On avait connu l’Estonien auteurs coups d’éclats, mais on commençait à être rondement habitué à sa fâcheuse irrégularité. Capable de suivre le rythme effréné de la Sky en haut de la Planche des Belles Filles, de remporter une étape de la Vuelta, et de traverser d’inexplicables saisons blanches, Rein Taaramäe avait peut-être besoin de changer d’air pour retrouver un semblant de dynamique. Meilleur coureur de l’équipe Astana en ce début de saison, est-ce pour autant le début d’une seconde carrière ?

Y a t-il eu électrochoc ?

En quittant Cofidis après sept années complètes passées au sein de la structure nordiste, le natif de Tartu a décidé de tourner une page importante. Élevé au rang de taulier en devenir dès ses premières saisons, Taaramäe aura presque tout connu dans son ancienne formation, de la gloire – certes relative – à l’anonymat. Troisième du Tour de Romandie et vainqueur du Tour de l’Ain en 2009, le Balte possède un profil de coureur par étapes qui manque grandement au sein d’une équipe en fin de cycle après le départ de Sylvain Chavanel. Nous sommes en plein cœur de cette période dite de ventre mou du cyclisme français symbolisé par des équipes tricolores qui misent sur leurs baroudeurs, sans ambitions supérieures. Quand on crie à l’exploit dès que Christophe Le Mével se bat pour la dixième place du Tour et qu’on axe une saison entière sur le maillot à pois de la Vuelta chez David Moncoutié, la présence du phénomène Taaramäe dans une structure de seconde division a de quoi intéresser. Mais rien ne se passera comme prévu. Ses blessures, ses échecs et une mononucléose contractée en mars 2012 l’éloigneront de manière prolongée de son meilleur niveau, entrevu en 2011. Entre-temps, Cofidis s’est consacrée aux sprints et aux classiques : il n’y a plus de place pour le grimpeur de 27 ans, qui trouve un point de chute chez Astana à l’hiver dernier.

Première spécificité sur les clauses de ce nouvel envol, la durée du contrat, d’un an. Assez surprenant dans la jungle du mercato, la tendance étant généralement de proposer un bail de deux années minimum afin de laisser libre court à la recrue dans son nouvel environnement. Autant dire qu’Alexandre Vinokourov n’a sûrement pas souhaité engager le quatrième du Paris-Nice 2011 avec le salaire affilié sans contreparties. L’obligation du résultat dans l’une des plus grosses écuries du World Tour aurait-elle porté ses fruits ? Taaramäe s’est immédiatement mis à la tâche, en remportant sa course de rentrée avec brio. Parti dans l’avant-dernière difficulté du Tour de Murcie, c’est un raid solitaire de 35 kilomètres qui a été mené à bon port, non sans résister au retour de Bauke Mollema et Zdenek Stybar. Le Tchèque s’est même empressé de féliciter le vainqueur du jour, aux micros de Cyclingquotes. « Une fois au sommet, Rein Taaramäe a attaqué. Il devait être très costaud car il y avait un fort vent de face et il a réussi à avoir une avance de plus de deux minutes. Alors, quand nous avons commencé la montée finale, nous savions que c’était pour la 2ème place. » Dans le Collado Bernejo, une ascension longue de 15 kilomètres, Taaramäe a lâché les chevaux, et engrangé une confiance de nouveau à son comble.

Alors, qu’est-ce qui a changé ?

Même Beñat Intxausti n’en démord pas. « Il a accélèré au meilleur moment, lorsque nous étions tous à la limite. Il est sorti avec beaucoup de puissance et sur la plaine il a réussi à maintenir l’écart. Derrière on a fait de notre mieux mais on n’a pas pu revenir. » Le gaillard serait-il devenu une redoutable machine, bien plus efficace que par le passé ? Deuxième de l’étape de Monchique lors du Tour d’Algarve, il semble avoir bien récupéré de ses efforts, et en pleine réussite en ce début de saison 2015. C’est justement ce qu’il concède au site Be Celt : « J’ai été très surpris aussi car lorsque je me suis retrouvé seul en tête à 55 km de l’arrivée, je ne pensais pas tenir jusqu’au bout. Je pense que ma nouvelle méthode d’entraînement est payante. Cet hiver, j’ai fait un gros travail de fond et cela m’a fait progresser car je ne m’étais pas préparé pour cette course en particulier. » Une refonte au niveau des bases, après de nombreuses années ou le mulet s’est peut-être entêté sur fond d’excuses dues à des pépins certes handicapants ? Il est en tout cas évident qu’il fallait faire forte impression cet hiver dans la maison Astana, ne serait-ce que pour prétendre à mieux au fur et à mesure que se profileront les échéances importantes.

Inclus dans la garde rapprochée d’un Vincenzo Nibali qui souhaite défendre sa couronne sur le prochain Tour de France, l’ancien protégé d’Yvon Sanquer convoite une place en tant qu’électron libre pour le Tour d’Italie, avant de doubler avec la Grande Boucle, où il se concentrera sur son travail d’équipier. Une occasion rêvée de renouer avec les grands tours, transformés en calvaire lors des dernières participations de l’Estonien, et qu’il se doit de saisir, sous peine de la voir définitivement envolée. Les places pour de tels rendez-vous coûtent très cher, surtout au sein de l’équipe kazakhe, soucieuse de répartir les rôles de manière très claire. Si Fabio Aru repartira à la conquête de son Tour national, Taaramäe lui, pourrait se muer en une doublure intéressante, pourtant encore improbable il y a quelques semaines. C’est dans ce rôle de potentiel leader de rechange que repose son pari du changement de destination, et la prochaine étape se nomme Paris-Nice. Afin de confirmer son retour en force ? Avec Rein, rien n’est certain. Mais tous les espoirs sont permis.

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