La France du cyclisme, après avoir souffert pendant de longues années de l’absence d’un sprinteur capable de briller au meilleur niveau mondial, peut désormais se targuer d’avoir trois talents pouvant s’imposer dans la dernière ligne droite. Une bonne nouvelle à l’amorce d’un championnat du monde réservé aux sprinteurs. Mais la difficulté sera de faire cohabiter ces fous de vitesse, ce qui perturbe forcément l’organisation de l’équipe. Et les tricolores ne sont pas les seuls dans ce cas-là.

France et Allemagne, même combat

Bernard Bourreau, le sélectionneur français, a décidé de trancher. Il n’était pas possible pour lui d’emmener ses trois sprinteurs et il a fait le choix d’écarter Bryan Coquard de la course à l’arc-en-ciel. Alors que le leader de Direct Energie aurait été indiscutablement sélectionné dans un autre pays, Arnaud Démare et Nacer Bouhanni lui ont été préférés grâce à leurs meilleures références en World Tour. Seulement, ce dimanche, au lieu d’avoir une formation de neuf coureurs, il y a de grandes chances pour que soient présentes deux équipes de France. Une pour Bouhanni et une pour Démare. Chacun aura trois fidèles équipiers, dévolus à l’un ou l’autre. Un seul homme tentera alors de faire lien entre tous, Adrien Petit. Habituel lanceur du “Coq”, il était chez Cofidis en 2015 aux côtés de Bouhanni et avait emmené à la perfection Démare en 2011 sur… les championnats du monde Espoirs. Cela ne devrait pourtant pas suffire à unir les deux leaders. Avec leur caractère de sprinteur et leur passé tendu sous le maillot FDJ, on n’imagine pas un seul instant que l’un, se sentant dans une mauvaise journée, se sacrifie pour l’autre. Quitte à ce que le maillot irisé échappe à un bleu-blanc-rouge.

Nos voisins allemands n’ont quant à eux pas fait de choix préalable, puisque Marcel Kittel, André Greipel et John Degenkolb sont du voyage au Qatar. Seulement, les rôles ont été mieux établis de l’autre côté du Rhin. Le Gorille de Rostock sera « capitaine », c’est à dire leader, et le sprinter d’Etixx Quick-Step « joker ». Degenkolb sera quant à lui simple équipier, à l’image du récent champion du monde de l’effort solitaire Tony Martin. Une hiérarchie pré-établie qui pourra toutefois bouger dans la traversée du désert qui précédera le circuit urbain final. Point faible malgré tout, les Allemands ne seront que six coureurs au départ – contre neuf pour les nations les mieux représentées. Une faiblesse qui a au moins le mérite de leur enlever un peu de pression. « Je voudrais remercier les responsables de me faire confiance en tant que capitaine, précise de son côté Greipel, champion d’Allemagne en juin dernier. Avec seulement six coureurs nous ne seront pas favoris, mais si nous y allons tous ensemble nous avons une bonne chance. » Incontestablement, la bande à Jan Schaffrath et Andreas Klier manie l’intox à la perfection.

La Norvège et ses co-leaders

Alexander Kristoff et Edvald Boasson Hagen partageront le leadership sous le maillot norvégien. Si l’ancien vainqueur de Milan-Sanremo est sur le papier plus rapide que son compatriote, ils sont tous deux spécialistes des classiques et solides face au vent, ce qui en fera des favoris pour l’arc-en-ciel de dimanche soir. Une cohabitation que ne contestent pas les deux hommes qui s’entendent très bien. Contrairement à la sélection française, si l’un des deux se sent en mauvaise posture, il ne devrait pas hésiter à se sacrifier pour son partenaire. Costauds sur les longues distances, ils ont déjà goûté aux podiums internationaux et se sont imposés au Qatar en février dernier sur la plus vieille course par étapes du Moyen-Orient. Autant dire que la chaleur et les 257 kilomètres attendus dans deux jours ne leur font pas peur. Ils pourraient même en tirer un bénéfice et ainsi rêver de défendre un titre en 2017, à domicile.

L’énigme belge

L’équipe de Belgique et son mythique maillot bleu ciel ne sont pas régulièrement cités parmi les favoris. Pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas, dans la sélection uniquement flamande de cette année, de sprinteur capable de battre les plus grands sur les derniers hectomètres. Tom Boonen, dont ce sera le dernier Mondial, n’a plus les jambes qui lui ont permis de l’emporter en 2005 et Greg van Avermaet préfère les courtes côtes à forts pourcentages. Le récent champion olympique n’est d’ailleurs pas un grand fan du circuit final. « Je n’ai pas un endroit du circuit où je pense pouvoir faire la différence, où je peux tenter quelque chose. » Alors pourquoi ne pas utiliser la première partie désertique et le vent qui devrait souffler fort ? Une bordure ne serait, selon Tom Boonen, pas d’une grande utilité alors qu’il restera une centaine de kilomètres à parcourir entre les buildings avant la ligne. « Tout le monde sera regroupé après un tour. Il y aura peut-être quarante coureurs qui vont disparaître dans le désert, mais je crains que créer une bordure soit un coup d’épée dans l’eau. Le peloton va se regrouper. Il faudra surtout fatiguer tout le monde. » Si les Belges ne sont pas les grands favoris, ils vont donc tout faire pour épuiser le reste des troupes et peut-être éviter le sprint massif tant attendu. Ils seront les mieux armés pour déjouer les pronostics et faire le spectacle. Qu’ils ne se privent pas…

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