Réaliser un tour de force sur les Championnats du Monde Espoirs, à l’âge de 18 ans, n’est pas donné à tout le monde. Ce qu’a fait Matej Mohoric sur les routes florentines peut être considéré à juste titre comme une grande prouesse, dans la lignée de son année exceptionnelle. La tête sur les épaules, le jeune slovène se confie à la Chronique du Vélo.

« J’y suis allé plein gaz »

Même si le parcours florentin des Espoirs n’était pas exactement le même que celui des grands, il ne pouvait sacrer qu’un costaud. Pour une centaine de kilomètre de moins, le parcours qui allait sacrer le meilleur d’un jour ne laissait aucun répit, avec ses innombrables difficultés, dont le Fiesole et la terrible Via Salviati. Avant le départ, celui qui avait tout écrasé chez les Juniors l’an passé en s’adjugeant déjà le titre mondial de Valkenburg était quelque peu craintif. « J’avais quelques appréhensions sur le déroulement de la course, mais, tout compte fait, c’était moins difficile que ce que j’avais imaginé. Le rythme n’était pas si rapide, si ce n’est dans les deux derniers tours, ou c’était véritablement de la Moto GP ! » Visiblement, rien ne semble lui faire peur. Un signe de maturité déjà avancée ? Probable, d’autant plus que le garçon rappelle étonnement Peter Sagan. Issu lui aussi de l’Est européen, ses facultés sont du même accabit. Une bonne pointe de vitesse, une explosivité remarquable sur les côtes courtes, et malgré tout une capacité à se débrouiller sur les longues ascensions, en témoignent ses coups d’éclats sur le dernier Tour de l’Avenir. De plus, alors que le talentueux Mohoric aurait pu tirer son épingle du jeu dans le dernier kilomètre en cas de sprint en comité réduit, il a privilégié l’offensive, faisant preuve d’un caractère assez rare chez un garçon qui n’a encore que 18 ans.

Sentant que « la concurrence était très relevée », le Slovène a décidé « de tous les surprendre en attaquant ! » « Sans doute d’un peu trop loin », acquiesce-t-il malgré tout comme pour justifier sa prise de risque. A cet instant précis de la course, le Français Julian Alaphilippe est devant après un coup de force assez impressionnant dans la Via Salviati. Mais Mohoric montre alors à ceux qui en doutaient qu’il à un tempérament de gagnant. En chasse, c’est au forceps, avec les tripes, que le natif du pays de la langue de Preseren appuie de plus en plus fort sur les pédales, « en mettant plein gaz pour rejoindre Alaphilippe », au moment d’entamer le dernier tour. Un duel à deux pour le maillot irisé semble se profiler, et l’avantage a changé de camp. Le tricolore, si aérien quelques bornes auparavant, subit la loi su Slovène dans le Fiesole. Très humble, Mohoric n’en revient même pas. « Je pensais que Julian m’était supérieur, mais il a lâché ma roue peu avant le sommet…» Les portes du paradis s’ouvrent alors à lui, il va réaliser l’impensable. « J’ai réalisé pour la première fois que je pouvais décrocher le maillot arc-en-ciel, encore une fois ! Alors j’ai foncé, sans douter, et j’ai pu savourer ce que j’avais accompli…» Tout sauf un hold-up, pour le coureur probablement le plus talentueux de la génération 94, qui grille les étapes à vitesse grand V puisque dès l’an prochain, c’est le World Tour qu’il va découvrir.

« Un grand challenge m’attend »

Chez Cannondale, formation pourvoyeuse de talents, le vainqueur du titre mondial U23 se verra notamment accompagné de ses féroces adversaires de 2013, la paire transalpine composée de Villella et Formolo. Renforçant le secteur prioritaire des classiques, autour de la figure de proue, voire de son modèle Peter Sagan, Matej Mohoric n’a jamais caché son hésitation au moment de signer son premier contrat pro, le choix lui étant offert entre Belkin et Cannondale. Mais le titre florentin devrait le conforter dans sa décision. « Depuis cette belle victoire, je suis vraiment très heureux, et j’espère que j’aurai un futur prometteur dans le cyclisme. » S’attaquant à une autre montagne qu’est l’impitoyable univers du World Tour, le jeune homme reste conscient de ce qui l’attend, dans la posture d’un homme « impatient d’en découdre avec ce super challenge ! » Se voyant offrir la possibilité de prouver au monde entier ce qu’il a dans le ventre, le jeunot s’est entraîné dur pour montrer toute l’étendue de son talent à Roberto Amadio, son futur manager. « J’ai fait en sorte de m’entraîner durement, aussi bien que possible. »

Si il nous confirme par ailleurs l’existence d’un fossé entre les courses World Tour qu’il a hâte de découvrir et celles des Espoirs qu’il a survolé, cela ne l’effraie pas tant que ça. « J’ai pris pas mal de poids et je me suis musclé en conséquence pour relever le défi qui m’attend. Les épreuves World Tour sont assez différentes de celles que j’ai disputé ces dernières années, et c’est comme un rêve de pouvoir passer pro ! » L’un des petits nouveaux de la bande des lutins verts pour l’an prochain devra toutefois, dans un premier temps, se mettre à la planche pour son monstre de coéquipier Peter Sagan. L’ex-Liquigas s’est renforcée intelligemment dans le secteur des classiques pour monter une grosse équipe autour du Slovaque. Le challenge est donc grand, mais, malgré sa remarquable humilité, le vainqueur de vendredi dernier garde secrètement, dans un coin de sa tête, l’idée de pouvoir exprimer un jour sa carte personnelle… « J’ai hâte de gagner et d’acquérir l’expérience nécessaire, d’apprendre plein de nouvelles choses, mais aussi bien sûr de devenir un jour un grand coureur ! » Ce fameux futur, Mohoric le touche du doigt, et possède en lui toutes les qualités nécessaires pour y accéder. Une question de temps seulement…

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