L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc vous présenter ces protagonistes via des portraits décalés. Le but : vous faire redécouvrir ces champions dont on parle déjà tout au long de l’année. Pour débuter, le premier épisode de notre série s’attarde sur Rafal Majka, dixième de notre classement.

A quoi ressemble le vrai Rafal Majka ? Difficile à dire. Le bonhomme ne se laisse pas appréhender facilement. Le cerner est une véritable épreuve. Homme de l’Est et du froid, il est par moments ce taiseux qui parle peu et agit. Mais il est aussi capable de se montrer sous un autre visage, bougon, presque capricieux. Sa véritable personnalité, pourtant, se trouve sûrement quelque part entre ces deux masques qu’il arbore au gré des jours.

Une ascension en zigzag

Il peut y avoir des signes dès la naissance. Rafal Majka est venu au monde dans un village de la plaine poméranienne le 12 septembre 1989, jour de l’avènement du premier ministre non-communiste en ex-République Populaire de Pologne. Une rupture dans la vie du pays. Mais Majka, lui, est bel et bien dans la lignée de ses prédécesseurs, ces champions venus de l’Est, indéchiffrables. C’est à peine si son sourire et sa bonhomie, souvent passagers, apportent un contre-poids. Pourtant, Majka n’a pas pour habitude de faire comme les autres. Si son frère est plutôt adepte du football, lui se spécialise dans le cyclisme en pleine adolescence, et gagne petit à petit son ticket pour les plus grandes courses amateur du circuit européen. Mais il tarde à confirmer les espoirs chez les pros. A 21 ans, tout semble capoter et le retour chez les amateurs est proche. Avant une dernière chance inespérée, une invitation à un camp d’entraînement de l’équipe Saxo Bank.

Sur place, c’est la stupéfaction. Son frêle gabarit accompagne Alberto Contador dans les cols majorquins, à tel point qu’il se permet d’augmenter le tempo et de faire grimacer le Pistolero, qui fait brutalement connaissance avec son futur lieutenant. “Je ne l’avais pas lâché mais j’étais resté avec lui, avait rectifié le Polonais. J’étais jeune et je voulais me tester, voir jusqu’où je pouvais le suivre.” Intégré dans le grand pôle Saxo-Tinkoff, Majka se fait un peu plus un nom sur la Vuelta 2013, accrochant les tous meilleurs sur les pentes à plus de 20 % après avoir roulé toute la journée au service de Contador et essuyé les terribles à-coups de Joaquim Rodriguez. Le garçon parle alors peu dans la presse, une habitude qu’il a gardé depuis. Il préfère montrer hsur la route qu’il faudra vite compter avec lui.

Tinkov, Twitter et projecteurs

Sur ce point-là, il est un pur homme de l’Est. Parler de lui ne l’intéresse guère, il se fait rare en interview en dehors des courses. Mais quand il offre sa parole, c’est pour annoncer la couleur. Cette saison, il veut rentrer dans les cinq premiers du Tour de France et il n’hésite pas à le dire. Quand quelque chose ne lui plait pas, il ne tarde pas non plus à le faire savoir. Sur le Tour 2014, par exemple, il est appelé à la dernière minute pour remplacer Roman Kreuziger, embarrassé par son passeport biologique. Mais il n’apprécie pas tellement d’être seulement le remplaçant de service. Alors il joue au ronchon pendant dix jours, en se laissant distancer volontairement sur les étapes de plaine, avant de foudroyer un à un ses différents compagnons d’échappées sur les étapes de Risoul et du Pla d’Adet, pour conquérir le maillot à pois.

Son clin d’œil sur les podiums laisse alors apparaître, pour la première fois, un autre visage de Majka. Encore loin d’être un showman, mais enfin un peu plus chaleureux. Un homme qui sait ce qu’il veut, et tant pis pour les coutumes du vélo. Son leader Alberto Contador chute dans le col d’Allos, sur le Tour 2015 ? Le Polonais ne l’attend pas et use à l’arrivée d’une incroyable mauvaise foi pour se justifier. Ambiance, ambiance… Au même moment, Oleg Tinkov, patron de l’équipe, vante les mérites de son poulain. Sur Twitter, l’oligarque russe lui promet même une Aston Martin s’il ramène à Paris une deuxième fois de suite le maillot de meilleur grimpeur. Quand Contador connaît un traitement indigne de son statut, Majka fait donc figure de petit chouchou auprès du milliardaire.

Mais depuis cet épisode, Oleg Tinkov a quitté le vélo et Rafal Majka a retrouvé sa grande discrétion. En 2017, comme souvent, il s’est préparé sur des courses plus exotiques que les autres protagonistes de la Grande Boucle. Les Tours de Californie et de Slovénie sont finalement ce qui lui correspond le mieux. Loin de ces projecteurs, braqués sur le Dauphiné et le Tour de Suisse, qu’il semble fuir. Sûrement a-t-il l’impression de les voir bien assez sur les grands tours, et particulièrement en juillet. Mais pour franchir un cap sur le Tour et viser plus haut que ce qu’il a connu jusque-là, il devra arborer un nouveau masque. Encore. Et tout lâcher. Y compris son sérieux devenu presque encombrant.

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