les supprimer, pour préserver la vie privée des sportifs. Des noms vont alors pouvoir tomber. Mais plus de dix ans après la mise au grand jour de l’affaire, il y aura vraisemblablement prescription. Peut-être pas un hasard si le dossier a mis tant de temps et si rien n’a été décidé avant. Il y a ainsi de grandes chances que beaucoup ne soient pas inquiétés quand bien même les auto-transfusions sanguines faisaient parties de leur quotidien. L’avantage est que l’on va enfin savoir. Savoir qui utilisait ces méthodes plus que douteuses, savoir jusqu’où ce scandale de dopage s’étendait. Savoir pour éviter que de tels comportements se reproduisent. C’est ce qu’a mis en avant la cour d’appel de Madrid. La décision a été prise « pour éviter le danger que d’autres sportifs puissent être tentés de se doper. » Le problème est que dans ce cas, ni le patron du scandale, ni les acteurs n’auront eu de sanctions. Et on sait bien que, malheureusement, sans sanctions il est compliqué de faire respecter la loi.

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