C’est sans doute la plus grande star du cyclisme actuel qui a décroché le titre de champion du monde. Peter Sagan, monstrueux sur un vélo autant que showman, a décroché le maillot arc-en-ciel au panache. Au terme d’une saison marquée par les places d’honneur, il tord donc le cou à ses détracteurs, et montre qu’il est bien un grand champion.

Simplement trop fort…

« On verra dimanche ce que je peux faire », avait lâché Peter Sagan cette semaine en conférence de presse. Face aux questions des journalistes, qui lui demandaient notamment ses prévisions en vue de la course, le Slovaque avait été fidèle à lui-même. « Ce que je pense n’a pas d’importance, c’est simplement une perte de temps », assurait-il. Uniquement entouré de Michal Kolar et de son frère Juraj, l’enfant de Zilina avait de quoi ne pas être très confiant face aux armadas allemande, belge ou australienne. Mais quand est venu le temps de se battre sur le vélo, Peter Sagan a fait la loi. Au moment le plus opportun, il a su décrocher de sa roue tous ceux qui rêvaient de lever les bras sur la ligne depuis des semaines. Dans la deuxième des trois bosses du parcours, l’attaque a été si sévère que personne, pas même Boasson Hagen et van Avermaet, n’ont pu prendre le sillage du leader slovaque. Au courage et malgré d’incessants retournements de tête, celui qui se fait surnommer Rambo est donc allé au bout, décrochant à 25 ans un maillot arc-en-ciel auquel il était de toute façon prédestiné.

La polyvalence du garçon fait qu’en effet, personne ou presque ne l’imaginait passer à côté du fameux paletot tout au long de sa carrière, et ce malgré des antécédents compliqués avec la course mondiale. « C’est la plus grande victoire de ma carrière », a concédé Sagan après l’arrivée. Pas une surprise, puisque le larron, même s’il tourne autour, n’a encore jamais remporté les monuments qu’on lui prédit ! Mais ce titre, auquel les plus cyniques se refusaient à croire, a permis au Slovaque de mettre les points sur les i. « J’ai entendu beaucoup de choses, les gens disaient que je n’étais pas bon sur de longues distances », a-t-il rappelé, fier de pouvoir faire taire tout ce beau monde. Cette victoire, en solitaire et après plus de six heures à attendre le bon moment pour sortir, pourrait donc être le déclic pour celui qui a subi quelques moqueries sur le Tour de France en décrochant cinq deuxièmes places mais aucun succès. Esseulé mais incontestablement le plus costaud sur le parcours américain, Sagan peut savourer, et a bien fait de croquer à pleine dent sa médaille d’or.

…et différent !

Mais si le titre de Sagan ne se résumait qu’à la course, ce serait trop insipide. Le Slovaque est en effet beaucoup plus qu’un champion. Il est un homme à part. Suivi par le chaperon de l’UCI dès la ligne d’arrivée franchie, il l’a fait courir, lâchant son vélo à ses mécaniciens pour aller taper les mains de Boonen et de quelques autres, vraisemblablement très heureux pour le vainqueur du jour. Puis, pour sa première réaction, Sagan a évoqué la situation des migrants en Europe, leur apportant son soutien et souhaitant être en mesure de leur donner une certaine motivation. Parce que même lorsqu’il décroche un titre mondial qui va faire évoluer son statut, il sait faire la part des choses et se rendre compte qu’il y a à travers le monde des questions bien plus importantes que le vélo. Après les applaudissements du public, quand le journaliste l’a alors relancé sur son exploit, Sagan  s’en est même presque étonné. Il y avait pourtant tellement à dire…

« Je n’ai placé qu’une seule attaque, et visiblement c’était la bonne », a-t-il lâché avec le sourire. Après un abandon sur la Vuelta, rien n’assurait pourtant que Sagan arrive en bonne forme à Richmond. Mais le parcours, semblable à celui d’un petit Tour des Flandres, avec des difficultés plus rapprochées de l’arrivée, lui convenait tellement bien qu’il ne pouvait venir pour y faire de la figuration. Pour un an, il va donc arborer un maillot arc-en-ciel qui ne peut que lui sied à merveille. Et si on a parfois tendance à parler d’une malédiction de champion du monde, ce titre marque peut-être pour Sagan le début d’une nouvelle ère, où il trouverait enfin le chemin du succès sur Milan-Sanremo, le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. En attendant, il avait tout le loisir, sur le podium, de se frapper la poitrine avec le poing, comme Leonardo Di Caprio dans le Loup de Wall Street. « C’est pour montrer d’où vient mon énergie », arguait-il en juillet dernier. Ce dimanche soir, tout le monde a compris.

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