Ce maillot rose, Nibali le porte déjà depuis une semaine, et devrait le garder encore une de plus - Photo Giro d'Italia
Ce maillot rose, Nibali le porte déjà depuis une semaine, et devrait le garder encore une de plus – Photo Giro d’Italia

Cette 14e étape aura été vraiment particulière. Un parcours modifié, avec l’éviction de la montée vers Sestrières. Puis pas d’images de la course jusqu’aux 450 derniers mètres de l’ascension de Jafferau. Une dernière montée infernale que le monde du cyclisme a vécu avec les commentaires de différentes chaînes télés. Pour au final voir surgir du brouillard un Vincenzo Nibali tranquillement calé dans la roue de Mauro Santrambrogio, à qui il laissera la victoire d’étape. Maillot rose plus que jamais accroché aux épaules, le Sicilien semble s’être tracé la voie royale jusqu’à Brescia.

Maître en son pays

Il partait grand favori, et ne déçoit pas. Alors qu’il reste huit jours avant le dénouement de ce Tour d’Italie, Vincenzo Nibali occupe la position parfaite. Celle du patron qui a encore marqué son territoire. Celle de l’homme qui fait peur, du maillot rose qui lance les hostilités lui-même, tout simplement celle du futur vainqueur de l’épreuve. En effet, comment imaginer le transalpin autre part que sur la plus haute marche du podium à Brescia, dans un peu plus d’une semaine ? Après s’en être admirablement bien sorti dans le chrono de Saltara, le leader de la formation Astana a mis les points sur les i lorsque la route s’est élevée. Ici, le meilleur grimpeur, c’est lui, et puisqu’il n’y a plus que ça jusqu’à l’arrivée, il faudra une grosse défaillance du Squale pour que Cadel Evans, son dauphin, puisse refaire son retard, qui s’élève désormais à près de 1’30’’.

Ce samedi 18 mai devrait demeurer comme un jour très important de ce 96e Tour d’Italie. Car c’est bien aujourd’hui que Nibali a éliminé ses derniers concurrents. Après que Ryder Hesjedal et Bradley Wiggins se soient mis hors-jeu tout seuls, le Requin de Messine a sûrement porté l’estocade de la victoire, celle qui va lui permettre de gérer – s’il en a envie – jusqu’à dimanche prochain. Près de 40 secondes de prises à Evans, un peu plus encore à Uran et Scarponi et surtout, Robert Gesink qui craque, lâchant plus de quatre minutes. A l’arrivée, il n’y a donc qu’un coureur qui a réussi à suivre le maillot rose, il s’agit de Mauro Santambrogio. Un scénario qui nous rappelle celui du Giro 2011. Alberto Contador, dominateur à l’instar de Nibali aujourd’hui, était arrivé en haut du Grossglockner en compagnie de José Rujano. Funambule des montagnes, le Vénézuélien n’était cependant pas un danger au général, et l’Espagnol, pleinement confiant, lui avait laissé la victoire.

La défaillance, un doux rêve

Alors que certains crient au favoritisme pour Nibali lorsque le parcours est allégé, d’autres – en silence – doivent rêver d’une défaillance de l’actuel leader. En effet, il suffirait d’une fois. Un col, une fringale, plusieurs minutes de perdues et un Giro qui s’envole. Mais clairement, le scénario que l’on imagine tous est totalement inverse. Dans les esprits, c’est l’Italien qui va reprendre du temps à ses adversaires sur la dernière semaine de course. Parce que la défaillance, c’est pas trop son truc. Lui prône plutôt la régularité. Une victoire et trois podiums, c’est le bilan de l’ogre de ce Giro depuis fin 2010 sur les courses de trois semaines. Bon, il y a bien une septième place qui traîne sur la Vuelta 2011, mais il faut se souvenir que quelques mois auparavant, Nibali avait couru ce qui est aujourd’hui considéré comme l’un des Tours d’Italie les plus durs de l’histoire. C’est donc très clair, le transalpin n’est pas un homme qui flanche. Lui qui n’a jamais porté le maillot de leader sur un grand tour aussi longtemps qu’actuellement est donc parti pour gagner, presque facilement.

Une jolie revanche pour celui qui avait subi la dure loi des Sky sur le dernier Tour de France, et qui leur rend aujourd’hui la monnaie de leur pièce. Dave Brailsford a de quoi être vert. Lui qui est venu sur le Giro avec un Wiggins qui n’y avait jamais joué la victoire s’est complètement raté, et aujourd’hui, même Uran semble hors du coup, fortement handicapé par 1’20’’ perdue lorsqu’il avait fallu, en vain, ramener le Britannique parmi le groupe des leaders. Intraitable dans son pays natal, où tous les tifosi sont derrière lui, c’est de plus en plus acquis pour Nibali, qui restera cependant prudent jusqu’au bout, par modestie sans doute, mais aussi par peur de perdre dans les derniers instants ce mythe lui filer entre les doigts. Toutefois, pour les observateurs, c’est désormais bel et bien plié : Vincenzo Nibali a gagné le Giro. Affamé comme jamais, le Requin n’aura pas fait dans le détail. Il les a tous mangés.

Robin Watt


 

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