Révélé sur le devant de la scène par une victoire en solitaire aux Lagunas de Neila il y a quatre ans, au Tour de Burgos, le prodige basque Mikel Landa est devenu un autre coureur en 2015. Il a fait un énorme bond dans la hiérarchie des grimpeurs, parvenant à titiller sérieusement son propre coéquipier Fabio Aru ainsi que le maître Alberto Contador sur les routes du Tour d’Italie. Presque irrésistible dans ses meilleures journées, il s’est affirmé comme un sérieux client pour la saison prochaine.

Des qualités de récupération bluffantes…

Trop discret durant son passage chez Euskaltel, Landa n’avait guère décroché de résultats probants en dehors de coups d’éclats assez irréguliers. En évoluant dans l’ombre de Samuel Sánchez, Igor Anton ou encore de Mikel Nieve, le natif de Murgia a beaucoup appris, mais a dû attendre son passage chez Astana pour se voir confier de sérieuses responsabilités. Une situation qui, combinée à une certaine maturité, semble l’avoir transcendé. Parfaitement intégré à un collectif brillant en montagne, Landa a montré qu’il tenait amplement le rythme sur les courses par étapes. Remarqué sur les épreuves d’une semaine ou moins, en remportant l’étape la plus difficile du Tour du Pays-Basque au sommet de l’Alto de Aia et finissant deuxième derrière Richie Porte sur le Tour du Trentin, il étala un niveau de récupération inédit à son sujet. Sur le Giro, il n’a même souffert d’aucun jour sans. Aligné comme un simple soutien aux côtés de Fabio Aru, leader désigné, il a constamment évolué dans le rôle de l’électron libre, prêt à jouer des tours au Transalpin. Présent dans le top 10 du classement général dès le cinquième soir, il n’a jamais craqué, et ce alors que tous les observateurs le voyaient perdre les pédales un jour ou l’autre.

En réalité, rien ne s’est véritablement passé comme prévu. On peut même oser dire qu’une meilleure entente entre Landa et Aru aurait peut-être pu faire trembler davantage un Contador qui n’a eu qu’à être fin gestionnaire devant une équipe kazakhe courant deux lièvres à la fois. Frustré d’avoir été battu par Benat Intxausti à Campitello Matese, Landa a remporté de façon successive ses deux premières étapes en grand tour à l’amorce de la dernière semaine. Profitant d’un attentisme marqué à Madonna di Campiglio, il s’est ensuite permis, touché par la grâce, de dominer de la tête et des épaules la seizième étape comportant l’enchaînement Tonale-Mortirolo-Aprica. Une immense performance, avec des écarts qui forgent le respect : il relégua sur cette étape Contador et Kruijsiwjk à plus de trente secondes, et Aru, qu’il avait d’abord attendu, à deux minutes. Goûtant à Milan aux joies d’un podium sur une épreuve de trois semaines, l’Espagnol ne s’est toutefois pas arrêté en si bon chemin et a idéalement profité de l’imbroglio Nibali sur le Tour d’Espagne. Renouvelant l’association avec Aru pour glaner le maillot rouge, il s’est offert en solo l’étape la plus indigeste en Andorre, et fut le plus précieux soutien du Sarde face à la menace Dumoulin. En quelques mois, il est passé du statut d’équipier à celui de pilier.

…qui lui offrent de nouvelles perspectives

Sauf que, pilier, Mikel Landa le sera resté pour une très courte durée chez Astana. Non conservé par Alexandre Vinkourov, les propositions de contrat ne manquaient pas parmi les grosses cylindrées de l’élite, et c’est la rivale Sky qui se frotte les mains en l’ayant attiré dans ses filets. Une satisfaction pour l’Ibère, qui confiait au quotidien régional Deia que « Astana ne [l’a] jamais considéré comme un leader. Pourtant, cette année, [il a] démontré [qu’il] pouvai[t] gagner un grand tour. Pour cela, [il] avai[t] besoin d’une équipe construite autour de [lui], ce que Sky [lui a] proposé. » Ce changement de dimension se confirme donc dans le discours, et il n’est plus question de traîner en route. Landa a t-il été réellement bridé par Giuseppe Martinelli sur le Giro, comme il le sous-entend ? Avait-il les moyens intrinsèques de remporter ce Tour d’Italie 2015 ? Sur la forme affichée, on serait tenté de dire oui, et l’engorgement suscité chez Astana avec une répartition tripartite du leadership semblait d’ores et déjà insoluble. Le signe qu’en un an, Landa a tout bouleversé en interne comme en externe. L’agacement s’était traduit sur la Vuelta par une hésitation inhabituelle quant au suivi des coureurs par la voiture du directeur sportif. Longtemps, on avait hésité à mettre en confiance Landa dans les cols andorrans pour se concentrer sur la défaillance de Froome. Au Finestre également, alors qu’il avait une nouvelle fois tout dynamité, une certaine forme de retenue l’avait freiné dans son élan, comme pour permettre à Aru de décrocher lui aussi sa deuxième victoire d’étape.

Souffrant l’hiver précédent d’un cytomégalovirus, Landa a redressé la pente de manière phénoménale, et s’est définitivement affranchi du statut de baroudeur qui lui collait à la peau. C’est donc en toute logique qu’il souhaitera franchir les derniers paliers à sa portée en 2016. Sky lui aurait déjà accordé la garantie de disputer en tant que leader le Tour d’Italie, afin de remplacer Richie Porte, parti chez BMC. S’il lui reste indéniablement des progrès à réaliser dans le contre-la-montre, et dans la science de la course, ses performances de l’année font de lui l’un des plus qualifiés pour rivaliser avec la venue éventuelle de Vincenzo Nibali ou Alejandro Valverde sur la prochaine course rose. Faire aussi bien que cette année, voici donc l’énorme défi qui l’attend.

 

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.