Mark Cavendish, c’est un coureur au palmarès à faire pâlir presque n’importe quel sprinteur. A 30 ans seulement, il cumule 43 victoires sur grands tours dont 25 sur la Grande Boucle, un championnat du monde et un Milan-Sanremo. Mais toujours privé de victoire sur le Tour cette année, celui qui a été l’ogre du sprint entre 2008 et 2013 est redevenu humain. Il n’est plus invincible.

Une mécanique peu à peu enrayée

Le Britannique est un redoutable frotteur et un incroyable finisseur, mais ce qui lui a permis de dominer ses rivaux avec autant d’aisance et de régularité, c’est son train. Sa fusée HTC, pour être plus précis. Emmené par Bernhard Eisel, Georges Hincapie, Tony Martin (déjà !), Bert Grabsh, Michael Rogers et son poisson pilote de toujours Mark Renshaw, le Cav‘ s’éjectait de son fauteuil dans les 200 derniers mètres. Avec pour apogée de cette domination, le doublé avec Renshaw sur les Champs-Elysées, en 2009. L’effectif comptait alors, en plus de Cavendish, deux des meilleurs sprinteurs du peloton : André Greipel et Matthew Goss, qui restaient dans l’ombre du maître. La razzia de natif de l’île de Man est alors considérable. 67 succès en quatre saisons chez les jaune et blanc, dont 40 bouquets acquis en World Tour. Des statistiques folles agrémentées du titre de champion du monde, d’un Milan-Sanremo et des classements par points sur la Vuelta (2010) et sur le Tour (2011).

Au moment du retrait du team HTC, il est recruté dans l’écurie britannique Sky, dont il doit être le représentant national au niveau du sprint. Mais l’homme le plus rapide du monde sur un vélo n’a plus son train, il est livré à lui-même et ses résultats s’en ressentent un peu (3 victoires sur le Tour, 7 bouquets en World Tour sur la saison). Lassé de cette situation, Cavendish signe pendant l’été chez Quick-Step. Dans son autobiographie, il livre son sentiment d’abandon chez Sky : « Lors de la sixième étape du Tour mon pneu avait explosé. Dans l’oreillette, j’ai annoncé que j’avais crevé. Je n’ai eu aucune réponse. J’ai répété ce que j’avais dit, tout en essayant d’accrocher l’arrière du peloton avec une roue à plat. Finalement, alors qu’il n’avait rien dit à la radio, Yates (son directeur sportif, ndlr) est arrivé à ma hauteur, il a attendu que le mécanicien change ma roue et il est reparti aussitôt. Je n’avais jamais été abandonné comme ça après un problème mécanique… » C’est ce jour-là qu’il a décidé de son départ.

Aujourd’hui, Cavendish a toujours une véritable armada (Tony Martin, Michal Kwiatkowski, Mark Renshaw) autour de lui mais les objectifs d’Etixx dépassent les seules victoires d’étapes de son finisseur. Et l’absence de certains hommes, parmi lesquels Eisel, manque cruellement. D’autant qu’au sein d’une effectif pléthorique, ses succès ne sont que bonus. La première saison, en 2013, avait pourtant été fructueuse puisque le petit sprinter (1,75m) avait décroché 20 succès. Mais déjà, on sentait la fin de son règne sur le Tour de France. Le Britannique ne remportera que deux étapes, battu régulièrement par Marcel Kittel (4 victoires) et son ancien sous-fifre André Greipel. En 2014, une chute au début du Tour empêche toute revanche. Avec quatre nouveaux succès, Marcel Kittel de son côté s’affirme alors comme le numéro un du sprint mondial. Une concurrence nouvelle pour Mark Cavendish.

Une concurrence nouvelle

Arrivée au sommet de sa carrière quand la génération précédente y mettait un terme ou n’en était pas loin (McEwen, Petacchi, Zabel, Freire…), Cavendish a profité d’un véritable vide et du manque de rivaux potentiels pour dominer la planète sprint. Aujourd’hui ce ne sont plus les Hushovd, Haussler ou Farrar, tous limités, qui s’opposent à lui, mais des coureurs très puissants et véloces. Le Cav‘ et son explosivité si caractéristique ne suffisent plus face à Kittel et Greipel notamment. Sans solution, avec un train moins souverain, le désormais trentenaire ne fait plus peur. Les autres équipes ont bien compris qu’elles pouvaient le piéger en lançant d’un peu plus loin l’emballage final, et elles ne s’en privent pas. Le Britannique a perdu cette aura, cet avantage psychologique qui participait à son succès. D’autant que ces deux dernières saisons, en plus des deux mastodontes allemands sont venus s’ajouter d’excellents finisseurs comme Kristoff ou Degenkolb. Régulièrement battu par ces derniers, voire ponctuellement par Sagan, Cavendish est très loin de son statut de numéro un. De coutume si arrogant, il commence même à reconnaître la supériorité de ses adversaires. Comme il y a deux jours, à l’arrivée de la cinquième étape à Amiens : « C’était chaotique mais j’ai été battu par deux gars très forts. Bravo à Greipel qui mérite cette victoire. » On n’avait pas l’habitude d’entendre Cavendish s’apitoyer sur son sort. Mais Cavendish a changé. D’ailleurs, ça fait bientôt deux ans qu’il n’a pas gagné sur le Tour…

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