C’est l’une des surprises de ce Tour. George Bennett, 27 ans, une gueule d’ange, un physique fin de grimpeur moderne et… une troupe de supporters hors-normes. Inconnu du grand public, le Néo-Zélandais est aujourd’hui aux portes d’une place dans les dix premiers, ce qui serait une première pour un Kiwi.

Un kop à son nom

Jeudi dernier, il y avait foule devant le bus Lotto-Jumbo. La star néerlandaise de l’équipe, Robert Gesink, avait pourtant abandonné depuis quelques jours. C’est un Néo-Zélandais qui lui a piqué la vedette. George Bennett, douzième du classement général est devenu l’embryon d’une star au pays. « Il fait la Une des journaux chez nous », s’enthousiasme un groupe de fans, venu tout droit de Nouvelle-Zélande pour encourager Bennett et leurs trois compatriotes, Jack Bauer, Patrick Bevin et Dion Smith. Il y a deux jours, la vedette du rugby mondial Conrad Smith lui avait même rendu une petite visite. « On l’aime car il vient de notre pays, d’une petite ville à côté de chez nous, Nelson. En plus, il est vraiment super sympa, il vient nous saluer, il nous donne des bidons », décrit son admirateur numéro 1, May, maillot Lotto-Jumbo sur le dos. « Et il est tellement fort… », s’émerveille plein d’emphase son acolyte Chris. Ceux-là ne le connaissent pas, mais d’autres sont venus spécialement arpenter les routes de France pour leur George Bennett. Pas le champion, le pote.

« Ils se moquent de moi mais ça me fait bien rire. Et puis, les voir dans les cols, au moment où ça devient dur, c’est bon pour la motivation. »

George Bennett

« On commence à avoir une petite réputation pour poser quelques pancartes un peu douteuses…», se marre Matt, l’un des meilleurs amis du coureur. Douteuses, peut-être, hilarantes c’est sûr. Une de leurs ingénieuses trouvailles ? Le dessin spermatozoïde avec le maillot jaune qui devance ses concurrents sur la ligne d’arrivée : « Bennett termine en tête pour la première fois depuis sa conception. » George Bennett, dans un français hésitant, nous confirme avec un grand sourire : « Ils se moquent de moi mais ça me fait bien rire. Et puis, les voir dans les cols, au moment où ça devient dur, c’est bon pour la motivation. C’est une super bande de potes. Je suis très proche d’eux. » Matt a vécu toute son enfance avec Bennett. « George et moi sommes nés à trois jours d’intervalle, dans le même hôpital, on a grandi ensemble, on a fréquenté les mêmes écoles. Je peux dire que je l’ai connu toute ma vie. »

Alors, quand ils ont été certains que leur pote disputerait une seconde Grande Boucle, Matt et sa bande se sont organisés pour participer, eux aussi, à la fête. « On a décidé de venir en France il y a quatre mois. On était assez confiant sur le fait que George soit sur le Tour cette année. On voulait le supporter au maximum sur le Tour alors on a pris notre camping-car, on a préparé nos banderoles et on est venus. » Parfaitement reconnaissables, très bien accueillis (« car on est les ambassadeurs des All Blacks ! »), les Kiwis « essaient juste de passer à la télé, dans la foule, en train de supporter un de [leurs] meilleurs potes ». Ils en profitent pour le chambrer sur une histoire vieille de quelques années à propos de Tinder, l’application facilitant les rencontres, avec l’inscription « Bennett grimpe vers les sommets de Tinder ». « C’était une sorte de champion national de l’application quand il revenait au pays ! Maintenant qu’il a une petite amie, il n’est plus du tout actif. Mais on continue à lui faire cette blague potache. On aime bien l’embarrasser avec nos pancartes. »

