En neuf participations au Tour de France, Mark Cavendish n’avait encore jamais porté le maillot jaune. Une éternité pour un coureur de son calibre, avec un tel palmarès sur l’épreuve. Cette 27e victoire d’étape sur le Tour, qu’il a décroché hier à Utah Beach, a donc un goût particulier, entre revanche et empreinte historique.

La fin d’une grande frustration

Avec ses deux enfants et sa femme, la scène était pleine d’émotion. Pour son premier paletot de leader sur la Grande Boucle, le Britannique avait pris soin d’amener sa petite famille. C’est alors comme si les micros et les caméras n’existaient pas qu’il a discuté avec sa fille, lui expliquant que les fleurs étaient pour elle, et qu’elle ne devait pas pleurer de tout ce qui se passait autour de son papa, car sinon c’est lui qui allait finir par lâcher quelques larmes. Quelques minutes rafraîchissantes, qui resteront pour toujours accolées à ce premier maillot jaune du Cav‘. Il n’avait en effet jamais eu cet honneur, malgré son incroyable domination dans les sprints depuis 2008. Il faut dire qu’il n’avait eu que deux réelles opportunités de s’emparer de la tunique, en 2013 et en 2014. A chaque fois, il avait chuté et laissé Kittel remporter le sprint. La deuxième fois, c’était même à Harrogate, chez lui. En pleurs sur le bitume, il avait quitté le Tour dès le lendemain à cause d’une blessure à l’épaule. Une frustration qui avait été grande pour le Manx Missile, connu pour son dégoût de la défaite et de l’échec.

Sa victoire à Utah Beach n’est donc pas une étape comme les autres pour Cavendish. C’est une double revanche, sur Kittel et Quick-Step. Arrivée telle une rockstar dans l’équipe de Patrick Lefevere en 2013, il n’a jamais su s’y imposer et s’y sentir à l’aise, puis il a finalement quitté le navire l’hiver dernier pour laisser Marcel Kittel prendre sa place. Ironie de l’histoire, c’est ce même allemand qui avait privé l’Anglais de la tunique jaune lors des éditions 2013 et 2014. Après ces éditions dominées par Kittel, beaucoup en faisaient même – logiquement – le roi du sprint, statut autrefois octroyé à Mark Cavendish. Incontestablement, le passif entre les deux hommes, aussi indirect que direct, rend la victoire du Cav’ encore plus belle. Surtout que dans sa roue, c’est bien le sprinteur de l’équipe Etixx qui a fini par lâcher prise à 50 mètres de la ligne, comprenant qu’il ne reviendrait pas.

Sur les talons du Blaireau

Mais la portée historique de ce succès se mesure aussi ailleurs. Avec une 27e étape du Tour au compteur, Cavendish se rapproche toujours plus du record. Encore sur la dernière marche du podium, il n’est plus qu’à une unité de Bernard Hinault. Le Français avait décroché 28 bouquets en 8 participations à la Grande Boucle. Devant le Breton, il reste encore Eddy Merckx, qui semble intouchable. Avec 34 succès – en 7 participations -, le Cannibale a toujours une longueur d’avance et vu l’âge avancé du Britannique (31 ans), on peut imaginer que le record restera. Pourtant, après le début de carrière fulgurant du Man of the Man, les 34 victoires semblaient à sa portée. Mais son léger déclin depuis son titre de champion du monde et l’arrêt de la structure HTC l’aura empêché de pouvoir titiller un peu plus le record du grand Eddy.

Malgré ça, Mark Cavendish accentue une nouvelle fois sa place dans l’histoire du Tour. Un maillot vert, 27 victoires, quatre années d’invincibilité sur les Champs-Elysées : il est le plus grand sprinteur que l’épreuve juillettiste ait connu. Même s’il sera sans doute incapable de disputer le maillot vert à Sagan cette année, et même s’il venait à ne pas égaler Bernard Hinault lors de cette édition. L’Anglais a réduit son rythme de croisière, les cinq victoires annuelles de moyenne entre 2008 et 2011 sont loin. Mais pour décrocher la dernière, celle qui lui permettrait d’égaler une autre légende, il a presque tout son temps.

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