En cette fin d’année, il est l’heure de revivre les plus beaux moments de la saison. Ceux qui nous ont fait bondir de notre canapé, ému ou révolté. Ceux que l’on retiendra longtemps, malgré les années qui passeront. Au gré des articles marquants de 2017, nous vous proposons donc de vous replonger dans ces épisodes un peu à part. A chaud, comme si vous y étiez. Aujourd’hui, dernier épisode avec l’historique troisième titre mondial de Peter Sagan.

C’est une question d’habitude, sans doute. A le voir marcher de la ligne d’arrivée jusqu’au podium protocolaire, c’était à croire que Peter Sagan venait de décrocher une banale victoire. Pourtant, le Slovaque venait de remporter son troisième titre mondial consécutif et de se faire une place parmi les légendes. Comme si de rien n’était.

« Tu es trop dur à battre, mec »

Le coureur est fascinant. L’homme encore plus. Quelques minutes après sa victoire, sa première réaction était celle d’un homme serein, à peine excité par ce qu’il venait d’accomplir. « Je suis vraiment content d’avoir gagné. Ça ne va rien changer mais pour moi, c’est quelque chose de très sympa. » L’art de faire d’un titre mondial une banalité. Le troisième pour le Slovaque. Comme Alfredo Binda, Rik Van Steenbergen, Eddy Merckx et Oscar Freire. Mais le troisième de suite, ce que personne n’avait jamais réalisé. « C’est quelque chose de spécial, bien sûr », reconnaissait le principal intéressé. C’est un peu plus que ça, quand même : c’est l’un des plus grands exploits de l’histoire du cyclisme, mais on sait le garçon modeste, alors il n’allait pas le dire en ces termes. Celui qui se veut détaché, loin de la pression que peuvent engendrer les grandes échéances, donnait presque l’impression de ne pas se rendre compte de la portée de sa victoire.

Il faut dire qu’il est allé la cueillir presque comme un dû, sans jamais paniquer. On pouvait s’imaginer le voir bouger dans le dernier passage de Salmon Hill, histoire de se défaire des purs sprinteurs. Il a préféré laisser Julian Alaphilippe faire son show, presque jusqu’au bout, sûr de lui et de sa tactique. Il a ensuite tenté de sortir dans les derniers kilomètres, comme d’autres, sans succès. Alors il a repris place dans le groupe et s’est positionné pour le sprint. En se faisant discret le plus longtemps possible. Et comme l’an dernier à Doha, dans la dernière ligne droite, il a déboulé pour se payer le scalp d’un homme sur le papier plus rapide que lui, Alexander Kristoff endossant le costume du battu, celui auquel avait eu droit Mark Cavendish il y a un an. « Tu es trop dur à battre, mec », lui glissera le Norvégien un peu plus tard, dans les coulisses du podium protocolaire.

Autriche, Scarponi et sa femme

Après deux ans d’idylle, Sagan a donc rempilé avec le maillot arc-en-ciel pour douze mois supplémentaires. Au terme desquels, il le sait, il devra passer le témoin, la prochaine édition en Autriche étant promise aux grimpeurs. Mais tant que le terrain aura été à sa convenance, le Slovaque sera donc resté invaincu. « Pourquoi moi ? », demandait-il aux journalistes ces derniers jours quand on le présentait comme le favori. On a envie de lui répondre qu’aujourd’hui, il a montré pourquoi on lui accolait toujours ce statut. Sur les bosses américaines, dans la plaine qatarie et sur le parcours intermédiaire proposé à Bergen, personne n’a trouvé la faille. Jusqu’ici, on parlait de lui comme d’un ogre, on le présentait comme le meilleur cycliste du peloton actuel. Mais ce dimanche après-midi, Peter Sagan est entré dans une autre dimension. Il est devenu une légende. Qui a dédié sa victoire à Michele Scarponi, décédé en avril dernier, et à sa femme qui attend un enfant. Avec une simplicité déconcertante. Comme une légende qui n’a pas conscience de l’être.

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