Il y a plus d’un an, Vincenzo Nibali mettait l’Italie à ses pieds en triomphant d’un Giro 2013 rendu éprouvant par des conditions météorologiques dantesques, et terminait par la suite comme l’héroïque dauphin de Chris Horner sur le Tour d’Espagne. C’était 2013, et en 2014, le Squale n’a pas brillé de la même manière, quantitativement et dans les esprits. Mais on le sait, c’est le « tout pour le Tour » qui a été décidé au sein de la maison Astana, et l’instant clé approche dangereusement. Peut-il réussir son défi ?

Pourquoi il gagnera le Tour

Les circonstances ne lui ont jamais été autant favorables. En 2012, Nibali venait sur le Tour de France avec, pour la première fois, un statut de favori, et une côte populaire haute, tant il était le seul à pouvoir renverser l’hégémonie du train Sky et du duo Wiggins-Froome. Rapidement vaincu et démuni, il avait alors assuré un podium de prestige. Mais nul doute qu’il ne vient pas pour un simple podium cette fois-ci. Ses progrès en chrono ont été approuvés, et l’unique exercice solitaire se déroulera la veille de l’arrivée finale, un gros avantage pour les leaders qui récupèrent bien au détriment des spécialistes de la montre. Et puis, les étapes vallonnées et la part belle aux massifs intermédiaires ne peuvent que jouer en sa faveur. Les montagnes russes des Vosges lui souriront forcément, lui l’attaquant né capable de se lancer dans des offensives folles lorsque le terrain s’y prête. Déjà dans les bons coups lors des retournements de situation au Dauphiné, la forme, cette fois, sera là.

Son équipe est plus qu’au top. Il y a deux ans, Nibali avait inévitablement souffert du manque de soutien. Seul Ivan Basso, déjà sur la pente descendante, était au niveau pour tirer vers le haut le vainqueur du Tour d’Espagne en 2010. Et le renouvellement ayant amené à l’actuelle Cannondale n’a rien changé dans ce domaine là, d’où le désir du Sicilien d’aller voir ailleurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Alexandre Vinokourov a mis le paquet pour voir son nouveau poulain triompher en jaune à Paris. Scarponi, impressionnant sur le dernier championnat d’Italie, Kangert, Fuglsang, Westra, et divers gregarii à la solde du meilleur coureur actuel de l’autre côté des Alpes, la formation kazakhe est sans contestation l’une des meilleures du Tour. Elle n’aura pas à faire de complexe d’infériorité face aux armadas Sky et Tinkoff. Les neuf coureurs d’Astana pour cette Grande Boucle pèsent trois victoires et quatre tops 10 sur trois semaines.

Tout autre résultat que la victoire serait perçu comme un échec. Si son choix d’axer une saison entière sur le Tour de France est compréhensible après avoir connu le succès à domicile l’an passé, le ressenti fut tout autre dans sa patrie. C’est une partie des médias italiens, dont la célèbre Gazzetta dello Sport, qui sont montés au créneau, s’offusquant de l’absence du tenant du titre sur la course rose, qui plus est, au rendement insuffisant. Une expression relayée par le staff de l’équipe Astana quelques semaines plus tard. La pression est clairement sur ses épaules, mais Nibali n’est pas un coureur comme les autres. A Florence, tout un peuple souhaitait le voir en arc-en-ciel, et cela l’avait galvanisé comme jamais, en dépit des événements imprévisibles. Il y a fort à parier que le cas de figure se représente cet été, avec des tifosi qui auront fait le voyage dans les Alpes…

Pourquoi il ne gagnera pas

L’impression dégagée n’est pas rassurante. Malgré un planning de courses et des objectifs clairement définis en début de saison, Vincenzo Nibali n’a pas rassuré grand monde durant les derniers mois, avec une campagne ardennaise fantomatique, puis le Dauphiné. Tout juste septième de l’épreuve savoyarde, et incapable de suivre les démarrages de Contador, Froome, Talansky ou encore Kelderman sur les étapes de haute montagne, il semblait encore en totale préparation. Mais c’est surtout ce qui a fait sa réputation qui pourrait le limiter. Connu comme un fantasque nostalgique du cyclisme d’antan, est-il capable de faire la différence sur une montée finale face à ses concurrents directs, dans un mano a mano décisif ? Il avait échoué face à Horner sur l’Angliru, et n’était pas passé loin de la correctionnelle face à Mosquera en 2010 sur les pentes de la Bola del Mundo…

Est-il fait pour le Tour ? Malgré des éditions qui resteront gravées à jamais dans les mémoires, comme ce Tour 1998 où Pantani réalisa un tour de force sous la pluie et le froid aux Deux-Alpes pendant qu’Ullrich craquait littéralement, Vincenzo Nibali n’a pas vraiment le profil et les caractéristiques types d’un coureur fait pour remporter le Tour de France. En partie parce que la Grande Boucle est devenue ces dernières années une affaire millimétrée, planifiée, savamment étudiée, qui ne laisse presque plus de place à l’instinct tellement la tactique est devenue incontournable. Seize ans après le Pirate, Nibali peut-il être en jaune à Paris ? Ce n’était pas son rêve premier, et les doutes subsistent quand à sa capacité de battre un Froome sur son terrain. Avec lui, c’est tout ou rien.

N’a t-il pas déjà montré son meilleur niveau ? Un autre élément important, au centre des débats dans son Italie natale, concerne sa marge de progression. Jusqu’où peut-il aller ? Même si l’opposition s’était vite résignée au Giro au mois de mai dernier, le face à face avec Horner avait montré un Nibali se surpassant continuellement avant de craquer. Peut-il faire encore mieux et passer le dernier cap qui ferait de lui le meilleur coureur du monde ? Le masque devra vite tomber, car il lui fait prouver qu’il n’a pas déjà atteint, à 29 ans, le plus haut niveau de sa carrière.

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