Il aura suffi d’un printemps pour que Tony Martin remette sa carrière en question. Fasciné par les flandriennes, il a voulu s’offrir l’opportunité d’y participer avec un statut de leader. A 31 ans, il n’a plus de temps à perdre, mais de nouvelles ambitions.

Une bonne idée, par Jean-Baptiste Caillet

C’est probablement un hasard si la Katusha passe sous pavillon suisse un mois après la signature du roi du chrono. En tout cas, l’ancienne équipe russe a réalisé un énorme cou(cou)p. Le champion du monde du contre-la-montre avait besoin de changer d’air après un exercice 2016 où il a frôlé la catastrophe. Il y avait trop de jeunes talents à faire briller chez Etixx-Quick Step et pas assez de place pour le rouleur allemand. Seules quelques perfs sur son exercice favori ont permis de sauver les meubles en fin de saison. Des mots de l’intéressé, 2016 a été l’année la plus compliquée sur le plan sportif, notamment à cause de son échec à Rio (12e). Maintenant, Tony Martin va se libérer et pour cela, il faut bousculer ses habitudes. En 2017, l’Allemand de 31 ans veut montrer qu’il n’est pas sur le déclin.

Avec Katusha-Alpecin, place à de nouveaux objectifs. Chose impensable dans l’équipe de Patrick Lefevere, Tony Martin se présentera sur les flandriennes comme co-leader avec Alexander Kristoff. Un sacré pari pour un coureur qui a participé au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix pour la première fois en 2016. La cohabitation avec le Norvégien occasionnera peut-être quelques remous, mais comparé à la d’où il vient, la concurrence semble ici dérisoire. Dans cette atmosphère plus sereine, Tony Martin pourra montrer au peloton qu’il peut aussi être un coureur de classiques, que son coup d’éclat sur le Tour 2015 à Cambrai n’était pas qu’une histoire sans lendemain. Un Tour de France justement où sa nouvelle équipe lui laissera une belle marge de manœuvre car personne ne jouera le général. Evidemment, il rêvera de prendre le jaune dès le prologue de Düssledorf, mais il pourra aussi prouver qu’il peut prétendre à plus encore.

Une mauvaise idée, par Robin Watt

Le garçon avait-il besoin de reconnaissance ? Au sein de l’armada Etixx, il était un leader parmi d’autres, un peu dans l’ombre de Boonen, Kittel, Gaviria ou Alaphilippe. Chez Katusha au contraire, il arrive en grandes pompes et avec les projecteurs bien braqués sur lui. Sera-t-il seulement capable d’assumer ? Quand dans sa jeunesse, on l’attendait sur les courses par étapes, il n’a jamais été plus haut que sa victoire finale sur Paris-Nice. Et cette saison, alors qu’il avait pointé le chrono olympique, il a terminé hors du top 10. A croire que Tony Martin est un métronome qui se dérègle rapidement. Son transfert est censé lui ouvrir le champ des possibles, il va surtout l’empêcher de se cacher derrière un leader plus imposant. Il faudra assumer, et pas simplement ajouter des succès surprises à une domination presque normale dans les chronos.

Parce que c’est bien ce qu’espère Martin : agrandir son éventail de possibilités. Avec en tête de liste les classiques flandriennes. Il y a goûté avec Patrick Lefevere, et il a aimé. Mais après une seule campagne, en 2016, il aurait dû continuer son apprentissage. Aux côtés de Boonen ou Terpstra, il aurait côtoyé des habitués des succès. Et aurait pu avoir droit à son heure de gloire sans qu’on s’y attende, à l’image du Néerlandais qui avait su s’imposer sur Paris-Roubaix en 2014. Il aura donc plus de libertés en accompagnant Alexander Kristoff à partir du printemps prochain. Mais il sera aussi plus surveillé. Lorsqu’on jettera un œil sur les Katusha, on se méfiera autant de lui que de son coéquipier norvégien. Fini l’ombre dans laquelle il pouvait par moments évoluer chez Quick-Step, place à la lumière. En espérant pour lui qu’elle ne l’éblouisse pas.

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