Enfin, c’est le départ ! En apéritif, le Tour offre donc à ses 198 coureurs de défiler les uns après les autres dans les rues de Düsseldorf pendant 13,8 kilomètres. Plus long qu’un prologue, l’exercice en solitaire proposé n’a pas cette distance à même de créer des différences qui définissent un vrai contre-la-montre. Ce type d’entame, relativement rare dans l’histoire du Tour, donne à chaque fois un aperçu des forces en présence.

Un indicateur

Nous sommes le 2 juillet 2005 et l’après-midi est bien entamée, en Vendée, sur le bras de terre traversant l’Atlantique vers le centre de l’île de Noirmoutier. Un homme en maillot rose roule vite, parfaitement aligné sur sa machine. Il voit alors débouler une fusée américaine bleutée aux couleurs d’une chaîne nationale, la Discovery Channel. L’homme en rose se retourne puis regarde passer incrédule le bolide ciel. La soirée n’a pas encore débuté et Lance Armstrong frappe déjà un grand coup pour le début de son dernier, pense-t-on alors, Tour de France. Il a repris Ullrich dans le contre-la-montre inaugural entre Fromentine et Noirmoutier et a mis tous ses rivaux, Klöden et Basso en tête, à plus d’une minute. Pour Jan Ullrich, la star allemande, le rouleur incarné, c’est l’humiliation.

Trois semaines plus tard, Lance Armstrong remporte son septième et ultime Tour de France avec plus de quatre minutes d’avance sur Ivan Basso. Jan Ullrich, relégué à six minutes, ne doit sa place sur le podium qu’à la complète défaillance de Rasmussen dans le dernier chrono, où le Danois perd huit minutes et quatre positions. Un Armstrong confiant comme jamais, écrasant la concurrence d’entrée, un Ullrich dépassé, vaincu après seulement un jour de course. Voilà le type de dégât que peut occasionner un contre-la-montre dès la première étape.

L’exemple ne fait pas règle mais ce premier contre-la-montre sert clairement d’indicateur. Il y a deux ans à Utrecht, sur un parcours de quinze kilomètres, Mollema avait fini premier des favoris talonné de près par Froome et Valverde. À la fin du Tour, Froome l’emportait, Valverde montait sur son premier podium, Mollema terminait septième. Contador et Nibali, moins à l’aise au départ, terminaient quatre et cinq sur les Champs, loin de leurs ambitions initiales. En 2009, l’histoire était encore une fois la même, Contador deuxième de la première étape dominait foule de spécialistes dont Bradley Wiggins. Ce sera le Tour le plus abouti de l’Espagnol.

La nécessité de bien démarrer

Vainqueur du prologue en 2001, Christophe Moreau connaît la difficulté de bien démarrer un Tour lorsqu’une épreuve chronométrée sert d’entame. « Les coureurs sont là depuis une semaine, ils roulottent, répondent à la presse, la pression s’installe et parfois ils perdent de leur fraîcheur. » Et les conséquences peuvent être importantes. « Sur une distance comme celle-là, quand on est dans un jour sans, on peut perdre beaucoup, prendre un petit éclat, assure Moreau. Un Bardet peut perdre plus de trois secondes au kilomètre. Faîtes les comptes, on arrive à un débours proche de la minute. Ça peut mettre un coup au moral d’autant que ce début de Tour est très brutal. » Quatre jours après le chrono inaugural, il faudra en effet attaquer la Planche des Belles-Filles.

En délicatesse avec l’exercice en solitaire, Romain Bardet ne craint pourtant pas la perte de trop de temps d’entrée. « Je vais faire le meilleur chrono possible, en suivant mon propre référentiel. Demain soir (aujourd’hui), je ne vais pas regarder le classement, mais uniquement ma performance. » Malgré la façade, le Français le sait, il devra quand même « limiter le temps perdu sur les concurrents ». Néanmoins, le premier jour n’est pas toujours prophétique. Parfois, les sensations du départ ne sont pas celles de l’ensemble du Tour. Cadel Evans nous le rappelle : « Il vaut mieux prendre de l’avance dès le début du Tour mais ça ne fait pas tout, relativise-t-il. En 2010, j’avais deux minutes d’avance sur Contador au bout d’une semaine. Quinze jours après, j’étais une heure et demie derrière. »

L’exercice en lui même est compliqué, bien différent du prologue selon Christophe Moreau. « Un freinage trop tardif, trop anticipé, et ce sont des dixièmes de secondes qui s’envolent, détaille-t-il. Une courbe mal négociée et ce sont des secondes. Le prologue se joue sur des détails. Pour moi qui était un bon pilote, c’était parfait. Mais à Düsseldorf, c’est quatorze kilomètres, c’est davantage un chrono. La différence va aussi venir des jambes. » Surtout sur ce parcours très plat qui « favorisera sans aucun doute les gros rouleurs », avoue Vincent Lavenu. Entre pilotage précis et relances puissantes, le contre-la-montre d’aujourd’hui devrait permettre de définir les hommes en confiance et en forme. Mais le Tour dure trois semaines, c’est de là qu’il tient sa magie.

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