Le championnat du monde est une épreuve particulière pour bien des raisons. Qui dit course particulière, dit acteurs particuliers. Les conditions exceptionnelles de cette course à la douce saveur automnale transcendent quelques spécialistes, devenus experts dans l’art de s’y illustrer. Bridés par la qualité des effectifs pléthoriques au sein de leurs formations World Tour ou simplement galvanisés par le fait d’évoluer sous les couleurs de leur nation, ils parviennent à élever leur niveau pour se frotter aux meilleurs avec une régularité inaccoutumée.

Les écarts ont tendance à se resserrer en fin de saison

Autrefois disputé dans la foulée du Tour de France, le championnat du monde souffre quelque peu de sa déprogrammation vers la toute fin de saison, lorsque les meilleurs, épuisés par une longue saison, ne sont plus tout à fait les mêmes. Purs sprinteurs, puncheurs ou grimpeurs, tous ont abandonné beaucoup d’énergie au cours de la campagne des classiques printanières, puis à l’occasion de la succession des grands tours. C’est en partie pour cette raison que Chris Horner, habitué aux places d’honneurs, a pu disposer de Vincenzo Nibali, ainsi que des Espagnols Valverde et Rodriguez sur le récent Tour d’Espagne. Préservé pendant la majeure partie de la saison, l’Américain était frais, un avantage considérable.

Mais il y a encore mieux. Des hommes que l’on voit sous un autre visage le jour J. Comme Matti Breschel et Alexandr Kolobnev. Des coureurs honnêtes, capables de briller ici et là lorsque l’occasion se présente, mais tout sauf des cadors. Cependant, ils ont pris l’excellente habitude de se parer de bronze et d’argent à tour de rôle au cours des récentes éditions, déjouant à chaque fois les certitudes négatives acquises par leurs printemps généralement ratés ; le Danois passant immanquablement au travers des flandriennes qu’il affectionne tant, le Russe en étant incapable de décrocher une ardennaise malgré ses immenses aptitudes.

Décevants en début de saison, ils manquent quasi-systématiquement le train qui mène au Giro et au Tour : des absences qui leur sont bénéfiques par la suite. Montant progressivement en puissance, Breschel et Kolobnev débloquent leurs compteurs au cours du mois d’août. Kolobnev en dominant une partie du relevé Tour de Wallonie, tandis que Breschel réveillait son potentiel enfoui de sprinteur à domicile, au Danemark, avant de confirmer par de belles places d’honneurs acquises à Hambourg puis au Québec. Des évènements révélateurs de la condition ascendantes des deux spécialistes des Mondiaux, qui montent en puissance pendant que dans le même temps leurs futurs adversaires luttent pour conserver leur condition, puis déclinent, à l’image d’un Valverde.

Des qualités atypiques les caractérisent

Le Danois Breschel a toujours été particulièrement complet, si bien que l’on ignore sa véritable spécialité. Est-il un puncheur, un sprinteur ou un flandrien ? Il a tour à tour démontré certaines facilités dans chaque domaine sans jamais confirmer au plus haut niveau, sauf justement lors des Mondiaux, suivant les grimpeurs/puncheurs sur les forts dénivelés de Varèse en 2008 et Mendrisio l’année suivante, puis rivalisant avec les puissants sprinteurs que sont Thor Hushovd et Allan Davis sur le circuit plus tranquille de Geelong. Son coffre, sa capacité d’adaptation et sa parfaite lecture de la course font de lui un remarquable finisseur sur les courses en circuit.

Quant à Kolobnev, ses habituelles sautes de concentration et failles stratégiques semblent s’évanouir lorsqu’il prend les commandes de l’équipe de Russie. Leader absolu, conforté dans son rôle, il exprime à merveille les capacités qui sont les siennes pour avaler les courtes difficultés. Toujours offensif mais d’avantage canalisé, c’est son léger déficit de vitesse qui lui coûta la médaille d’or à l’occasion des JO de Pékin face à Samuel Sanchez, comme en 2007 dans son duel avec Paolo Bettini dans le final de Stuttgart.

Plus anonymes, d’autres équipiers habituels parviennent à tirer leur épingle du jeu lorsqu’ils évoluent avec leur sélection nationale, comme le sprinteur kazakh Assan Bazayev, particulièrement coriace et endurant. Principalement utilisé comme protecteur de leader, le futur-retraité s’est plusieurs fois distingué en rentrant parmi les vingt premiers sur des tracés délicats. Un peu à l’image du rouleur ukrainien Andriy Grivko, grand animateur des dernières éditions, ou d’Allan Davis, en totale perte de vitesse depuis 2008, mais qui conserve les faveurs de son sélectionneur national et le lui rend bien, comme en témoigne sa 3e place bien au dessus de ses attentes à Geelong.

Cette ouverture aux outsiders, c’est ce qui fait la magie des courses d’un jour, et plus particulièrement du championnat du monde. Attention, le maillot irisé ne s’offrira pas de sitôt à un bras cassé, mais pourrait bien, un beau jour, couronner la carrière d’un homme de l’ombre, qui pour un an profitera de la lumière. Ou plus, car quand on devient champion du monde, c’est pour la vie. Un jour, un coureur, une nation, et tout devient possible.

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