Vainqueur du Tour d’Italie en 2011 ou de Tirreno-Adriatico en 2009, mais également auteur de multiples podiums et places d’honneur sur les plus grandes courses à étapes et classiques internationales, Michele Scarponi s’apprête à entamer une phase nouvelle de sa carrière, en tant qu’équipier de grand luxe pour Vincenzo Nibali, rêvant de terrasser Chris Froome sur les routes du prochain Tour de France. À 34 ans, le nouveau coureur d’Astana fait longuement le point avec la Chronique du Vélo sur ses nouvelles motivations, mais fait aussi part de son expérience et de sa vision des événements. Entretien.

Tout d’abord Michele, pourquoi avoir rejoint cet hiver l’équipe Astana ? Aviez-vous l’impression d’avoir fait le tour de la question chez Lampre ?

L’équipe Astana m’a fait la meilleure proposition, aussi bien du point de vue sportif, ce qui paraît essentiel, que du point de vue financier. Je pensais moi-même que j’allais continuer et rempiler chez Lampre, mais je crois que cela n’aurait pas été très intéressant, et ils n’avaient pas non plus l’air enthousiasmés à l’idée de me conserver.

Votre choix a-t-il en partie été dicté par l’arrivée de Rui Costa chez Lampre ?

Non, absolument pas. Mon envie de changer d’équipe ne dépendait vraiment pas de l’arrivée du champion du monde. Rui Costa est un coureur que j’estime beaucoup, et je suis sûr que j’aurais pu réaliser de belles choses à ses côtés. Nous sommes même complémentaires, et on aurait naturellement trouvé un terrain d’entente sur nos objectifs communs.

Désormais, vous êtes coéquipier de Vincenzo Nibali, double vainqueur de grand tour. Cela veut quand même dire que vous aurez votre chance sur les courses qui vous tiennent à cœur ?

Oui, il ne faut pas oublier que je serais également le leader sur le prochain Tour d’Italie. Quand on vous propose un tel rôle sur votre tour national, puis d’épauler un coureur comme Nibali sur le Tour de la France, cela représente à mes yeux un défi extrême, mais qui vaut vraiment la peine d’être relevé ! Pour me préparer au mieux, mon programme de courses cette année a bien évidemment été fait en fonction de mes objectifs, avec l’avis du staff, mais aussi en concertation avec Vincenzo en personne, c’est essentiel.

Vous êtes aussi un ancien vainqueur de grand tour, et un spécialiste des courses par étapes. Ces épreuves restent-elles votre principal objectif ?

Je pense être encore fait pour les courses à étapes, et j’ai l’habitude d’être toujours en bonne condition dans la période du Tour d’Italie. Toutefois, je suis également arrivé sixième sur un Milan-Sanremo après un final des plus spectaculaires – en 2011 ndlr -, et j’ai également terminé dans les dix premiers à Liège à chaque fois que j’y ai participé. Donc je ne pense pas que je sois limité sur ce type de courses, et c’est toujours intéressant d’y avoir certains objectifs.

Cette année il y a Nibali, mais chez Lampre il y avait Cunego. Etait-ce facile de partager les rôles sur vos objectifs respectifs ?

A vrai dire, je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de courir en même temps que lui. Nous étions rarement alignés sur les mêmes épreuves, nos objectifs n’étaient pas tout à fait les mêmes.

Chez Astana, il y a une forte colonie italienne, avec pas moins de dix transalpins parmi les coureurs, mais aussi les entraîneurs, les médecins, etc…

Oui c’est vrai, mais cela reste une équipe totalement nouvelle pour moi. Astana est une équipe vraiment internationale, et la mentalité l’est par conséquent également.

Vous considérez-vous comme l’un des hommes d’expérience de l’équipe, qui peut transmettre ses connaissances et son expériences aux plus jeunes ?

Je ne sais pas vraiment. Pour tout dire, je ne me vois pas encore comme un capitaine de route, et j’ai surtout été habitué à être l’espoir d’une équipe. Je devrais peut-être m’y habituer au fur et à mesure.

Alors à l’avenir, vous imaginez-vous guider les jeunes talents dans leur but de mieux appréhender les dernières difficultés, de doser leurs efforts et de les canaliser ?

Avant d’apprendre aux jeunes la meilleure manière à suivre pour remporter une étape de montagne, je n’oublie pas que j’ai encore des détails à régler, afin de moi-même réaliser l’effort juste. Ces dernières années, les scénarios sont de plus en plus fermés, on attaque de plus en plus tard pour avoir une chance de gagner… Tout se joue dans les deux derniers kilomètres.

