Louis Rivas : Les championnats du monde sont particulièrement ouverts cette année. Le parcours atypique empêche tout pronostic, cependant, quelques noms ressortent, comme Sagan ou Cancellara : des coureurs limités en côte qui devront se surpasser pour ne pas laisser trop d’énergie en cours de route.

Alexis Midol : Ce serait une erreur de se focaliser sur ces deux coureurs. Pour le cas Sagan, tout parcours lui va comme un gant mais l’entourage du Slovaque me laisse sur ma faim… On parle de Cancellara comme un candidat avéré au titre mondial, mais je peine à croire qu’il puisse réellement disputer la victoire face aux dynamiteurs espagnols, comme Purito, Valverde ou encore Moreno.

L.R : L’Espagne dispose d’une grande puissance individuelle, les noms sont ronflants mais l’éternel problème reste la répartition des responsabilités : Rodriguez se sacrifiera t-il pour Valverde dans le final ? Quel coureur envoyer dans les coups intermédiaires de milieu de course, et enfin, qui pour rouler si jamais un de ces ténors manquait le bon coup ? Malgré des apparences flatteuses, l’équipe espagnole peine souvent à utiliser au mieux ses talents, au contraire d’une Italie mois talentueuse mais plus organisée. Dernier facteur important, l’état de fatigue dans lequel se situent ces coureurs, qui pour beaucoup ont doublé Tour et Vuelta.

A.M : Oui, il est clair que la sélection espagnole est moins organisée, au contraire d’une Squadra Azzura qui mise énormément sur le rendez-vous de Florence. Avec Nibali leader unique, Paolo Bettini peut se targuer de fidèles solutions de rechange et d’un plan qui s’adapte à plusieurs scénarii, dont celui du sprint en petit comité, probable. On se souvient des Mondiaux de Varèse en 2008, et je vois bien le même scénario.

L.R : Effectivement le scénario de Varèse a de grandes chances de se répéter, le tracé ainsi que la répartition des forces étant similaires. On se souvient que cette année là, le grand favori, Paolo Bettini, ainsi que la majorité des grands puncheurs n’avaient pu accompagner le bon coup. Un enterrement de première classe qui avait fait le jeu de la Squadra, en surnombre à l’avant avec Ballan, Rebellin et Cunego. Cette fois, c’est au tour de Visconti et d’Ulissi de briller. Les petites équipes de Slovaquie et de Suisse n’auront pas la mainmise sur la course, ce qui profitera aux seconds couteaux des grandes nations, envoyés en éclaireur pour fatiguer la Slovaquie de Sagan, bien trop esseulée.

A.M : La Slovaquie n’assurera pas sa poursuite, à part Peter Velits, Tourminator ne dispose d’aucun équipier capable de l’emmener loin dans l’épreuve, et il se débrouillera seul comme il y est habitué. Au talent pur, il est capable de s’imposer sans l’aide de personne mais devra faire avec de multiples obstacles sur son chemin. Quant à l’équipe de Suisse, elle pourrait aussi laisser une chance à Michael Albasini, à mon goût sous-estimé. Un puncheur non ronflant qui possède les caractéristiques pour tirer son épingle du jeu à Florence, tout comme d’autres très bons coureurs de classiques dont on ne parle jamais. Et si c’était leur heure ?

L.R : Albasini est un bon coureur, certainement capable de l’emporter, tout dépend de la façon dont il sera utilisé aux cotés de Cancellara. Son irrégularité le rend cependant imprévisible. A par ça, qu’en est t’il des leaders GT ? Chris Horner en premier lieu, le vainqueur de la Vuelta est dans une forme éblouissante, mais manque d’explosivité, on sait pourtant que finir en solitaire sera particulièrement difficile ici. Non, je vois plus Rigoberto Uran, le Colombien a paru peu fringuant ces derniers temps, mais il possède les qualités d’un futur champion du monde.

A.M : En effet, Rigoberto Uran est un excellent coureur de classiques marchant très bien sur le territoire italien. Mais en parlant des Colombiens, Nairo Quintana fait office de leader, tant le petit prodige brûle les étapes. Malgré tout, si un leader de courses par étapes veut l’emporter, il faudra absolument être très costaud – car le circuit est moins difficile qu’on ne le dit – en plus d’apporter un grain de folie dans le money time pour enflammer tout cela. Le leader GT qui me paraît le plus à même de jouer la gagne est Bauke Mollema. Très à l’aise sur les longs cols comme les côtes raides, il ne faudra pas l’oublier. Tout comme les sprinteurs endurants, qui pourraient bénéficier d’une certaine neutralisation. On se souvient de John Degenkolb quatrième l’an passé malgré l’ascension du Cauberg à maintes reprises.

L.R : Le Cauberg qui au final avait bien déçu, n’opérant qu’une légère sélection. Et si certains sprinteurs étaient finalement taillés pour jouer la gagne à Florence ? Degenkolb arrive relativement frais, tout comme Boasson Hagen, Breschel et Hushovd, sur le retour. En cas de marquage complet, un sprint n’est certainement pas à exclure, ce qui faciliterait les affaires de Sagan. Tout dépendra de la volonté d’entreprise des équipes privées de sprinteur de haut vol qui devront décanter la course plus tôt qu’à Valkenburg. Les conditions climatiques devraient y aider.

A.M : On en oublierait presque nos Bleus ! Prêts à défendre leur chance sur un circuit indécis, l’équipe envoyée à de l’allure, menée par la jeunesse insouciante. Si Warren Barguil ou Romain Bardet paraissent limités en cas de sprint, pourquoi pas un énième numéro de notre Thomas Voeckler national, lui qui avait pris la septième place l’an passé ? Ou alors d’Arthur Vichot, auteur de performances encourageantes lors des classiques canadiennes de préparation ?

L.R : La France affiche de belles ambitions autour du vétéran Voeckler, que certains n’hésitent pas à placer sur le podium. Vichot monte en puissance, Barguil grille les étapes avec brio. Un bémol majeur, la distance, bien trop longue pour nos bleus encore tendres, qui n’ont pas l’habitude d’avaler autant de bornes. Outre Voeckler, la meilleure carte reste Thibaut Pinot qui sort d’une belle Vuelta malgré ses problèmes en descente. Il semble aimer la pluie, un point positif.

A.M : Tout compte fait, on pourrait bien assister à une victoire surprise inattendue ce dimanche. Et à ce jeu là, pourquoi pas le hold-up d’un Greg Van Avermaet, Rui Costa ou Gesink ? Malgré tout selon moi, le maillot arc-en-ciel n’échappera pas aux hommes de la Botte.

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