Les Alpes, enfin. Ce massif qui a écrit tant de l’histoire du Tour devrait à nouveau dicter le récit de l’édition 2017. Cette année, le Galibier et l’Izoard seront à gravir pour espérer remporter le Tour. Depuis la bordure d’hier, la course au jaune s’est définitivement bornée à quatre coureurs. Chris Froome, Fabio Aru, Romain Bardet et Rigoberto Uran.

Après le vent, la tempête

Hier matin dans le paddock, tout le monde en parlait. Le vent, dernier piège avant que les jambes ne parlent dans les Alpes. Hier soir, cumulé au travail exceptionnel des Sunweb, le mistral a fait de vraies différences au général, avant même la montagne. Il n’y avait pas encore eu de coup de bordure sur ce Tour 2017 mais les bourrasques de vent qui ont traversé la Drôme avaient changé de dimension à trente-cinq kilomètres de l’arrivée, lorsque l’équipe Trek d’Alberto Contador a esquissé un premier coup de Trafalgar. Tentative vite avortée qui s’est retournée contre son penseur quelques kilomètres plus loin, lorsque le Team Sky a enclenché la machine à broyer le mistral. « Tout le monde avait dit que les vingt derniers kilomètres étaient avec vent de côté. Il fallait rouler, essayer de faire une cassure et éviter d’en subir une », expliquait Chris Froome à l’arrivée hier. Alberto Contador et Louis Meintjes définitivement écartés de la lutte, Dan Martin repoussé raisonnablement, ne reste plus qu’un quatuor pour la victoire. Quatre hommes qui ont évité les surprises d’Éole et les péripéties de deux longues semaines de course pour se tenir en une minute trente. Moins de cinq cents mètres sur l’Izoard. Une broutille au regard du menu que vont avaler les coureurs.

Aujourd’hui, le Tour prend de la hauteur. Vers le Galibier, sommet du Tour avec ses 2600 mètres d’altitude, soit pratiquement mille mètres de plus que le terrible Port de Balès, jusque-là point culminant de l’édition 2017. Une montagne. Plusieurs paliers d’écarts qui pourraient faire d’énormes dégâts. D’autant que l’Izoard dépasse également le cap des 2000 mètres. Trop souvent sous-estimée, l’altitude sera le facteur le plus important. « Sur le papier, je pense que les deux journées consécutives sont les plus décisives du Tour », prévient Froome. Sur le papier. Car les offensives ne devraient pas être légion. Les positions acquises sont bien trop fragiles pour voir de grandes envolées. Tous les prétendants se regardent en chien de faïence. « Ça dépendra des autres, nous explique Dmitriy Fofonov, le directeur sportif de Fabio Aru chez Astana, on a toujours des plans mais ils dépendent des faits de courses. C’est encore très ouvert. » Les différences se feront donc davantage sur des défaillances que sur des grandes offensives. Surtout que le temps, certainement orageux, pourrait accentuer ces possibles passages à vide.

Tous contre Froome ?

Si chez Astana, la prudence est de mise, chez AG2R on envisage de passer à l’attaque. Pour faire tomber un homme. « Il y a deux étapes de haute montagne, le meilleur endroit pour envisager de déstabiliser Froome, encourage Vincent Lavenu. Si on en reste là, avec les écarts actuels, Froome a gagné le Tour. Pour l’emporter, il faut passer à l’action dans les Alpes. » Passer à l’attaque pose un problème de poids, le fait désormais habituel dans le cyclisme, que les coureurs courent avant tout pour défendre leurs positions. Or, le manager de l’équipe savoyarde espère que l’appât du jaune mobilisera les adversaires de Froome pour le faire tomber. « Ce qui est sûr c’est que pour envisager de battre Froome, il faut soit être très fort pour lâcher tout le monde, ce qui n’est pas évident, soit que Froome ait une faiblesse et qu’ensuite, il y ait une alliance de circonstance. Elles se feront sur le terrain, selon la forme de chacun. » L’inaction, le plus gros danger. Rigoberto Uran, probablement le mieux placé pour terminer deuxième de la Grande Boucle grâce à ses qualités de rouleur, est le nœud du problème.

Le Colombien aura peut-être intérêt à rouler avec Froome contre Bardet et Aru. Mais le Sud-américain, déjà deux fois deuxième du Giro, n’aura sûrement jamais une si belle occasion de gagner le Tour. De quoi ouvrir un appétit plus offensif qu’à l’accoutumée. « La tactique dans l’Izoard sera la même que d’habitude. Suivre avec les yeux bien ouverts et voir où on peut attaquer pour faire le plus de dégâts. » Chris Froome a d’ailleurs bien cerné le danger : « Il est difficile de sortir un nom, mais si au départ du chrono il y a les mêmes écarts, Uran sera le plus dangereux. » Chez Sky, la stratégie sera simple. Attendre et voir. « Le danger, c’est de se mettre à fond sur la première journée et de ne pas pouvoir assumer le lendemain vers l’Izoard. Pour l’instant Chris est en jaune, dans une bonne position, ce n’est pas à lui de faire la course, on peut courir avec plus de précautions », prévient Nicolas Portal à notre micro. Avec Mikel Landa toujours en embuscade, bien que confirmé dans son rôle d’équipier de luxe, l’équipe britannique semble indéboulonnable. Pour faire dérailler le train Sky, il faudra de l’audace.

Izoard en juge de paix

Malheureusement, la lutte semble être promise aux derniers kilomètres de l’Izoard. Dmitriy Fofonov se projette : « L’Izoard, ça arrive au sommet. Tout le monde vous dira que c’est là que ça va le plus se bagarrer. Il faudra être fort. » Froome en était conscient hier en conférence de presse : « J’attends des attaques demain (aujourd’hui) mais surtout sur l’Izoard. » Le Britannique a d’ailleurs déjà coché l’étape, selon Nicolas Portal. « On va gérer sur la première journée et pourquoi pas essayer de remporter la victoire d’étape sur l’Izoard. » Même si le principal objectif demeure le jaune pour Chris Froome : « Je suis ici pour gagner le Tour. Une étape c’est beau, mais le plus important c’est le général. » Nicolas Portal reprend : « L’étape n’est pas une obligation. »

Si l’Izoard apparaît donc comme le juge de paix de ce cent-quatrième Tour de France, l’étape de cette après-midi reste dangereuse. Le Tour ne se gagnera probablement pas aujourd’hui mais il peut se perdre. Le final en descente convient aux AG2R, sauf qu’entre la météo difficile et l’attitude, descendre à pleine balle vers Serre-Chevalier ne sera pas chose aisée. Mais les stratégies ne résistent pratiquement jamais à l’épreuve des faits et les spéculations d’avant course vont désormais laisser place à la course, à la bagarre pour la tunique jaune. Le Tour n’a jamais été aussi serré, mais le suspense est bientôt terminé. Demain, en haut du Galibier, les derniers masques tomberont. Jeudi, sur la ligne de l’Izoard, le maquillage coulera. Alors, nous saurons.

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