Florence Pommerie est l’ange gardien des coureurs cyclistes du Tour de France. Depuis son arrivée sur la Grande Boucle en 2010, la médecin-chef de l’épreuve s’est occupée de nombreuses chutes, certaines graves, d’autres moins, et a toujours réussi à gérer la situation. La Chronique du Vélo s’est entretenue avec elle hier.

Vous êtes arrivé sur le Tour il y a sept ans. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur la Grande Boucle ?

C’est un concours de circonstances. On médicalisait déjà le rallye Paris-Dakar avec Maurice Faure et on nous a demandé si on ne pouvait pas se pencher sur le Tour de France. On a accepté.

En huit ans de Tour, quelle a été la pire chute que vous ayez vu ?

Dimanche, Richie Porte c’était déjà pas mal ! C’est dans les trois plus lourdes que j’ai pu voir. Il y a eu Vinokourov qui m’a marqué (en 2011, au col du Pas de Peyrol, ndlr), c’était une des premières. Il y a aussi les chutes collectives qui sont impressionnantes. 

A Metz en 2011 notamment…

« C’était la totale ce jour-là, un gros baptême du feu ! »

Florence Pommerie

Pour mon premier Tour, ça avait été une année à chutes. Il y avait donc Vinokourov, et puis Metz. William Bonnet aussi, ça a été compliqué. Pour nous, c’est un peu difficile, parce que ça fait quarante personnes à terre, plus les chutes secondaires derrière, ça fait beaucoup. C’était vraiment compliqué. En plus, c’était l’année où il y avait eu une panne sur le réseau Orange pour les téléphones portables. C’était la totale ce jour-là, un gros baptême du feu ! On a prévenu certains hôpitaux, avant de changer d’avis, mais on n’avait plus de téléphone ! Et comme aujourd’hui on est très habitué à travailler avec les téléphones, ça a été difficile. On a pris des destinations sans pouvoir en annuler d’autres. Il a fallu s’expliquer, mais on a géré. 

Comment on gère dans ces cas-là ?

Il y avait les urgences et les chutes un peu moins urgentes. Les coureurs se relèvent petit à petit, on fait une hiérarchie des dégâts. Pour William Bonnet, on s’est vite aperçus qu’il y avait un problème, malgré les quarante personnes autour de lui et le fait qu’il bouge beaucoup, parce qu’il avait rapé tout son dos et ne restait pas allongé. Il faut avoir le temps de regarder tout le monde, ne pas passer à côté d’une vraie urgence, parfois absolue. Après, les coureurs se relèvent. Une fracture du poignet ou de la clavicule, ça peut attendre un peu. Les évacuations peuvent être compliquées, mais ce jour-là, on n’a eu que William. On aurait pu en avoir plus. On avait trois ou quatre ambulances, pour tout ce qui est poignet, bras, clavicule, mais si on avait des gens à évacuer, ça aurait été plus compliqué. Dans ces cas-là, on appelle les secours locaux.

« Richie Porte semblait ne rien avoir. Enfin rien, façon de parler. Pour nous, une clavicule, ce n’est pas grand chose. »

Florence Pommerie

Comment ça s’est passé dimanche ?

Sur cette chute, Richie Porte semblait ne rien avoir. Enfin rien, façon de parler. Pour nous, une clavicule, ce n’est pas grand chose. Il semble ne rien avoir, mais en réalité, il peut avoir des lésions internes qui ne se développent pas tout de suite. Avant de dire qu’il n’y a rien, il faut attendre. Dimanche, il était déjà conscient et orienté, c’est quelque chose de déjà rassurant. Mais la cinétique d’une chute, le contexte est fondamental. Il peut vraiment y avoir de mauvaises surprises au scanner, des saignements internes par exemple. On ne peut pas tout apprécier immédiatement. On est content quand on voit qu’ils sont conscients, mais avant de sauter de joie, surtout dans une cinétique énorme, on attend le body scan. 

Ce début de Tour vous a-t-il posé beaucoup de problèmes ?

C’était quand même assez agité, entre l’étape de dimanche et le prologue. C’est relativement régulier, on a des chutes tous les jours, mais dimanche, c’était assez impressionnant. 

Les images des chutes à la télé sont parfois très impressionnantes, comme celles de Valverde ou de Porte. Ça ne vous fait pas peur avant d’aller soigner ces coureurs ?

C’est bien, on ne les voit pas, je préfère. Quand on arrive, on est frais et dispo, sans a priori. Parce que c’est vrai que voir une grosse chute, c’est stressant pour tout le monde, on imagine le pire. On arrive comme on peut le faire avec le SAMU, sans avoir vu la cinétique. On se renseigne quand même, quel a été l’accident, on voit bien si ça a été très rapide ou pas, et on le prend en compte. Mais on préfère ne pas le voir, c’est mieux.

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