Si l’on se replonge dans les archives de l’histoire, le terme russe “Katioucha” désigne l’un des terribles lance-roquettes de l’Armée Rouge lors de la Seconde Guerre Mondiale. En 2015, l’équipe cycliste russe du même nom a de nouveau dégainé une force de frappe considérable, en raflant pas moins de 38 succès, dont un Monument, de belles classiques et trois courses par étapes World Tour. Un total impressionnant, dû à la régularité métronomique de deux grands leaders évoluant dans un registre opposé – Alexander Kristoff et Joaquim Rodriguez – et de doublures qui comme toujours s’amusent à jouer les surprises.

Trois raisons d’être satisfaits

La meilleure saison de la carrière de Kristoff. Avec vingt victoires, le Norvégien est véritablement rentré dans le cercle des meilleurs chasseurs de classiques cette année. Troisième des Jeux Olympiques à Londres alors qu’il faisait partie de cette catégorie de coureurs éternellement sous-estimés, son triomphe à Milan-Sanremo l’an dernier l’a légitimé. Durant les cinq premiers mois de la saison, il a été tout simplement imbattable. Que ce soit au Moyen-Orient ou sur Paris-Nice, le surpuissant Kristoff a écrasé la concurrence en battant les sprinteurs les plus véloces. En état de grâce à partir des Trois Jours de la Panne, il a signé une première douzaine d’avril magistrale, en battant aisément Terpstra au Tour des Flandres tout en s’adjugeant le Grand Prix de l’Escaut. « Seulement» dixième de Paris-Roubaix, il a repris sa marche en avant en défilant chez lui en mai dans les Fjords, puis en Suisse, avant de s’emparer du Grand Prix de Plouay. Quatrième des Mondiaux, cela reste l’une des seules déceptions de sa saison, en plus de son zéro pointé au Tour de France, là où il avait gagné par deux fois en 2014. Mais qu’importe, dans son style viking caractéristique, il a marqué les esprits.

Un duo hispanique qui fait de la résistance. Bien qu’âgés respectivement de 36 et 34 ans, Joaquim Rodriguez et Daniel Moreno ne s’avouent pas pour autant vaincus, et il bien difficile de savoir s’ils ont réellement entamé leur déclin. Le premier nommé a remporté les étapes les plus difficiles du Tour du Pays-Basque avec à la clé un classement général qui lui tenait à cœur, et surtout accroché deux étapes supplémentaires du Tour de France à son palmarès. Alors que personne ne le voyait en lutte pour le maillot rouge à Madrid, tant il paraissait émoussé, « Purito » s’est encore battu pour un nouveau podium, bien que son échec face à Aru reste décevant. Deuxième au classement UCI, il est toujours aussi précieux pour sa formation, d’autant plus quand Moreno le seconde habilement. Onzième de l’Amstel, cinquième de la Flèche wallonne et dixième de la “Doyenne”, l’ancien coureur d’Omega Pharma a également brillé en fin de saison, finissant troisième du Tour de Burgos, neuvième de la Vuelta en coéquipier modèle, et deuxième du Tour de Lombardie derrière le funambule Nibali. En fin de contrat, il a décidé de rejoindre Movistar pour l’année prochaine. Une perte non négligeable.

Ilnur Zakarin, révélation d’outre-tombe. Quelle saison pour le Russe de 26 ans ! Tombé dans les oubliettes du circuit à la suite d’une casserole grotesque qui le condamna à deux années de suspension en 2009, celui qui n’était à l’origine qu’un rouleur semi-prometteur s’est révélé être un grimpeur détonnant. Neuvième au Pays-Basque, course pour purs puncheurs, il a mouché tous les observateurs durant le Tour de Romandie. Improbable deuxième derrière Pinot à Champex-Lac, Zakarin a fait le job dans le contre-la-montre pour remporter le dernier maillot jaune romand. Visiblement trop juste pour tenir de tels efforts sur trois semaines, il n’a que partiellement confirmé par la suite, gagnant une étape en baroudeur sur le Tour d’Italie, puis terminant quatrième du peu relevé Tour de Pologne et troisième de l’Artic Race. Bien malin est donc celui qui peut dire ce que l’on doit attendre de ce garçon pour la saison prochaine… Mais comme Rodriguez et Spilak, il a rapporté une épreuve d’une semaine à sa formation, et ce n’est pas rien.

Deux raisons d’être déçus

Le manque de moyens autour de Kristoff. D’accord, le natif de Stavanger n’est pas du genre à avoir besoin de huit hommes en permanence à ses côtés pour lui dire quoi faire une fois la flamme rouge passée. Mais un ou deux capitaines de route supplémentaires ne seraient pas de refus. L’équipe de Viatcheslav Ekimov ne dispose d’aucune doublure réelle à son chef de file, qui heureusement réussit pour l’instant dans les grands rendez-vous. Seul Luca Paolini et Gatis Smukulis possédaient à la limite une certaine expérience, mais le départ de ces deux coureurs vont laisser un vide autour du Scandinave, qu’il serait bien de combler. Et la venue de Michael Morkov n’est dans ce sens qu’anecdotique pour un homme visant la victoire sur les plus grandes classiques du circuit. Si Kristoff désire tenter le doublé Ronde-Roubaix, voire l’impossible triplé comportant la “Primavera”, qui paraît malgré tout à sa portée, il aura besoin d’être épaulé.

Caruso et Paolini ont tout gâché. Les gros couacs de cette équipe Katusha, ne sont rien d’autre que les déboires de deux de leurs coureurs, tous deux transalpins. Contrôlé positif à l’EPO, Giampaolo Caruso, vainqueur de Milan-Turin l’année dernière et soutien de poids pour Rodriguez et Moreno sur les ardennaises, est sorti par la petite porte, tout comme Luca Paolini, vainqueur d’un Gand-Wevelgem splendide et non négatif à la cocaïne sur le Tour de France. À une époque où les suspicions n’ont jamais été aussi faciles à émettre sur le moindre coureur ce que l’on peut par ailleurs déplorer , ce n’est vraiment pas malin de leur part, et sonne sans doute la fin de leurs longues carrières.

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