Un rigolo

Comme ses amis, George Bennett adore se marrer. Devant le bus il y a quelques jours, quand il répondait aux questions, il n’était d’ailleurs pas avare de son cynisme piquant. « Maintenant que Richie est out, vous voilà ! », rigolait-il avec un journaliste australien. L’ironie, son arme fatale quand il évoquait dans un éclat de rire l’imbroglio des pénalités lors de l’étape vers Peyragudes. Lui et Rigoberto Uran avaient alors écopé de 20 secondes supplémentaires pour un ravitaillement considéré illégal alors même que Romain Bardet était passé entre les gouttes. « Le jury avait deux choix, me rendre mon temps ou pénaliser Bardet. Ils m’ont rendu mon temps. » Malicieux, le Néo-Zélandais poursuivait : « Ils ont viré Peter Sagan pour un coup de coude, pas Démare, et quand Bouhanni en a mis un, il a perdu une minute alors qu’il était déjà à deux heures. Mais ça doit juste être une coïncidence car le mec du jury est en fait belge, il devrait donc aider Tiesj Benoot ! »

« C’est un garçon qui sait mettre l’ambiance, il est assez rieur », confie son directeur sportif Jan Boven. Paul Martens confirme : « C’est un mec très relax, il est marrant. Il n’y a jamais aucun problème avec lui ! » L’éloge au rire se termine avec Matt, qui le connaît mieux que personne. « George est juste un Kiwi comme les autres, incroyablement amical et généreux. Si vous passez un peu de temps avec lui, vous vous rendrez compte à quel point il est tordant. » Mais le cycliste a toujours été un peu à part dans sa bande de rugbymen imposants. « C’est super de voir ce qu’il peut faire alors qu’il a toujours été ce mec de 58 kilos seulement capable de passer le ballon d’un côté ! », se moque d’ailleurs Matt. Bien trop soft pour le rugby, Bennett choisit donc le VTT, puis la route, pour réussir dans le sport.

« C’est un garçon qui sait mettre l’ambiance, il est assez rieur. »

Jan Boven

Une progression ininterrompue

Mais le vélo n’est pas le sport national. C’est ce qui pousse, en 2009, le grimpeur à quitter la Nouvelle-Zélande pour l’Europe, la Suisse plus précisément. Après des années en France, à Roanne, puis chez Livestrong, il devient pro en 2012 sous pavillon RadioShack. Depuis, le chemin parcouru est immense. Désormais installé à Gérone avec sa compagne artiste peintre, Bennett poursuit sa progression, qui n’a jamais cessé depuis ses débuts. Contraint par son métier à mener une vie d’ascète, George Bennett n’a pas toujours pu profiter de sa jeunesse comme ses amis. « George est un mec super déterminé, il prend le vélo très, très au sérieux. Maintenant il doit tellement s’entraîner, même en dehors de la saison. Il prend une bière ou deux mais il sait s’arrêter. Heureusement, ça ne le change pas, il reste toujours le même pote sympa ! »

D’anonyme du peloton, le Néo-Zélandais est devenu un bon coureur de grands tours. Dixième sur la dernière Vuelta, vainqueur du Tour de Californie il y a deux mois et désormais dans la course pour un premier top 10 sur le Tour. « L’objectif c’est qu’il continue à lutter avec les meilleurs. Il progresse d’année en année. Gagner le Tour c’est peut-être trop mais on ne sait jamais, vu ses progrès fulgurants », se projette Jan Boven. Alors que l’exercice contre-la-montre était son principal défaut, Bennett a travaillé dessus cet hiver. Cela lui a permis de prendre le maillot de leader au Tour de Californie devant des grimpeurs patentés comme Rafal Majka. « Clairement, mon but est de rentrer dans le top 10 », insiste le coureur. Un objectif réaliste à une semaine du terme de cette Grande Boucle. Douzième à plus de six minutes de Chris Froome, le Néo-Zélandais n’est qu’à trente-quatre secondes de l’Italien Damiano Caruso, dixième. Avec le soutien All-Black dont il bénéficiera dans les Alpes, le Kiwi pourrait bien matcher avec le top 10.

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