Cinquième à Roubaix, dans le coup pour le titre mondial en Norvège, troisième en Lombardie, gregario modèle sur les routes de l’Angliru, Gianni Moscon brille incontestablement par ses qualités naturelles. Son style éclectique, qui tranche avec les habitudes millimétrées de sa formation, contribue à faire de lui la grande révélation de l’année 2017. C’était sans compter sur ses accrocs répétés en course, qui lui valent de savants noms d’oiseaux dans les coulisses de la compétition. Au fond, les mérite t-il vraiment ?

La rage à bicyclette

Sur son vélo, Gianni Moscon n’est pas du genre à chômer. Peu importe le contexte et ses coéquipiers. L’Italien est du genre à prendre systématiquement ses responsabilités, avec bien souvent des résultats personnels ou collectifs à la clé. Au service de son compatriote Viviani dans les sprints, de Kwiatkowski ou de Froome dans les courses par étapes, il n’y a pas une semaine de compétition où Moscon ne s’est pas mis en lumière. Et lorsqu’il décide de passer à l’action, il n’est presque jamais une bonne idée de rester dans les parages. L’adage vaut aussi bien sportivement qu’humainement. Sur le Tour de Romandie, il se révèle un formidable poisson-pilote pour l’ancien pistard transalpin, quitte à clairement dépasser les bornes.

Immédiatement scandalisée, l’équipe FDJ dénonce des propos racistes à l’encontre de Kévin Reza, et laisse clairement deviner l’immense fragilité mentale du garçon au moment de gérer ces instants où les pulsations par minutes approchent les 180. Face caméra, une personnalité s’affine nettement, celle d’un jeune prodige insolent, conscient de ses immenses facultés. Arrivé en haut de l’affiche à une vitesse inouïe, il a en partie brûlé les étapes de l’apprentissage courant, protégé dès ses débuts en 2016 chez Sky, quand des jeunes espoirs talentueux galèrent plusieurs années en seconde division avant de décrocher leur ticket pour l’élite. Certains voient clairement une pointe d’arrogance dans l’attitude de ce jeune coureur de 23 ans qui s’autorise sans vergogne ce que les grands capitaines de route s’autorisent avec parcimonie, et on peut difficilement leur donner tort.

Tombé dans le dernier tiers des championnats du Monde à Bergen, il s’accroche de façon grotesque à la voiture de son équipe nationale pour opérer la jonction avec le peloton à l’entame des tours décisifs, avant d’accompagner avec facilité Julian Alaphilippe dans Salmon Hill. Conséquence : disqualifié à l’arrivée. Son sélectionneur, Davide Cassani, rumine en silence, intimement convaincu d’avoir laissé s’envoler une médaille mondiale. Un cercle vicieux qui se prolonge durant la tournée lombarde automnale, où Sébastien Reichenbach déposera une plainte judiciaire pour agression volontaire dans une descente, avant un rocambolesque final du Tour de Lombardie, où l’on n’était pas loin de l’émeute générale après un sprint pas si litigieux, mais où Moscon, de part ses antécédents sans doute, s’était attiré quelques foudres.

Garder le meilleur et évacuer le pire

Si l’on se fie à cette accumulation d’événements, la réputation de Gianni Moscon est toute faite. Ennemi public numéro un titre L’Equipe, bad boy du peloton, commentent les spécialistes. Un portrait qui semble aux antipodes de la face cachée du Trentin, qui se découvre allègrement dans la presse régionale. On apprend entre autre que l’Italien suit des études d’ingénierie à l’université de Padoue. Dans Il Dolomiti, il ajoute qu’ « acquérir de la culture, suivre des études ouvre des opportunités dans l’avenir, et change l’esprit. » On est bien loin des stéréotypes rugueux, qui nous renverraient au cliché d’un jeune issu d’un milieu paysan, peu instruit, et prêt à exprimer des pensées racistes en course – fait généralement sous-estimé dans le peloton moderne.

Très focalisé sur sa réussite individuelle, son parcours espoir remarquable, avec une victoire au « Piccolo Il Lombardia », une deuxième place au Tour des Flandres U23, ses limites sont sans doute amplifiées par le sentiment d’appartenir à un cocon, en l’occurrence Sky, le mettant à l’abri de problématiques plus concrètes et propres aux coureurs de milieu de tableau. Ses objectifs sont tout aussi ambitieux. Quand on lui demande ce qu’il aimerait gagner en priorité, il répond sans concession le Tour de France, même s’il reconnaît que Paris-Rouvaix reste un mythe inégalable. À propos de son étonnante polyvalence, qui pourrait à terme remettre en cause le statut de leader du vainqueur de Milan-Sanremo, Michal Kwiatkowski, Davide Cassani opère directement une comparaison avec l’illustre Francesco Moser. « Cela me rappelle Moser, quand il avait gagné trois Paris-Roubaix de suite, avant de s’atteler aux grands tours. »

Fils de paysans, le vainqueur du Tour d’Italie 1984 constitue une vraie source d’inspiration pour l’enfant à la fourche tridentine. Pour sa première épreuve de trois semaines, il s’est signalé par une seconde place au sprint, derrière son ami Matteo Trentin, et une stupéfiante treizième position en haut de l’Angliru après avoir passé des relais sur les premiers kilomètres du monstre des Asturies. En quelques mois, il est même devenu un candidat crédible pour devenir le quatrième homme à inscrire son nom au palmarès des cinq monuments. De quoi faire pâlir Peter Sagan, triple champion du monde en titre et décrit unanimement comme le patron du peloton ? Pour cela, il faudra sans doute tourner la page de ses accrocs inexcusables. C’est bel et bien la condition pour devenir un coureur réputé pour son palmarès et par pour son attitude.

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