La dernière étape en ligne de ce Tour d’Italie, entre Gemona del Friuli et Trieste, ne devait rien changer au sacre annoncé de Nairo Quintana sur le Tour d’Italie. Longue de 171 kilomètres et dénuée de difficultés, hormis un circuit urbain tortueux avalé à toute vitesse dans la cité de Trieste, c’est bel et bien les sprinters qui se sont expliqués le long du front de mer, dans un final ressemblant fortement au prélude napolitain du Giro 2013. Dominateur depuis le retrait de Marcel Kittel, Nacer Bouhanni s’est contenté d’assurer, et c’est Luka Mezgec qui en a profité pour tirer son épingle du jeu, et confirmer ses belles prouesses en tant que doublure des Kittel et autres Degenkolb au sein d’une Giant-Shimano prolifique en hommes rapides.

De premières en premières

Dès lors que le patron attitré des emballages massifs du Tour d’Italie, en la personne de Marcel Kittel, s’est retiré à la surprise générale de la course rose lors de la quatrième étape menant le peloton vers Bari, il fallait instantanément chercher un nouveau boss parmi la hiérarchie. Elia Viviani avait battu à deux reprises le Cav sur les routes du Tour de Turquie, tandis que Nacer Bouhanni comptait déjà cinq victoires à son actif depuis le début de la saison 2014. Sans oublier Giacomo Nizzolo, Tyler Farrar, Ben Swift, Francisco Ventoso… et ce même Luka Mezgec ! Capable d’être un poisson-pilote modèle comme un redoutable finisseur lorsque la voie lui est libre, le triple vainqueur d’étape sur le dernier Tour de Catalogne possédait l’avantage non négligeable d’une équipe réputée pour sa grande efficacité en ce qui concerne la préparation des derniers kilomètres d’une étape de plaine. Le meilleur train sur le papier donc, mais une solidité collective qui a du s’effacer face au duo survolté de la FDJ.fr, constitué de Sébastien Chavanel et l’insatiable Nacer Bouhanni, glanant d’abord sa première victoire sur un Grand Tour, avant d’enfiler les succès comme des perles sur toutes les chances qui lui étaient promises avant la haute montagne. Le maillot rouge de ce Giro avait réduit ses opposants à des simples sparring-partners à travers sa facilité et son explosivité, que plus personne n’osait contester sa domination, même si on n’aurait demandé qu’à voir le Vosgien s’expliquer dans la dernière ligne droite avec le roi du sprint mondial à l’occasion du dernier Tour de France.

Après une longue et interminable traversée des Alpes et des Dolomites, les hommes véloces devaient donc se remettre une dernière et pénible fois à la planche ce matin pour décrocher le dernier bouquet possible des rares sprints prévus dans un Tour d’Italie une nouvelle fois très sélectif, puisque le vingtième au général, André Cardoso, termine à 50 minutes du vainqueur Quintana… Sans doute harassé, et précautionneux après les images de chutes successives lors d’une première semaine humide, Nacer Bouhanni n’a pas trouvé le jump nécessaire pour se frayer un chemin, et Luka Mezgec a saisi la perche pour coiffer un malheureux Nizzolo, auteur d’une flopée de deuxièmes places tout au long du mois de mai. Révélé sur le Tour de Romandie l’an passé, c’est une autre première pour ce coureur Slovène âgé de 25 ans, ayant pour habitude de s’exprimer après des journées difficiles ponctuées de côtes, faisant de lui un redoutable chasseur d’étapes sur les courses par étapes World Tour, telles le Tour de Pékin, théâtre de sa première victoire professionnelle en 2013. Alors, certes, il est encore loin de s’affirmer en spécialiste des arrivées toutes plates et de disputer les plus belles victoires aux Cavendish, Greipel et Kittel, mais continue à se faire tout doucement un nom dans le gratin mondial, et les rêves de remporter un classement par points à l’avenir ne sont pas non plus irréalistes, surtout avec la nouvelle réforme du Tour d’Italie, empêchant les grimpeurs à truster la tunique rouge.

Une journée festive et estivale

Pour autant, si les rescapés du Giro nous ont offert une dernière bagarre pour la victoire d’étape, il y avait bien un petit goût de vacances pour certains. Pas épargnés par les conditions météorologiques pluvieuses, voire enneigées au sommet des plus hauts cols de l’édition 2014, les coureurs avaient bien de quoi profiter d’une journée clémente le long de la Mer Adriatique, accompagnée d’un soleil radieux en ce premier jour du mois de juin. Partis d’une Irlande ayant laissé des souvenirs mitigés au peloton, finir le Giro était une délivrance, en particulier pour les deux survivants de l’équipe Orica – GreenEdge, dont le premier maillot rose du Giro, Svein Tuft, accompagné de Michael Hepburn. Seules deux équipes ont su terminer au complet, la Trek et la Movistar d’un impérial Quintana, acclamé le long de la route par des spectateurs en liesse, transmettant leur bonne humeur jusqu’au podium final, largement acquis à la cause des escarabajos sud-américains. Une journée de joie donc, oubliant tout les tracas ayant déchaîné les passions aussi bien chez les tifosi, les directeurs sportifs, mais surtout les principaux concernés. Entre la révolte des briscards protestant contre la patinoire géante de la quatrième étape, cette descente du Stelvio qui restera dans les mémoires, la fronde menée le lendemain par Oleg Tinkov et Patrick Lefévère, ou bien les images surréalistes de la foule incontrôlable dans le Monte Zoncolan, tout est bien qui finit bien avec de la joie lisible sur pratiquement tout les visages.

Franchir la ligne d’arrivée à Trieste n’est pas qu’un simple devoir, mais un accomplissement personnel pour une majorité d’équipiers. Cette dernière journée marque aussi la fin de la première partie de saison pour bon nombre de personnes, se tournant désormais vers une longue période de repos, des stages avec le reste de leur formation respective ou bien enchaînant sans répit vers de nouveaux objectifs, comme un Tour de France approchant à grand pas. Le Dauphiné débute dès dimanche prochain, puis ce sera le Tour de Suisse, et enfin les Championnats Nationaux, qui devraient permettre à certains de garder la motivation et de se fixer un dernier cap avant de revenir en pleine forme pour la fin de l’été et l’automne. Vivement l’année prochaine !

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