Au moment de la publication de la liste officielle des participants au 97ème Tour d’Italie, et plus précisément du plateau de sprinteurs, Marcel Kittel partait déjà avec une bonne longueur d’avance sur ses concurrents. Celui qui est devenu le meilleur de sa catégorie à l’occasion du dernier Tour de France est déjà rentré dans l’histoire hier à Belfast, et a remis le couvert ce dimanche dans le final sinueux au cœur de Dublin, la capitale irlandaise. Même malmené, mal embarqué, déboussolé et chahuté par Cannondale et Sky, l’Allemand de la Giant -Shimano impose une nouvelle fois sa loi. Comme un refrain qui se répète…

Un spécialiste en puissance des grands tours

Ce qui aurait pu devenir un problème au sein même de l’équipe néerlandaise, à savoir la cohabitation entre Marcel Kittel et John Degenkolb, s’est transformé en un précieux avantage au niveau comptable. Désormais parfaitement crédité du statut de sprinteur lors des plus grands événements, en attestent ses victoires sur son premier Tour d’Espagne en 2011, mais principalement sa domination implacable durant la Grande Boucle, c’est l’Italie et précisément les Îles Britanniques, habituées à supporter le chouchou Mark Cavendish, qui se sont accommodées au phénomène Kittel. Monstre de puissance, le teuton de 26 ans a construit sa victoire du jour sur une résistance et une remontée hors du commun. Habitué à être le dernier maillon d’une chaîne Giant bien huilée, le triple vainqueur du Grand Prix de l’Escaut a dû lâcher les chevaux après le dernier virage pour remonter tous ses concurrents un par un, et les griller sur la ligne au terme d’un dernier jump ravageur. Sa septième victoire sur une course de trois semaines, est sans aucun doute la plus belle en ce jour synonyme d’anniversaire pour le natif d’Arnstadt. Le plus beau des cadeaux imaginables pour le nouveau patron du sprint mondial, est en train de prouver que tous les espoirs placés en lui étaient légitimes.

Ecoeurant lorsque la bonne dynamique est présente, les caractéristiques premières de notre homme véloce ne sont pas sans rappeler les outrageux récitals d’un Alessandro Petacchi sur le Tour d’Italie, ou encore Robbie McEwen sur le Tour de France. L’un des modèles de l’école allemande de la vitesse sait quasiment se débrouiller dans toutes les situations, et c’est bien pour ça que la résignation et les compliments sortent de la bouche de ses rivaux. « De toute manière, Kittel était plus fort, je ne pouvais rien faire », avoua Viviani. « Le podium est la meilleure chose que je pouvais réaliser », se consolait Nizzolo hier. Clairement, personne ne semble être en mesure de battre à la régulière le nouveau maître de la discipline, qui se forge un palmarès des plus enviables, à la manière d’un Mark Cavendish dominant les sprints du Giro les trois dernières années. Devenu hier l’un des membres du club très fermé des vainqueurs d’étapes sur les trois grands tours, aux côtés de Cavendish, Petacchi ou encore Hushovd pour ne citer qu’eux, sa progression semble irrésistible, et ses limites sont encore très dures à cerner. Car si jamais le porteur du maillot jaune du Tour 2013 arrivait à devenir un peu meilleur dans les bosses, le peloton pourrait trembler encore davantage…

Jamais deux sans trois, dès mardi ?

Venu avec la ferme intention de décrocher des étapes, Marcel Kittel a déjà réussi son pari et pris rendez-vous avec la course rose, qu’il ne devrait cependant pas disputer entièrement, le prochain Tour de France trottant particulièrement dans sa tête. Toutefois, le parcours proposé par RCS en 2014 est beaucoup plus favorable que d’habitude aux sprinteurs, à l’exception d’une troisième semaine gargantuesque qui devrait pousser quelques hommes à l’abandon bien avant Triste. Les habitués de la dernière ligne droite, courte ou non, devront donc maximiser leurs chances sur les étapes de plaine qui se présenteront à eux dès le retour sur la Botte. Demain, repos pour tous les coureurs, mais pas pour le staff, qui devra organiser le retour toujours stressant en Italie, dans les Pouilles, avec mardi une étape un peu particulière. Entre Giovinazzo et Bari, 112 kilomètres dont la moitié disputés en circuit urbain ne pourront que sourire aux sprinteurs, et ce sera une nouvelle opportunité de démonstration pour le colosse d’Outre-Rhin qui visera la passe de trois. S’il devrait s’éclipser sur les étapes accidentées qui suivront, Kittel devrait revenir aux affaires sans soucis le vendredi pour la septième étape, mais aussi en deuxième semaine pour deux nouveaux sprints attendus.

En tout, cela fait six étapes au minimum pour les sprinteurs de sa trempe depuis le départ de Belfast, et quatre chances encore pour les Bouhanni, Viviani, Swift, Nizzolo et autres Ferrari pour glaner un succès majeur et terrasser l’ogre Kittel. Même en prenant les rênes de manière anticipée, et en forçant l’allure quitte à mettre un temps les Giant en mauvaise posture, les Cannondale n’auront pas réussi leur coup cet après-midi. Pourtant, Viviani semblait mis sur orbite, mais n’a pas été assez incisif, dépassé par le très agile Ben Swift, dans la roue de l’homme à tout faire Boasson Hagen. Alors certes, les derniers kilomètres des étapes irlandaises n’étaient pas tous propices à un vrai sprint “facile” sur une voie royale, d’autant qu’il faut ajouter la tension palpable en ce début de Giro. Mais il va bien falloir se ressaisir un jour du côté des challengers s’ils veulent décrocher leur part respective du gâteau. La rentrée sur le sol italien mardi devrait donner le départ d’une nouvelle course et redistribuer les cartes, même si le show Kittel pourrait bien être, au niveau des sprints, le refrain de ce Tour d’Italie.

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