PComment avez-vous planifié votre entrainement personne cet hiver ?

J’ai énormément travaillé avec tout le collectif, durant nos nombreux stages hivernaux, mais aussi en altitude. Je suis d’ailleurs parti en camp d’entraînement, tout seul en altitude, juste avant le Tour du Trentin. Pour le reste de ma préparation, je l’adapte de plus en plus en fonction mon expérience et de mes connaissances.

Changer d’équipe signifie apprendre à connaître de nouveaux coéquipiers, cela s’est bien passé ?

Avec le temps qui passe, je dirais que d’un point de vue plus social, la notion d’amitié change progressivement, et on apprend à percevoir différentes valeurs autour du même mot. Mes vrais et fidèles amis sont tous en dehors du monde du cyclisme, mais il est très important d’avoir de très bonnes relations avec ses partenaires sur le vélo, et je pense être l’un des plus ouverts de l’équipe.

Pour revenir à l’année passée, votre saison a été un peu compliquée, en avez-vous tiré un bilan particulier ?

Je ne suis pas du genre a faire des prévisions et à calculer. Disons que l’important pour moi était d’être au top, sans stress et sans facteurs externes qui pourraient me perturber sur les courses. Le reste vient tout seul si ces bases sont présentes, et cette saison 2013 ne m’a pas tant inquiété que ça.

9e de Tirreno, 8e au Trentin, votre saison 2014 a bien démarré. Êtes-vous confiant avant les grandes échéances ?

Vraiment, pour tout dire, j’ai été réellement surpris de mes performances en Italie puisque j’étais loin d’être en condition optimale. Je suis même tombé malade après mon Tirreno et je n’étais pas dans de grands jours lors du Critérium International en Corse. Alors oui, je suis plutôt confiant.

C’est à cause de cette maladie que vous n’avez pas couru Milan-Sanremo, cependant, que pensez-vous de l’épisode de la Pompeiana, qui devrait être introduite en 2015 ?

En effet, comme je l’ai dis, c’est cette maladie qui a fait que je ne me suis pas rendu à Milan. J’en étais incapable, même si j’avais voulu me forcer, je crois que j’aurais jeté l’éponge au dernier moment. Pour ce qui est de la Pompeiana, je ne suis vraiment pas d’accord avec la volonté des organisateurs de changer chaque année le parcours, et de rajouter trop de côtes et de difficultés à une classique mythique comme la Primavera. Ça la dénature. À ce rythme là, cela deviendra bientôt un pur et simple produit marketing au but économique, et non plus sportif. C’est vraiment dommage.

En vue du Giro, vous avez donc opté pour le Trentin plutôt que pour les ardennaises…

Oui, j’ai préféré faire le Tour du Trentin, qui est plus difficile et mieux pour moi afin de me mettre en jambes, plutôt que Liège-Bastogne-Liège, qui ne m’a pas inspiré cette année.

On parle d’un Giro 2014 très difficile avec une dizaine d’arrivées au sommet, mais lesquelles seront primordiales ? Le “cronoscalata” est-il un avantage pour vous ?

Toutes les arrivées au sommet sont très importantes pour un grimpeur et quelqu’un qui vise le général, on ne peut pas prédire à l’avance celles qui seront les plus décisives. Tout dépendra du scénario des étapes, de la tactique à adopter… Mais c’est sur que le chrono en côte du Monte Grappa est très intéressant, il me plait.

Après le Tour d’Italie viendra l’heure du Tour de France, comment allez-vous reconnaître le parcours ? Les pavés seront-ils un obstacle pour Nibali ?

Tout le staff est déjà en train de se focaliser sur les préparatifs nécessaires, ils communiqueront bientôt sur le plan à adopter. Avec Vincenzo, nous avons déjà reconnu quelques éléments du parcours, mais il est bien trop tôt pour se prononcer de manière sûre et certaine.

Quant au mondial 2014 en Espagne, à Ponferrada, on le dit moins difficile que celui de l’an passé, mais restez-vous intéressé par une place au sein de la “Squadra Azzura” ?

Je ne crois pas que le parcours des Championnats du Monde me corresponde, il n’est pas assez difficile. Mais si les dirigeants de la “Nazionale” font appel à moi, pourquoi pas !

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