Peter Sagan a terminé dixième ce soir à Liège. Une contre-performance pour le Slovaque, qu’il devrait vite pouvoir rattraper. Pour son sixième Tour de France, il vise un sixième maillot vert qui lui permettrait d’égaler Erik Zabel. Son aîné allemand le sait, c’est sans doute sa dernière année comme seul détenteur du record.

Zabel déçu mais fier

Il y a près de deux mois, sur le Tour de Californie, Peter Sagan remportait la troisième étape devant Rick Zabel. Une victoire banale dans la carrière du Slovaque qui approche des 100 bouquets chez les pros. Enfin presque banale, car ce jour là Peter Sagan a devancé le fils d’Erik Zabel, l’homme dont il pourrait égaler le record de six maillots verts sur le Tour de France. Symbolique. Aujourd’hui, le garçon a déjà entamé, doucement, sa vendange de points en vue du paletot couleur espoir. « Pour ce classement, il faut se battre du premier au dernier jour, il est très important de rester concentré chaque jour », confiait Peter Sagan avant le départ. Auteur d’un mauvais calcul en réagissant tout de suite au sprint de Colbrelli, le double champion du monde a été piégé. Pas une fatalité.

Sagan est quand même déjà lancé dans sa quête d’un sixième maillot vert consécutif. « Je pense qu’il va le faire, nous confiait hier Erik Zabel. C’est de loin le meilleur coureur du moment. » L’ancienne star du sprint allemand est pourtant loin d’être ravie de se faire chiper un record que l’on pensait intouchable avant l’avènement du Slovaque. « Ce n’est jamais agréable de perdre un record, je ne peux pas dire que je suis content, je suis même vraiment déçu », lâche Zabel. Mais voir Sagan lui prendre son morceau d’histoire atténue largement la peine visible sur son visage toujours aussi carré. « Si un jour je venais à perdre ce record – je dis si, mais ça va arriver cette année – je ne pourrais pas imaginer un meilleur coureur que Peter pour me le prendre. C’est un crack, c’est même un honneur de voir mon record battu par un coureur comme lui. » Un adoubement première classe.

Deux rois de la deuxième place

Si Sagan est intouchable, comme a pu l’être Zabel à son époque, c’est parce qu’il prend des points dès que possible. Il ne rate que très rarement les sprints, et même lorsqu’il ne gagne pas, il se place. « Il a la régularité nécessaire pour gagner ce classement, comme moi en mon temps », compare Erik Zabel. Il est vrai que cette tunique n’est pas celle du meilleur sprinteur, mais celle du plus régulier dans la haute performance. Caractéristique que partagent Sagan et Zabel. L’autre point commun entre les deux est leur facilité à bien passer les bosses. Dans les chiffres, la jumellité s’illustre encore mieux. Lors de ses cinq premiers maillots verts, Erik Zabel était entré trente-cinq fois dans le top 5, pour « seulement » six victoires. Sagan est dans les mêmes pourcentages, sept victoires sur quarante-sept étapes terminées dans les cinq meilleurs.

La comparaison peut même aller jusqu’au nombre de deuxièmes places de chacun, la position qu’ils ont connus le plus. Zabel onze fois entre 1996 et 2000, Sagan à dix-huit reprises. Mais si les similitudes sont légions, le champion du monde ne veut pas passer son temps à mettre en parallèle ses performances et celles de son aîné. « Je suis mon propre chemin, je fais ma propre carrière, je ne regarde pas celle des autres », répondait-il à Düsseldorf. En s’amusant à regarder celle de Zabel, on se rend compte que l’Allemand avait décroché trois succès l’année de son sixième maillot vert. Heureusement tant le coureur de la T-Mobile avait été mis sous pression cette année là.

Gageons, pour le spectacle, qu’il en soit de même avec son héritier. Car lors de ses cinq sacres, le Slovaque n’a jamais été menacé. Il a terminé avec 140 points d’avance sur Greipel en 2012, 97 sur Cavendish en 2013, 149 sur Kristoff en 2014 et 54 sur Greipel en 2015. L’an dernier ? Le double champion du monde a carrément fini la Grande Boucle avec plus de deux fois le total de son Dauphin Kittel, 470 points au Slovaque, 228 à l’Allemand. Zabel, de son côté, a eu la même domination pendant ses premiers sacres, mais a ensuite eu à faire face à des rivaux plus intéressés. McEwen et O’Grady, notamment, lui ont mené la vie dure. Puis sur le déclin après 2001, l’Allemand n’a jamais réussi à gagner un nouveau classement par points.

Sagan ne l’a jamais perdu

Si ce Tour 2017 est plein de suspense, un maillot est donc pratiquement attribué d’entrée. Le vert, celui qui va si bien à Peter Sagan, le Hulk du sprint. Pourtant, Peter Sagan préférait rester prudent au moment de contrer les évidences à Düsseldorf : « Au départ du Tour, tout le monde a une chance, tous les sprinteurs du Tour peuvent le prendre. » Peter Sagan devrait pourtant avoir des certitudes. Il n’a jamais perdu dans sa quête de vert. Et cette année encore, on a du mal à l’imaginer en difficulté. Greipel, Kittel, Démare et Cavendish perdent trop de terrain lors des étapes plus difficiles, Bouhanni revient à peine de blessure, Coquard n’est pas là et l’ombre du grand Kristoff n’a pas le niveau.

Seuls Colbrelli et Degenkolb pourraient se dresser devant le Slovaque. Néanmoins, le premier est novice sur le Tour, le deuxième en délicatesse depuis son accident il y a un an et demi. Alors même chez Trek, on ne se fait pas d’illusions. « Notre priorité, c’est clairement Contador, assure Luca Guercilena, le manager. John aura ses propres possibilités mais pour gagner le maillot vert, vous devez vous y consacrer tous les jours, vous battre pour ça à chaque instant et ce n’est pas facile de conjuguer ça avec un objectif au général pour l’équipe. Peter a la complète liberté de chasser les points. Il peut partir dans les étapes compliquées, pas John. » C’est un peu vite oublier que le Slovaque, aussi, a dû cohabiter un temps avec Contador, sans que ça l’empêche de continuer à gagner. Mais Sagan est Sagan. Unique. Alors il devrait, sauf accident, ajouter un sixième maillot vert à sa collection. Comme Zabel. Dans un Tour démarré en Allemagne, la symbolique est belle.

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