Si le Tour de France aura marqué de manière considérable le public quant à sa perception de la saison cycliste 2014 des tricolores, on aurait bien tort de s’en contenter ! Si deux coureur de l’Hexagone ont accompagné Vincenzo Nibali sur le podium de la Grande Boucle à Paris, Nacer Bouhanni, lui, a remporté cinq victoires d’étapes sur les grands tours, pour un total de onze bouquets durant l’exercice. Entrant dans une nouvelle dimension, c’est le coureur français de l’année 2014.

Dangereux dans le bon sens du terme

Si la précédente saison du Vosgien avait souffert de nombreux accrocs extra-sportifs ainsi que d’erreurs parfois grossières lors des finals des sprints, Bouhanni aura cette fois fait parler de lui par ses bons résultats. Victorieux dès sa course de reprise à Bessèges, il s’est ensuite progressivement mis en condition pour le mois de mars, censé représenter un premier pic de forme. Sur Paris-Nice, il aura notamment fait vibrer la foule par son triomphe initial à Mantes-la-Jolie et ses deux jours en jaune. Au sein d’une équipe FDJ.fr tournée vers le sprint, Bouhanni a rentabilisé la grande majorité des opportunités qui lui ont été confiées, et en particulier sur le Giro. Habitué aux efforts de récupération sur trois semaines, l’ex-champion de France a vécu un mois de mai synonyme de déclic physique et surtout psychologique. Pas loin de battre le maître Marcel Kittel lors de la ballade irlandaise, il n’aura laissé que des miettes à ses adversaires, une fois le géant de Thuringe hors course. Sa première victoire sur un grand tour, il est allé la chercher à Bari, au prix d’un invraisemblable dernier tour de circuit, ressemblant à un jeu d’équilibriste en raison des conditions météorologiques rudes. Il s’en est alors suivi une maitrîse hors pair, à Foligno et Salsomaggiore Terme, où il ne s’est pas fait prier pour aligner les rescapés Mezgec, Nizzolo ou Swift. Assurant jusqu’au bout à Trieste malgré une troisième semaine très montagneuse, le classement par points lui est logiquement revenu.

Le coureur de 24 ans s’est donc fait un nom dans le gotha mondial, prouvant à tous qu’il était en mesure d’assumer un leadership et d’honorer son nouveau statut. Il ne peut plus passer inaperçu, et est désormais craint dans le peloton pour ses qualités. Très véloce, sa capacité à s’engouffrer dans des trous de souris en a interloqué plus d’un, tout comme son mental d’acier. Lorsqu’il bat John Degenkolb et Gianni Meersman sur la première étape de la Course au Soleil, c’est après avoir touché le bitume et avec un genou ensanglanté. Il dira après avoir « su oublier la douleur. » Un moral de battant qui s’affirme, à l’image de sa deuxième moitié de saison. Revenant au premier plan sur l’Eneco Tour, théâtre d’un nouveau succès dans un emballage massif, une nouvelle lutte s’installe sur la Vuelta avec l’Allemand Degenkolb. Double vainqueur d’étape, Bouhanni en ressort une nouvelle fois grandi, attirant les foudres d’un Madiot littéralement dépassé par une cohabitation interne mal gérée. Son rival et coéquipier Arnaud Démare comptabilise plus de victoires au tableau, mais à y regarder leur prestige, celles du Lorrain sont clairement plus importantes. Il a tutoyé les sommets avec une affolante régularité.

Un potentiel encore immense

Et ce n’est pas la stratégie douteuse de Marc Madiot, désireux de mettre à l’amende son coureur, qui a gâché l’automne du Français. Privé de courses sous le maillot FDJ après son abandon au Tour d’Espagne, Bouhanni s’est immédiatement reconcentré sur les Mondiaux de Ponferrada. Appelé de dernière minute pour finalement être l’un des leaders de Bernard Bourreau, il doit sa sélection à ses performances sur des terrains très corsés. Troisième en haut d’une arrivée au sommet de la Route du Sud derrière Alejandro Valverde, puis réglant un petit groupe situé derrière Dani Navarro dans l’étape d’Obregon sur les routes ibériques, Bouhanni s’est endurci, et exploite de mieux en mieux son petit gabarit. D’autant plus que la treizième étape espagnole se concluait par un mur à 13 %… Une preuve de plus que le double vainqueur d’étape du Tour de Pékin sait cibler précisément ses objectifs et les mener à bon port. Dixième de la très fermée course en ligne des championnats du Monde, il n’y avait qu’Alexander Kristoff et John Degenkolb pour le priver de maillot arc-en-ciel si Kwiatkowski et les autres ne s’étaient pas fait la malle dans la dernière bosse. Et les deux gaillards sont sans aucun doute les deux meilleurs «sprinteurs de classiques » qu’il existe à l’heure actuelle.

Ce qui attend Nacer Bouhanni en atterrissant chez Cofidis cet hiver est donc très clair. Il va pouvoir profiter d’un nouvel environnement propice, gratifié d’un train dévoué à sa cause, et exporter ses atouts sur les classiques qu’il devrait découvrir. Il rêve de Gand-Wevelgem, d’une Vatenfall déjà tombée dans l’escarcelle de Démare il y a deux ans, mais prioritairement du seul monument qui paraît accessible aux vrais sprinteurs, la Primavera. Puis, sur les épreuves de trois semaines, il sera là où Cofidis sera, pour confirmer ses succès de 2014. Le Tour, on l’y verra avec certitude. Le Giro et la Vuelta ? Les invitations seront chères, mais il sera un argument de poids pour sa formation… Quoi qu’il en soit, c’est un nouveau défi qui se présente à celui qui songe à une carrière de boxeur après avoir raccroché le vélo. Il a tout à y gagner.

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