C’est l’histoire de deux garçons longtemps pointés du doigt pour leurs deuxièmes places, qui aujourd’hui se partagent les plus grandes courses et les louanges des observateurs. Greg van Avermaet et Peter Sagan sont les deux patrons du peloton. Ses deux stars, au cœur d’une rivalité emballante.

Sagan a encore choisi

« J’ai choisi qui allait gagner », assurait Peter Sagan à l’arrivée de Gand-Wevelgem, ce dimanche. En décidant de ne pas combler le trou quand Greg van Avermaet et Jens Keukeleire sont partis, à une quinzaine de kilomètres de l’arrivée, il s’est enterré, Niki Terpstra avec, et a laissé le champ libre aux deux Flamands. Mais ce qu’il voulait surtout, justement, c’était mettre en difficulté la Quick-Step, parce que Terpstra ne collaborait pas et énervait le Slovaque. Sauf que s’il avait vraiment eu le choix, pas sûr qu’il aurait offert la victoire à Van Avermaet, son nouveau – et seul – rival. Entre les deux, chaque semaine, la bagarre est acharnée. Et le double champion du monde n’est pas du genre à faire des cadeaux, même au champion olympique. Depuis un an et demi qu’ils se sont imposés comme plus ou moins intouchables sur les classiques, ils sont de tous les bons coups. Sauf qu’il ne peut jamais y avoir deux vainqueurs.

Alors face aux médias, ils la jouent fair-play. Van Avermaet salue sans cesse la qualité de son adversaire quand Sagan semble vouer un grand respect au Flamand. Le seul – avec Kwiatkowski par intermittence – qui parvient à lui faire de l’ombre depuis un peu plus d’un an. Plus que ça, « GVA » est même la bête noire de Sagan. Quand le Slovaque ne gagne pas, c’est souvent parce qu’il est tombé sur le Belge. Het Nieuwsblad par deux fois, GP de Montréal, Gand-Wevelgem, le Belge sort régulièrement vainqueur de leurs affrontements. Heureusement, de temps en temps, la star mondial du cyclisme actuel ramasse aussi quelques bouquets, comme à Québec ou en Californie l’an passé. Mais les confrontations directes ne sont clairement pas à l’avantage de Sagan. Pourtant, en vitesse pure, le garçon est sans doute le plus rapide des deux. Mais Van Avermaet a su, course après course, le faire douter. Pour réussir à gagner même lorsqu’il est moins bon.

Fini les amabilités

Après le Het Nieuwsblad, fin février, le champion olympique faisait une analyse très juste. « Je n’étais pas le plus fort. En force pure, Peter m’était supérieur. Il fallait être intelligent pour gagner. » Incontestablement, entre ces deux-là, c’est aujourd’hui psychologique. Sur la route, ils ont des qualités similaires. Une force incroyable, une capacité à passer les bosses et à bien sprinter. Ils l’ont encore prouvé ce dimanche sur Gand-Wevelgem. Quand la sélection s’est faite dans le mont Kemmel, le Belge a attaqué. Le Slovaque, moins bien placé, a pris le haut du pavé pour recoller. Et derrière, tout le monde tirait la langue en essayant de boucher le trou – ce que personne ne fera avant quelques hectomètres, une fois les pavés passés. La suite, c’est donc un regroupement partiel, et le coup de poker de Peter Sagan. Battu, forcément déçu. Mais qui sort encore de cette course la tête haute.

Dans une semaine, sur le Tour des Flandres, il n’aura en revanche pas le choix que de suivre van Avermaet s’il attaque. Double vainqueur de Gand-Wevelgem, il a peut-être jugé qu’il pouvait se permettre de perdre aujourd’hui. Ce sera autre chose sur le Ronde, le grand objectif du Flamand, où Sagan est le tenant du titre. Les attentions de ce genre seront rangées au placard, et on ne pourra qu’assister à une explication entre costauds. Sagan appréhendera peut-être un peu, tant son rival est performant en ce début de printemps. Et surtout de plus en plus fiable dans les sprints en petit comité. Jeux Olympiques, Het Nieuwsblad, GP E3 et désormais Gand-Wevelgem, Greg van Avermaet a laissé derrière lui son lot de deuxièmes places. Désormais, quand il faut aller chercher la victoire, il fait preuve d’un sang-froid incroyable. C’est ce qui manque encore, parfois, à Sagan. Alors peut-être a-t-il choisi le vainqueur de Milan-Sanremo la semaine dernière, et celui de Gand-Wevelgem ce week-end. Mais à Audenarde, il serait bien inspiré d’aller gagner lui-même.

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