Initialement prévue pour emmener Alberto Contador sur la plus haute marche du podium à Paris, la formation Tinkoff-Saxo a dû changer son fusil d’épaule au soir de la terrible dixième étape menant à la Planche des Belles Filles, théâtre de l’abandon sur chute de son leader espagnol. Mais à la manière d’autres équipes n’hésitant pas à emmener une véritable armada de grimpeurs autour d’un seul leader, la profondeur d’effectif a payé en deuxième partie de Tour, ramenant trois belles victoires d’étape et le maillot à pois de meilleur grimpeur. Le directeur sportif français de la formation, Philippe Mauduit, ne fait donc pas la fine bouche au moment de faire le bilan lors de la dernière étape, aux micros de la Chronique du Vélo.

« Le collectif est très solide »

Quand Oleg Tinkov faisait son retour sur la scène du cyclisme en injectant une part importante de sa fortune aux côtés de Bjarne Riis et de l’équipe Saxo Bank, le projet, déjà commencé en amont par un recrutement conséquent durant l’intersaison 2012-2013, était de tout faire pour retrouver le grand Contador, vainqueur des trois grands tours. Cela passait par une nouvelle garde rapprochée, établie pour monter en puissance. Parmi eux, Rafal Majka bien évidemment, auteur d’un très bon Tour d’Espagne en 2012 aux côtés du vainqueur ibère et de deux tops 10 sur les deux derniers Giro, mais aussi des coureurs arrivés à maturité à l’image de Nicolas Roche, capable de jouer les trouble-fête dans un bon jour, Roman Kreuziger, quasiment au niveau du patron sur la Grande Boucle en 2013, ou encore Michael Rogers. Des garçons aussi bien capables de tutoyer les sommets en jouant leur carte personnelle que d’être de précieux soutiens pour le meneur désigné. « Tous nos coureurs étaient prêts pour ce Tour de France, l’équipe était bâtie autour d’Alberto. Il a fallu bien évidemment changer nos plans après cette dixième étape, mais quand vous avez des coureurs qui ont confiance en eux, qui font également confiance à tout le staff qui les entoure, cela montre que le collectif est très solide. » De nouveaux objectifs qui s’imposaient donc après l’un des nombreux coups de théâtre de ce 101è Tour de France, avec l’abandon sur chute du Madrilène dans la descente du Petit Ballon. Un mois de juillet qu’il fallait donc sauver, et cela fut fait avec brio. « C’était une fin de Tour conforme à nos espérances ! », s’exclame t-il.

Il faut dire qu’avec trois victoires d’étapes et un maillot distinctif dans la besace, difficile de ne pas être satisfait. Surtout quand on voit la situation d’autres équipes ayant perdu leur leader sans parvenir à repartir de l’avant, à l’instar de l’équipe Sky. « Dans ces cas de figure, c’est toujours compliqué de rebondir, on aurait pu ne pas finir sur ces bases là, il y a d’autres formations qui ont eu plus de mal à s’en sortir dès lors qu’elles étaient orphelines de leur leader… » On se souvient de cette image où un Contador meurtri donnait de chaleureuses accolades à ses compagnons encore présents pour l’aider à rallier l’arrivée de cette étape vosgienne, et ça a vraisemblablement transcendé des coureurs qui n’ont pas eu le moindre mal à se mettre en lumière par la suite. « Il se trouve chez nous une belle force qui nous a permis de revoir nos objectifs un petit peu plus haut encore », nous explique Mauduit. Si « l’objectif consistait à gagner des étapes », il se trouve que « l’appétit est venu en mangeant. » Une soif de succès et un mental d’acier à toutes épreuves ? Mauduit raconte : « on avait des envies, des idées, c’est le plus important. On a essayé de les mettre en application, et au final c’est plutôt réussi. »

« Je pense qu’on a fait le bon choix ! »

Rafal Majka par deux fois à Risoul et en haut du Pla d’Adet, Michael Rogers à Bagnères-de-Luchon, et cerise sur le gâteau, ce maillot à pois de meilleur grimpeur sur le podium protocolaire des Champs-Elysées pour le jeune polonais. Hormis Pierre Rolland, c’est l’un des rares à avoir effectué le doublé Giro-Tour cette année et à en tirer pareille satisfaction. Sixième à Trieste, c’est la confirmation d’un pur grimpeur n’hésitant pas à faire le spectacle lorsque la pression est un peu moins forte. D’autant plus qu’à priori, on ne l’attendait pas à ce niveau. On le pensait débarqué en urgence par l’équipe Tinkoff suite aux révélations concernant le passeport biologique de Roman Kreuziger afin de compléter l’effectif, et sa première semaine « très tranquille » selon son directeur sportif ne semblait que confirmer les insistantes rumeurs selon lesquelles le principal intéressé n’était pas prévu pour la Grande Boucle. Info ou intox ? Philippe Mauduit semble avoir la réponse : « Je ne sais pas d’où vient cette rumeur, Rafal faisait partie des plans de l’équipe, de cette présélection de quatorze coureurs envisagée dès le mois de novembre. Je ne sais pas pourquoi tous les journaux nous posent cette question, c’est un détail, et cela le fait juste sourire un peu. On l’avait pas mis dans les neuf, car on souhaitait voir comment il allait récupérer du Giro. Après huit jours de vacances, il a repris l’entraînement progressivement, car on avait besoin de lui pour les Alpes et les Pyrénées, il devait s’économiser. »

Le malicieux Majka, troisième du Tour de Lombardie l’an passé, en a surpris plus d’un, et s’est mis en quête d’un maillot à pois prestigieux, qui suffit à classer un bonhomme quand on sait que les célèbres Richard Virenque, Santiago Botero, Samuel Sanchez et tout récemment Nairo Quintana l’ont remporté tout en étant parallèlement dans la course au classement général. Même si c’est à relativiser, il s’est permis de battre Joaquim Rodriguez qui, il faut le dire, était presque venu entièrement pour cette fameuse tunique. « Je pense que Joaquim (Rodriguez) n’était sans doute pas au top de sa forme sur ce Tour pour lutter. Après il faut être au cœur des équipes pour savoir quel est leur plan, leur stratégie… Concernant Rafal, il a sans doute vu qu’il pouvait engranger des points au fur et à mesure, c’était sans doute dans un coin de sa boîte à idées. On savait que c’était un excellent grimpeur », avance Mauduit, qui n’oublie pas non plus de mettre l’accent sur le barème des points distribués. En effet, en s’imposant en haut de deux arrivées au sommet, Majka a pu bénéficier de points doublés, de quoi favoriser une remontée éclair. « La nouvelle réglementation du maillot à pois l’a bien aidé il faut le dire, même si ce n’était pas l’objectif initial. » Mais à voir le sourire de sa formation, c’est avec des bases plus que solides que toute la troupe de Philippe Mauduit s’apprête à jeter l’ancre sur de nouveaux horizons. Un joli retournement de situation !

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