Alors que la Tropicale Amissa Bongo vient de se clore, elle a vu le jeune Berhane monter sur la plus haute marche du podium. Cela marque certes l’essor du cyclisme africain, mais également la constance des très jeunes coureurs, après quelques faits d’arme lors de leur première saison. Mais alors, cette saison de néo-professionnalisme est-elle encore totalement une année de rodage, où les jeunes se mettent à la planche pour les plus anciens ? Assistera-t-on de nouveau à l’avènement d’un Démare ou Barguil cette année ? Penchons-nous donc sur ce monde professionnel que tous ces jeunes vont découvrir en 2014.

Une affaire de règles

Si le néo-professionnel semble lâché dans la gueule du peloton, son contrat est au contraire des plus minutieusement réglé. En effet, bon nombre de détails ne laissent pas le choix aux équipes et protègent ainsi le coureur. Le règlement du l’UCI précise que « le statut de néo-professionnel est octroyé à tout coureur engagé pour la première fois par un UCI ProTeam ou une équipe continentale professionnelle au plus tard au cours de sa vingt-deuxième année. » Des précisions qui vont encore plus loin : « Le statut de néo-professionnel prend fin :

a)      si le contrat est entré en vigueur avant le 1er juillet: au 31 décembre de l’année d’enregistrement suivante ;

b)      si le contrat est entré en vigueur après le 30 juin: au 31 décembre de la deuxième année d’enregistrement suivante.

Pendant la durée mentionnée ci-dessus, le coureur garde son statut de néo-professionnel et ce, même :

a)      si le coureur atteint l’âge de 26 ans au cours de cette période ;

b)      si le contrat prend fin avant son terme et le coureur change d’équipe. »

Mais le cyclisme n’est pas le seul sport où ce statut est clairement défini. Dans le hockey, plus particulièrement en NHL, les rookies sont également encadrés (salaire minimal notamment). Ce concept et statut de rookie fait partie intégrante du sport nord-américain et seul le cyclisme lui emprunte ce terme, le francisant en « néo-professionnel ». Cependant, le cyclisme s’arrête à peu de choses près à cet emprunt langagier. Si en NHL on assiste à une draft en début de chaque saison, à la remise d’un trophée pour le meilleur rookie, à une ferveur particulière autour de ces jeunes joueurs, dans le cyclisme l’intérêt est plus discret. Bien sûr que le public porte un regard tout particulier sur ces néo-pros, mais ils n’ont pas forcément une place au cœur du système sportif, comme en Amérique du nord. La preuve est que dans ces régions où les sports US ont pris une importance considérable, le terme « rookie » est sorti du domaine sportif pour rentrer dans le langage courant, finissant par désigner une personne qui débute dans un domaine.

Jeunes mais pas insouciants

Si le terme « rookie » a une histoire, les néo-pros semblent s’en construire une ! Alors qu’auparavant cette première saison était celle d’une transition (Contador et Cancellara n’ont par exemple pas eu des résultats phénoménaux lors de leur passage chez les pros), un coureur comme Sagan a fait tomber les dictats ! Il enchaîne les bonnes performances (vainqueur d’étapes sur Paris-Nice, le Tour de Romandie et de Californie), à tel point qu’il devient le véritable centre d’intérêt du monde cycliste. Grâce à ce genre de garçons, on est de plus en plus attentifs aux performances de ces néo-pros. Eux, en contrepartie, se sentent libres et peuvent courir sereinement. Car pour continuer avec l’exemple Sagan, il ne faut pas oublier que tout n’a pas été simple pour lui. D’abord rejeté par Quick-Step, il paya sûrement le faible intérêt de la structure pour les stagiaires. Encore une décision d’une grande lucidité de la part de la formation belge…

Depuis, les jeunes commencent réellement à prendre le pouvoir, et cela se traduit par les nombreuses victoires des Démare, Bouhanni, Barguil, Berhane, Coquard, Dennis ou Hofland. Sans oublier bon nombre d’autres coureurs qui ont épinglé de très bons résultats ! S’il y a quelques années on aurait eu tendance à laisser moins de libertés à ces jeunes, ils ont réussi à imposer leur statut et à s’affirmer, à tel point que leur équipe leur confie désormais les clés du camion sur certaines étapes ! De fait, même en dépit de leur jeune âge, ils ont rarement déçu… Mais le facteur Sagan n’est pas la seule explication à cette progression – voire explosion : les structures de plus en plus professionnelles, même au niveau amateur, des formations faites pour les jeunes, une hygiène de vie réglée dès le plus jeune âge, les aident également à se développer. Mais attardons-nous sur les structures justement. Des équipes comme Vendée U, Etixx ou encore Hincapie ont mis l’accent sur la progression des jeunes. Elles les préparent au monde professionnel en les insérant dans un peloton continental, où la majorité voire la totalité du contingent est jeune. Le saut se fait donc ensemble, et c’est important. Ils ne sont pas lancés à la guerre mais plutôt guidés. Et bien sûr l’équipe phare a toujours un œil sur eux, ce qui leur fournit une certaine source de lumière potentielle. Et un avenir pour les plus brillants d’entre eux.

Evidemment, les équipes y gagnent aussi : elles fidélisent un peu ces coureurs et savent qu’ils ont moins de chance d’aller voir ailleurs en cas de bonnes performances… Une technique très professionnelle, en adéquation avec l’évolution du monde amateur. En effet, même dans ces catégories, le système de formation est de plus en plus régulé, presque professionnel, rien qu’avec les sélections régionales, départementales et nationales. On inculque chez ces jeunes une culture de la compétition, on instaure une hiérarchie selon les talents, pour s’occuper au mieux des coureurs à fort potentiel. Au risque de passer à côté de formidables coureurs, pas encore mûrs à quinze ans mais qui vers la vingtaine explosent. Voire même encore plus tard, Horner en est un exemple criant. Quant à cette culture de la gagne, elle est totalement imprégnée chez les cadets : ils font pour ainsi dire le métier, leur vie tourne autour du cyclisme – ils mangent en conséquence, la récupération n’est pas mise de côté, l’entraînement est finement réfléchi. Rien n’est pour ainsi dire laissé au hasard. Ce qui n’est pas sans « dégâts », car certains jeunes ne sont pas prêts à tant de sacrifices si tôt dans leur vie. Tous ne sont pas matures au même âge. Malgré tout, le positif l’emporte : les futurs champions ne sont plus livrés à eux-mêmes mais parfaitement encadrés, et ce jusqu’au plus haut niveau !

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