Il n’est pas le plus glamour des sprinteurs, ni le plus habitué aux victoires de prestige. Mais sa saison 2014 est d’une telle facture qu’on peut aujourd’hui le citer comme un concurrent crédible aux Kittel, Cavendish, Greipel et autres Sagan. A 27 ans, le Norvégien semble atteindre sa plénitude.

Homme de classiques avant tout

Il n’y a pas si longtemps, Alexander Kristoff était un coureur comme il y en avait beaucoup. Un bon sprinteur, visiblement très à l’aise sur les courses d’un jour et capable de résultats notables comme une troisième place aux Jeux de Londres, d’une quatrième place sur le Tour des Flandres ou de podiums éparses sur quelques étapes du Giro. Mais il y a encore un an, on était loin d’imaginer que le sprinteur de l’équipe Katusha décrocherait deux bouquets sur la Grande Boucle à la régulière. Il y avait bien eu cette deuxième place à Bastia sur la première étape du Tour 2013. Mais il fallait être visionnaire pour y voir les prémices d’une telle explosion. Sauf que le principal intéressé, lui, en semblait convaincu. Si ses places d’honneur l’été dernier (4e à Tours, 6e à Marseille, Montpellier, Saint-Malo et Paris) étaient alors passées plutôt inaperçues, elles sonnent aujourd’hui comme le signal d’une progression linéaire depuis plusieurs saisons.

En 2014, il est après Greipel et à égalité avec Kittel le coureur qui a levé les bras le plus souvent : à dix reprises. Et sur des épreuves renommées. Cela avait débuté au Tour d’Oman, avant ce qui a sans doute beaucoup joué dans la suite de sa saison : sa victoire à Milan-Sanremo. Dans des conditions climatiques dantesques qui n’ont pas semblé le gêner plus que ça, le natif de Stavanger s’est payé Cancellara, Cavendish, Ciolek ou encore Sagan dans un sprint presque massif. Son succès, très inattendu, a démontré son attirance pour les grandes classiques du calendrier. Il a alors poursuivi son ascension en confirmant les promesses entrevues l’an passé sur le Tour des Flandres. Incapable de suivre les purs flandriens, il passe malgré tout très bien les bosses, et depuis deux ans, règle le sprint des « autres », ceux qui ne jouent pas la gagne. Au sein d’une formation qui ne compte pas de réel sprinteur, il a donc, au fil des saisons, engrangé la confiance de son staff, s’appropriant ainsi quelques équipiers. Un alliage ravageur.

Deux victoires et un nouveau statut

Le Tour de France 2014 du Norvégien, pour l’instant, suit le cours de sa carrière. Un départ plutôt tranquille (7e à Harrogate, 5e à Londres), puis une montée en puissance en fin de première semaine (2e à Lille et à Reims), avant l’explosion. Dans deux styles différents, il s’est montré indomptable, chaque fois vainqueur sans contestation et avec l’aide d’un unique équipier dans le final : Luca Paolini. D’abord, vers Saint-Etienne, Kristoff a fait valoir sa capacité à passer les bosses pour disputer la victoire à Sagan et Démare alors que Kittel et Greipel n’étaient pas de la partie. Puis, à Nîmes ce dimanche, il a mis les choses au clair : même sur une étape totalement plate, il peut aligner les maîtres de la discipline. Après avoir passé les Alpes sans doute un peu mieux que ses concurrents, il a eu le plaisir de lever les bras pour la deuxième fois en trois jours : un plaisir rare sur la Grande Boucle, dont il semble savoir profiter pleinement.

Dans la tête de tous, Alexander Kristoff est donc devenu un autre coureur. Il n’est plus ce Norvégien souvent isolé adepte des classiques ou des étapes escarpées, capable de décrocher une place d’honneur dont finalement peu se souviendront. Désormais, il est celui qui est capable d’aligner à peu près n’importe qui, après de longues journées de préférence. Alors oui, il a déjà fêté ses 27 ans – le jour du grand départ de Leeds – et n’a pas la précocité d’un Cavendish ou d’un Kittel. Mais qu’importe : en moins d’une saison, il s’est déjà forgé un palmarès à faire pâlir une grande partie du peloton. Et c’est loin d’être terminé, car à partir de maintenant, il sera craint par ses adversaires, et sans doute encore mieux accompagné par son équipe. De quoi laisser présager de nombreuses autres journées ponctuées de succès, que ce soit sur les prestigieuses classiques du calendrier ou sur les grands tours. Et désormais, ce ne sera plus jamais une surprise.

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