On se doutait que Tom Dumoulin prendrait le maillot rose à Montefalco. Mais on ne se doutait pas qu’il le ferait avec autant de marge. Quintana, son nouveau dauphin, est relégué à 2’23. Voilà les grimpeurs dans une nouvelle position : ils doivent faire craquer le rouleur néerlandais, qui lui tentera de suivre au maximum jusqu’à l’ultime chrono de Milan.

Bluffant puis tranchant

« J’y vais pour gagner », confiait Thibaut Pinot avant le contre-la-montre, ce matin dans L’Equipe. Le Français espérait même prendre le maillot de leader et frapper un grand coup sur le Giro. Or si c’est bel et bien un maillot bleu-blanc-rouge qui a brillé entre Foligno et Montefalco, ce n’est pas le sien mais celui de Tom Dumoulin, champion des Pays-Bas du chrono. Et dans des proportions impressionnantes. Sur les 40 kilomètres au programme, seuls trois hommes ont concédé moins de deux minutes au Néerlandais. Quintana, Pinot et Nibali, eux, sont relégués bien loin. Le nouveau leader n’a pas course gagnée, loin de là. Mais le voilà dans un fauteuil bien confortable à mi-course. « Si je peux prendre le maillot rose mardi, je le ferai », assurait le garçon hier, pendant la journée de repos. Il ne s’est pas fait prier. Après sa surprenante ascension du Blockhaus, dimanche, les autres favoris ont donc de quoi s’inquiéter.

« Terminer troisième au Blockhaus, sur l’une des arrivées les plus dures du Giro, c’était vraiment plaisant », lançait avec enthousiasme Tom Dumoulin lundi,. C’était surtout inattendu pour ses concurrents, qui n’imaginaient pas le retrouver à ce niveau-là. Sur la fin de la montée, Thibaut Pinot, à la poursuite de Nairo Quintana, a même vu le Batave revenir dans sa roue. « Il lisse très bien son effort, comme dans un contre-la-montre », reconnaissait-il à l’arrivée. Une tactique payante. Jamais il n’a paniqué. Jamais non plus il s’est précipité pour répondre à une attaque. Quand en début d’ascension, le trio Quintana-Pinot-Nibali s’est détaché, il n’a pas cherché à suivre, simplement à continuer sur son rythme. Au sommet, il avait repris et lâché l’Italien, et ne concédait que deux petites secondes au Français. Alors oui, il faudra s’employer pour lâcher Dumoulin en montagne. Les pourcentages et les longs cols ne lui font pas peur. Avancer seul quand la route se cabre non plus – il a perdu Wilco Kelderman sur chute juste avant l’ascension du Blockhaus.

Matelas fragile

Il lui manque donc un peu d’expérience. Il n’est jamais monté sur le podium d’un grand tour et la seule fois où il y a joué la victoire finale, il a complètement craqué la veille de l’arrivée – sur la Vuelta 2015, il portait le maillot rouge lors de la vingtième étape avant de terminer sixième. Mais celui qui a pour modèle Bradley Wiggins progresse chaque année un peu plus. Le Giro ne lui avait pas réussi l’an passé : il y revient plus déterminé encore, convaincu, grâce au nombre de kilomètres contre-la-montre, qu’il peut enfin l’emporter. Sans avoir les yeux fixés sur son capteur de puissance dans les montées – un point sur lequel il se distingue de « Wiggo », justement – parce que le garçon préfère grimper au feeling. Avec lucidité en revanche. Pour lui, le test du Blockhaus ne représentait rien par rapport à ce qui attend les coureurs en troisième semaine. Il s’est donc offert un beau matelas à Montefalco ; mais dans la double ascension du Stelvio, vers Val Gardena ou Piancavallo, il le sait, tout pourrait retomber à plat.

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